À double tranchant
Le débat que pose la question de la déclaration de patrimoine n'est pas simple. Autant ce mécanisme permet normalement de renforcer la transparence dans la gestion des ressources publiques, autant, il recèle de faiblesses notoires, dans le cas spécifique du Sénégal. Il faut bien se demander s'il sert à grand-chose pour un chef d’État qui vient d'arriver de faire une déclaration de patrimoine, au moment de sa prise de fonction, si on ne refait pas une autre déclaration sur ses biens à la fin de de son mandat. Cet exercice aurait pourtant permis de faire une comparaison, même formelle de l'état des biens acquis durant le passage au Palais de la République. Il aurait constitué une bonne balise à tout points de vue, avec un effet psychologique certain sur nos gouvernants successifs.
Il ne faudrait également pas que le débat sur les biens de Macky Sall, qui peuvent être bien ou mal acquis, ne noie pas celui-là bien actuel de la richesse de ceux qui ont déjà eu à gérer les biens de l’État et qui se sont enrichis à vue d’œil, en 12 ans de pouvoir. L'ex-Porte-parole du Président, Serigne Mbacké Ndiaye n'a-t-il lui-même déclaré que parmi les véhicules portés disparus par le nouveau régime, il y en a qui appartiennent à Me Abdoulaye Wade ? ''En quittant le palais, Me Wade n’a récupéré que 30 véhicules, lui appartenant et sur la carte grise, il y a son nom'', avait dit Serigne Mbacké Ndiaye sans pour autant édifier l'opinion sur l'origine des fonds qui ont servi à l'achat de véhicules. Ce, d'autant plus qu'il est de notoriété publique que c'est Moustapha Niasse qui avait financé la campagne du second tour en 2000. même si Wade, en accédant au pouvoir, avait fait une déclaration de patrimoine telle qu'exigée par la Constitution de janvier 2001, il reste qu'il est parti sans en faire une nouvelle et avec tous les biens qu'il a amassés durant les 12 années de pouvoir. Et il n'est pas le seul d'ailleurs parmi ces proches qui voyageaient en car rapide et qui, aujourd'hui, ont des parcs automobiles chez eux dans les quartiers les plus chics de la capitale.
Mais pour toutes questions, la balle est sans doute dans le camp de la Justice avec la résurrection de la Loi sur l'enrichissement illicite, même s'il faut craindre qu'il y ait des arrangements au sommet grâce à la bonne et vieille loi de l'équilibre de la terreur. Que chacun s'évertue à cacher les affaires de l'autre. Déjà, le quotidien Siweul, dans son édition d'hier, a fait état du patrimoine du président de la République qui posséderait ''des maisons au Sénégal, deux maisons à l’étranger : une au Canada et une autre aux États-Unis. Le président Macky Sall disposerait d’un parc automobile impressionnant composé de 35 véhicules et pas des moindres'' et de ''07 comptes bancaires''.
En tout état de cause, sur ces questions comme sur d'autres, l'opinion attend beaucoup de Macky Sall. Le peuple sénégalais a prouvé qu'il reste mur. Et que les convulsions des politiques ainsi que leurs rêves personnels de grandeur ne les lient pas devant l'urne. C'est cela la grande victoire de la démocratie sénégalaise qui vient mine de réaliser sa deuxième alternance pacifique, sans coup férir, parce qu'elle a une opinion publique en avance sur les politiques.
Bachir FOFANA