À Dakar, des Maliens entre joie et dépit
Le coup d’État survenu au Mali avant-hier, passe pour un coup d’éclat aux yeux de quelques Maliens rencontrés hier au niveau de la gare ferroviaire de Dakar. Mais chez les femmes, l’inquiétude est de mise.
Le renversement du pouvoir du président malien Amadou Toumani Touré (ATT) par des militaires dans la nuit du 21 mars est diversement apprécié par la communauté malienne présente à Dakar. Chez les femmes commerçantes rencontrées aux abords de la gare ferroviaire de Dakar, elles condamnent, à l’unanimité, le coup d’État perpétré contre un homme ''qui a beaucoup œuvré pour le pays pour y avoir construit des routes et érigé des infrastructures modernes'', selon Ata Ndiaye, une vendeuse de tissus ''cuub''. À l’instar de ses collègues, elle s’inquiète pour les parents restés au pays. Quand ces Maliennes parlent de couvre-feu, des images sombres semblent s’imprimer dans leurs esprits. Du coup, elles pensent, comme elles le laissent entendre, ''au fusil, à la guerre, à la mort.''
Avec une certaine exaspération, Nanan Kouyaté s’interroge sur l’opportunité d’un coup d’Etat à un mois de la présidentielle. ''C’est insensé. Ils auraient dû le laisser finir son mandat. Comme toujours, déplore-t-elle, en de pareilles situations, ce sont nous, les pauvres, qui allons payer le plus lourd tribut. Des familles risquent de ne pas avoir de quoi manger.''
Des camionneurs et commerçants jubilent
Pour autant, chez les hommes rencontrés hier, l’heure n’est guère aux remords. Sous des airs d’insensibilité, un groupe de dix Maliens jouent à la belote, à côté d’une théière. ''Nous sommes des Sarakholés. Nous ne sommes intéressés que par l’argent et la paix'', nous balance d’emblée Oumar sylla, conforté dans cette position par les autres membres du groupe, installés devant la gare routière de Dakar. Quand ils daignent marquer une petite pause pour s’exprimer sur le sujet, c’est pour dire, avec un air d’empressement, qu’ATT mérite bien sa chute. ''C’est un précédent dangereux, il fallait destituer ce régime qui a affaibli l’Armée lors de la rébellion qui a miné le nord du pays. Vous imaginez-vous, quand des civils vont jusqu’à nourrir les militaires… Il devait débarrasser le plancher'', lance Oumar Sylla qui s’en arrête là ; le groupe acquiesce par un hochement de tête.
A quelques mètres, d’autres Maliens, des camionneurs, ne craignent pas, pour l’instant, l’instauration d’un climat d’insécurité dans leur pays. C’est avec sérénité qu’ils saluent le coup d’État orchestré par les militaires. Non loin de là, juste en face de la gare maritime du port autonome de Dakar, des camionneurs exultent. Pour eux, leur président déchu ne méritait pas de rester au pouvoir un mois de plus. ''On est contents'', ''on en a marre de ATT'', ''il n’a rien foutu'', lancent-ils en esquissant des pas de danse. C’est à peine s’ils ne qualifient pas leur président de fossoyeur de la République malienne, l’injure à la bouche.
Leur antipathie semble être attisée par la rébellion au nord du pays qui a fait tomber de nombreux soldats au front. ''C’est indigne d’un chef d’État, un Général de surcroît. Jamais le Mali n’a connu un tel déshonneur. Il était temps qu’il parte, on est trop contents'', souligne M Touré, camionneur et opérateur économique.