Pourquoi le Président Wade doit demander pardon ?
La profanation de la zawiya ElHadj Malick de Dakar a suscité une levée de boucliers d’une grande partie de la Communauté Tidiane. Au-delà de cette confrérie, c’est toutes les communautés religieuses du Sénégal qui ont marqué leur indignation face à cette bavure policière. Oui, car il s’agit bien d’une bavure policière qui n’aurait pas eu une ampleur aussi grande dans d’autres circonstances. Des circonstances qui exigent toutefois que le Président présente ses excuses à toute les Communautés religieuses du Sénégal.
En effet, le repli identitaire n’a jamais été aussi exacerbé que sous la magistrature du Président Wade à cause de sa posture de soumission à la confrérie Mouride induisant une fierté naturelle et justifiée de ses condisciples en voyant le premier des sénégalais affirmer son appartenance à leur Communauté. Qui n’aimerait pas voir le Président de la République clamer haut et fort son appartenance à sa communauté ? D’un point de vue psychosociologique, l’appartenance d’hommes de valeurs à sa communauté nous conforte dans nos convictions et nous donne un sentiment de légitimation des préceptes que nous prônons.
Mais, revers de la médaille, cette allégeance du Président de la République à la Confrérie Mouride a entrainé une frustration tacite des autres communautés religieuses du Sénégal.
L’accumulation des frustrations a été nourrie et amplifiée par des déclarations inopportunes et malveillantes du Président de la République clamant l’intérêt particulier qu’il porte à l’endroit de sa confrérie, comme ce fut le cas lors du dernier Magal de Touba. La profanation de la Zawiya n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, entrainant parfois des réactions démesurées mais qui s’expliquent durant ses périodes électorales où la passion l’emporte souvent sur la raison.
Pour avoir été à l’origine des brèches ouvertes au sein de la société sénégalaise et contribuer à l’effritement du ciment social, gage de notre stabilité, le Président doit présenter ses excuses au Peuple Sénégalais sans distinction de religion ou de confrérie.
Pour avoir profané un lieu de culte musulman, soit-il implanté par Seydi Hadj Malick, Cheikh Ahmadou Bamba ou Limamou Laye, Le Président de la République doit demander pardon aux musulmans. Sourate 72, verset 18 : “En vérité, les mosquées sont la propriété exclusive de Dieu”.
Monsieur Le Président, demander pardon n’est pas un acte de faiblesse mais plutôt un signe de grandeur. Les excuses publiques de votre Ministre de l’Intérieur n’ont fait qu’exacerber les frustrations, car perçues comme un manque de considération de votre part vis-à-vis des musulmans qui se sont sentis touchés dans leur chair. Les grands affronts doivent être lavés à grande eau.
L’occasion m’a été donnée de relire votre discours à la nation à la suite du naufrage du bateau le Joola. Les familles des victimes n’ont pas eu droit aux excuses du Chef de l’exécutif face à l’irresponsabilité des services en charge de la gestion du Bateau. Le pardon sincère aurait peut-être permis de panser les blessures et fermer à jamais les plaies ouvertes. Le fameux mot ne fut jamais prononcé.
L’exemple de Barack Obama est encore frais dans nos mémoires. Il a fait preuve de courage et de grandeur en présentant ses excuses au Peuple Afghan suite à l’incinération d’exemplaires du Coran par un Officier américain, fut-il commis “par inadvertance” comme l’a souligné un communiqué du Gouvernement afghan.
Monsieur le Président, il n’est pas trop tard pour demander pardon, même si vous considérez que vous l’avez déjà fait par personne interposée. Comme disait Paul Auster : “C’est compliqué de demander pardon, c’est un geste délicat, en équilibre entre raideur orgueilleuse et contribution larmoyante et si l’on n’arrive pas à s’ouvrir à l’autre en toute honnêteté, toutes les excuses paraissent fausses et creuses.”
De grâce Monsieur le Président, faites un dernier effort en prononçant le petit mot ! Cela pourra peut-être vous réconcilier avec le Peuple.
CHEIKH AHMED TIDIANE SY