La Francophonie économique en question
Premièrement, l’OIF doit faire un vrai plaidoyer pour la réforme et pour la bonne gouvernance politique et économique qui constitue le préalable et la première étape de la marche vers l’émergence et le développement. Partageant des valeurs fortes, ancrées sur un passé commun et sur une langue qui facilite le dialogue mutuel et l’esprit de camaraderie, les pays francophones devraient mettre en place un processus de Revue entre les Pairs en matière de gouvernance politique, de démocratie et de respect des droits de l’Homme. Ceci viendrait compléter le travail déjà notable effectué par l’OIF à travers les missions de paix et d’observation des élections. La conclusion d’un partenariat entre l’OIF et l’Institut africain de la Gouvernance, récemment créé, est également à recommander.
Dans le domaine de la gouvernance économique, la promotion de la lutte contre la corruption, sous toutes ses formes, la modernisation et la rationalisation du droit des affaires, la simplification des procédures administratives, doivent, entre autres chantiers, recevoir l’attention de l’OIF. Le soutien apporté à l’OHADA trouve là tout son intérêt.
L’OIF pourrait également bâtir des indicateurs de gouvernance, exploitant les multiples données déjà disponibles dans les autres institutions internationales (ex : Doing Business, Indice de Gouvernance, Indice de Compétitivité Globale de l’IMD, etc.) comparant les différents pays de l’Organisation et les autres pays du monde, publier un classement annuel des pays francophones et appuyer les pays à améliorer leurs performances.
Le second axe d’intervention potentiel de la Francophonie institutionnelle, c’est le soutien des partenariats d’affaires et des efforts d’insertion des pays pauvres dans l’économie mondiale. Présentement, l’OIF, en collaboration avec ses partenaires comme privés comme le Réseau des Chambres Consulaires francophones, déploie plusieurs programmes qui méritent d’être consolidés et renforcés.
Le programme de mise en place d’une plate-forme d’experts en négociations d’accords de partenariat économique (ACP/UE) et l’accompagnement des efforts de développement du commerce et de l’investissement des organisations régionales (telles que la CEMAC, l’UEMOA, la COI et la CEDEAO) méritent d’être poursuivis, en y associant davantage les milieux d’affaires.
En sus, la Francophonie pourrait considérer les actions supplémentaires ci-après :
- L’organisation d’une foire commerciale de la Francophonie, une fois tous les deux ans, en marge de la Francophonie, afin de faire du Sommet l’affaire du secteur privé. La RIFE pourrait être institutionnalisée et se tenir en même temps que la Foire. Des prix de l’innovation en entreprenariat dans l’espace francophone pourraient être distribués à la même occasion ;- La rationalisation du site web www.espace-economique-francophone.com pour y inclure une base de données des exportateurs francophones, organisés selon les secteurs et les groupes de produits, et une base sur les opportunités commerciales et d’investissement dans les pays francophones;- La refonte de l’action d’appui aux marchés publics internationaux, en effectuant la collecte, la traduction et la publication sur le site www.espace-economique-francophone.com des principaux appels d’offres lancés dans les différents pays du monde ;- La transformation de la Direction du Développement durable et de la Solidarité de l’OIF en un Institut francophone du Développement économique chargé de piloter la dimension économique de la Francophonie et doté de moyens conséquents;- La publication annuelle d’un annuaire statistique de la Francophonie, incluant des données macroéconomiques et des chiffres clés concernant les échanges économiques des pays membres ;- La création d’un grand marché francophone du travail, favorisant, de manière équilibrée, la mobilité des experts et cadres dans l’espace francophone;- La consécration officielle du rôle des Chambres consulaires dans l’animation du réseau des gens d’affaires francophones et dans la jonction avec la Francophonie institutionnelle. Ceci permettra d’éviter la cacophonie dans la mobilisation du secteur privé francophone.
En matière de financement innovant et de développement de l’entreprenariat, l’OIF pourrait créer un Fonds francophone de l’entreprenariat, abondé par les Etats membres et par le secteur privé, et dont la gestion serait confiée, après appel d’offres, à une structure privée, selon un cahier de charges défini au préalable. Ce fonds pourrait notamment refinancer les institutions de micro-finance des pays pauvres et prendre des participations, sous forme de capital investissement, dans quelques projets innovants et porteurs.
Dans le domaine du renforcement des capacités, il faudrait étudier les moyens de démultiplier les modules de l’Institut Francophone de l’Entreprenariat au sein même des pays membres, en signant des protocoles avec des écoles et universités locales.
L’ensemble de ces idées et d’autres encore pourraient être approfondies par l’OIF, dans le cadre d’un travail d’élaboration d’un Livre blanc sur la Francophonie économique, en gardant scrupuleusement à l’esprit les cinq principes directeurs qui guident l’Organisation dans le choix de ses priorités et de ses actions : la subsidiarité, l’intégration, la pertinence, le partenariat et la mesurabilité.
Moubarack Lô
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