Publié le 31 Jan 2024 - 10:25
COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE

 La survie des blocs en jeu !

 

Le projet de résolution relatif à la mise en place de la commission d’enquête parlementaire initié par le PDS, va passer ce matin en séance plénière dans une Assemblée en totale recomposition, avec une majorité divisée, une opposition hésitante et un PDS prêt à en découdre.

 

C’est un jour historique qui sera marqué dans les annales de l’histoire politique et parlementaire du Sénégal. Sur saisine du Parti démocratique sénégalais (PDS), l’Assemblée nationale va finaliser, aujourd’hui, la procédure de mise en place d’une commission d’enquête parlementaire aux fins d’instruire de supposés faits de corruption et de conflits d’intérêts impliquant des juges du Conseil constitutionnel.

Dans un communiqué, les services du président Amadou Mame Diop confirment : ‘’Les députés sont convoqués en séance plénière le mercredi 31 janvier à 10 h à l’Assemblée nationale. L’ordre du jour porte sur l’examen du projet de résolution pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire.’’

À cette occasion, deux issues sont possibles. Soit la résolution est votée, la commission est mise en place et pourra poursuivre l’enquête. Soit elle n’est pas votée, alors la procédure initiée par le PDS va s’écrouler comme un château de cartes.

Jusque-là, tous les actes qui ont été posés par le parti libéral ont eu à bénéficier d’un soutien de la plupart des différentes sensibilités du Parlement. Il y a quelques jours, le parti présidentiel, à travers un communiqué de son Secrétariat exécutif national, faisait un communiqué pour demander à ses députés ‘’de rester attentifs à l’initiative du PDS aux fins d’être édifiés sur la non validation de la candidature de leur leader’’.

Depuis, c’est le branle-bas. Cette missive a fait réagir jusque dans les flancs de l’Alliance pour la République, avec la réaction de certaines pontes du régime, dont le frère du président, Aliou Sall, qui se prononce contre et prêt à en découdre avec quiconque voudrait fragiliser les institutions par un report de l’élection.

Malgré ces mises en garde, des députés de la majorité ont jusque-là dit oui à tous les actes du PDS. D’abord, à travers le bureau, ensuite, au niveau de la Conférence des présidents et enfin avec la Commission des lois où 11 des 18 membres sont de la majorité présidentielle. Ce qui fait que beaucoup estiment qu’il y a de fortes chances que la résolution passe aujourd’hui en plénière, sans grand problème.

Au-delà des députés de la majorité, le PDS pourra également compter sur certains membres de l’opposition, dont les représentants de l’ex-Pastef. Dans un entretien accordé aux chaînes France 24 et RFI, le président du groupe parlementaire de l’ex-parti, Birame Souleye Diop, décline leur position : ‘’Si les personnes que l’on appelle sages sont accusées de quelque attitude qui trahit leur serment, évidemment nous voulons savoir ce qu’il en est réellement. Donc, nous n’allons pas nous opposer à cette initiative.’’

À qui profitent la commission et/ou le report ?

Avec cette procédure, il faut s’attendre à une Assemblée complètement recomposée. Durant la phase de préparation, il a été difficile de faire la différence entre députés de la majorité, députés de l’opposition et non-inscrits. Jusque-là, on a noté chez les parlementaires une large majorité autour de l’initiative des libéraux. En plénière, il est fort probable que les blocs connaissent des fissures. Entre ceux qui veulent la lumière sur cette affaire qui pourrait déboucher sur un report et ceux qui n’en veulent pas du tout, en raison des conséquences qui peuvent être néfastes.

Du côté de la majorité présidentielle, les députés proches d’Amadou Ba semblent être seuls dans leur volonté de s’opposer à la procédure de mise en place d’une commission d’enquête. Seront-ils assez nombreux pour barrer la route à cette procédure dont leur candidat est la principale cible ? Va-t-on assister à une confrontation entre députés proches d’Amadou Ba et ceux qui sont contre le PM candidat ?

C’est là quelques grands enjeux de ce qui va se décider aujourd’hui à l’Assemblée nationale, au-delà des soupçons sur les juges constitutionnels.

Dans l’opposition radicale, la posture de l’ex-Pastef sera aussi importante. Entre le désir de faire la lumière et le risque de report, le choix risque de laisser des séquelles dans le bloc de l’opposition radicale.

La question sera donc de savoir si les membres de ce bloc vont se ranger derrière la ligne tracée par le président ou non ?

Chez les non-inscrits, Thierno Alassane Sall semble pour le moment être le seul à s’être prononcé contre la procédure.

Comme à l’accoutumée, les travaux vont démarrer avec la lecture du rapport. Ensuite, indique le règlement intérieur, tout membre de l’Assemblée peut poser une question préalable tendant à décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. ‘’Il peut motiver verbalement sa demande sur laquelle ne peuvent intervenir que le président et le rapporteur de la commission saisie sur le fond et le représentant du président de la République’’, prévoit la charte du Parlement.  

Une commission d’enquête parlementaire et après…

L’Assemblée nationale va donc trancher les éventuelles questions préalables s’il y en a. Si la question est adoptée, le projet est rejeté. Si elle est rejetée, la discussion générale du rapport s’engage. ‘’À tout moment, au cours de cette discussion générale et jusqu’à la clôture, il peut être présenté des motions préjudicielles tendant soit à l’ajournement du débat jusqu’à la réalisation de certaines conditions, soit au renvoi de l’ensemble du texte devant la commission saisie sur le fond ou à l’examen, pour avis, d’une autre commission’’, poursuit le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Dans le cas où la résolution est adoptée, une commission d’une dizaine de membres sera chargée d’instruire le dossier. L’objet sera de ‘’recueillir les éléments d’informations sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à l’Assemblée nationale’’.

Il convient, par ailleurs, de souligner que le Judiciaire peut, s’il le veut, mettre un terme à cette initiative du Parlement. Selon le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ‘’il ne peut être créé de commission d’enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi loin que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création’’.

 Par ailleurs, la loi fixe une durée de vie bien limitée aux commissions d’enquête parlementaire. ‘’Leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport et au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois, à compter de la date de l’adoption de la résolution qui les a créées’’, lit-on dans le règlement intérieur.  

À la fin des travaux, la commission va présenter son rapport à l’Assemblée. Celle-ci va ‘’décider, après audition du rapport et discussion, par un vote spécial, de la publication de tout ou partie du rapport d’une commission d’enquête’’.

Il faut rappeler que sur les 165 députés que compte l’Assemblée nationale, 83 sont de la mouvance présidentielle, environ 23 du Parti démocratique sénégalais. Pastef a 25 députés, alors que Taxawu en compte 13. Cela fait un total de 144 élus, compte non tenu des 11 députés du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur). Le reste est composé de députés non-inscrits.

 

MOR AMAR

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