Locafrique annonce une plainte à Londres et réclame 170 milliards de F CFA
Dans l’affaire l’opposant à la Société africaine de raffinage (Sar), le groupe Locafrique compte déposer une plainte pour non-respect du contrat signé, devant la Cour d’appel de Londres et réclame un montant de 170 milliards en guise de remboursement de dette. L’annonce a été faire, hier, par ses avocats, face à la presse.
Le conflit opposant le groupe Locafrique, chargé d’approvisionnement d’hydrocarbures et la Société africaine de raffinage (Sar) se poursuit hors du Sénégal. Les avocats de Locafrique ont annoncé hier, face à la presse, une plainte contre la Sar, devant les juridictions anglaises, pour non-respect du contrat signé avec celle-ci.
‘’Le niveau d’engagement de Locafrique dépasse aujourd’hui les 170 milliards, pour un privé national. Ce qui a justifié que nous annonçons qu’une plainte est en cours de dépôt imminent devant les juridictions anglaises, devant la Cour d’appel de Londres, pour réclamer la somme de 170 milliards de francs CFA à la Société africaine de raffinage (Sar). (…) Il y a d’autres actions qui sont possibles que nous pouvons faire. Parce que même dans le cadre de la transparence dans le secteur avec l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), il y a des mécanismes qui peuvent être mis en œuvre pour arrêter la saignée de nos derniers publics’’, indique Me Seydou Diagne, membre du pôle des avocats de Locafrique.
Dans un document transmis à la presse à cette occasion, ces derniers rappellent que le groupe Locafrique est devenu actionnaire de la Sar à hauteur de 34 %, le 30 juin 2017, à la suite du rachat des actions détenues par la société Petroleum Chemicals and Mining Compagny (PCMC) appartenant au groupe Bin Laden. Dans ce cadre, le groupe Locafrique a signé, le 4 juillet 2019, une convention de partenariat avec l’Etat du Sénégal et la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) pour se substituer aux engagements de la société PCMC, dans la mise en œuvre du Programme d’extension et de modernisation de la Sar (PEMS). L’une des mesures phares de la convention de partenariat est de permettre à Locafrique de passer de 34 à 51 % du capital de la Sar, la cession de 17 % des actions détenues par Petrosen.
‘’Situation d’endettement non-maitrisé de l’ordre de 53 milliards de francs CFA’’
D’après les avocats de Locafrique, la Sar ‘’traverse, depuis plusieurs années, des difficultés structurelles liées à sa situation d’endettement non-maitrisé de l’ordre de 53 milliards de francs CFA, découlant de mauvaises pratiques dans la gestion de la société qui ont conduit à la décision de recapitalisation de la société’’. ‘’Le groupe Locafrique n’a pas bloqué la décision d’augmentation de capital, mais a posé un débat sur une manière plus rapide et plus efficace pour la Sar, les actionnaires et l’Etat du Sénégal : la réévaluation libre des actifs conformément à l’OHADA. Dans le souci de renforcer les fonds propres de la société, une réévaluation libre des actifs est proposée par une réactualisation du patrimoine immobilier, pour le moment, composé d’un terrain d’une superficie de 92 ha dont l’évaluation au niveau du bilan financier d’un montant de 109 725 293 F CFA découle d’une estimation faite en 1961, date de la création de la Sar’’, renchérit le document.
A la date d’aujourd’hui, la même source renseigne que la valeur actuelle du terrain de la Sar pourrait être évaluée à environ 115 milliards de francs CFA. En considération de ce qui précède, la réévaluation libre du terrain de la Sar pourrait, selon eux, dégager un ‘’écart positif de réévaluation de 114 milliards de francs CFA’’ permettant de ‘’corriger largement’’ les fonds propres négatifs avec, au final, un solde de fonds propres positifs de l’ordre de 61 milliards de francs CFA au minimum.
‘’Dans le cadre de l’Assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2021, nous avons posé le débat de la réévaluation des actifs. A la suite de la présentation d’un plan stratégique par la Sar, il nous a été présenté un mandat de levée de fonds de 420 milliards de francs CFA pour augmenter les capacités de production de la Sar de 1,2 à 1,5 million de tonnes. A la suite de cette analyse et des éléments nouveaux à notre disposition, il nous est apparu que la Sar n’a pas besoin de cette enveloppe. Car elle dispose déjà de 440 millions d’euros, soit 288 milliards de francs CFA de ligne disponible pouvant satisfaire largement ses besoins et fait apparaitre des frais et commissions connus de plus de 8 milliards de francs. Nous a précisé que ce financement est basé sur l’augmentation de la marge de soutien à 10 F/l versés sur chaque litre vendu au Sénégal pour une durée de 10 ans, soit un total de 290 milliards consentis et acceptés par le consommateur en soutien à l’activité de raffinage’’, poursuivent les avocats.
Le chef de l’Etat et l’opinion interpelés
A la faveur de l’arrêt métal, il est rapporté dans le communiqué de Locafrique que la commande de l’ensemble des produits blancs, estimée à plus de 200 milliards de francs CFA, a été passée ‘’sans appel d’offres’’ et à l’issue du Conseil d’administration, dans des conditions jugées ‘’opaques’’ qui laissent présager de ‘’graves conséquences’’ économiques et financières pour la Sar. Alors qu’il est actuellement question de recapitalisation et de plan de financement de plus de 420 milliards de francs CFA entièrement basés sur les fonds des actionnaires et la marge de soutien.
‘’C’est l’occasion d’alerter le président de la République, les autorités nationales et internationales sur les contrats d’approvisionnement signés entre la Sar et Petrosen, sur une valeur de 200 milliards de francs CFA. Relativement à la recapitalisation de la Sar, nous précisons que, depuis plus de trois mois, la position de Locafrique est claire. Nous sommes d’accord que l’augmentation de capital et la recapitalisation doivent être faites, et ce sont des opérations nécessaires, soit pour résorber les fonds propres, soit pour avoir de la trésorerie. Ce sur quoi nous ne sommes pas d’accord, c’est comment faire cette recapitalisation. Nous ne sommes pas là pour bloquer la bonne marche de la société. Ce que nous voulons, c’est que les choses se fassent de façon très saine pour qu’on ne rapproche pas demain de détournement’’, souligne Me Seydou Diagne.
Malgré tous les efforts du groupe Locafrique, les robes noires estiment que la Direction générale de la Sar a décidé, au ‘’mépris des règles contractuelles, de changer unilatéralement’’ les livraisons. Ceci, après qu’ils ont acheté et financé tous les cargos sur la base du contrat signé. ‘’Ce qui, aujourd’hui, nous laisse aucun choix que de saisir les juridictions compétences pour rentrer dans nos droits. Le préjudice subi à ce jour s’évalue à 167 milliards de francs CFA. L’objectif visé étant d’asphyxier financièrement une entreprise sénégalaise et de l’affaiblir’’, font-ils savoir.
Pour Me Assane Dioma Ndiaye, dans cette affaire, la Sar a ‘’foulé aux pieds’’ les principes les plus élémentaires de l’Etat de droit et des règles de bonne gouvernance. ‘’On nous a, pendant des années, parlé de bonne gouvernance, de Doing Business, de transparence, de sécurité juridique, etc. La Sar a toujours fonctionné avec un pôle de banques. Donc, quand elle a besoin d’argent, elle peut s’adresser à ces banques pour avoir du financement. Mais elle est allée chercher un véhicule de financement. La justice a dit que ce n’est pas Locafrique qui fait un blocage de minorité, mais c’est la Sar qui fait un abus de majorité’’, dit-il.
MARIAMA DIEME