Publié le 4 Jun 2022 - 23:45
CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

Les bons offices de Macky Sall

 

La situation humanitaire est tendue sur le continent africain où l’insécurité alimentaire gagne du terrain. La crise alimentaire frappe à la porte de plusieurs pays. Le chef de l’État, Macky Sall, Président en exercice de l'Union africaine, a rencontré, hier, le président russe Vladimir Poutine, pour évoquer l’invasion de l’Ukraine et ses conséquences sur le continent.

 

Le chef de l’État, Macky Sall, Président en exercice de l'Union africaine (UA), s’est entretenu, hier, avec son homologue russe Vladimir Poutine, à Sotchi.  Le président sénégalais, accompagné du président de la Commission de l'Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a principalement évoqué avec lui la crise alimentaire qui couve sur le continent africain, du fait, entre autres, de l'offensive russe en Ukraine. ‘’Nous sortons d'ici très rassurés et très heureux de nos échanges’’, a déclaré Macky Sall aux journalistes, à la sortie de la rencontre qui a duré trois tours d’horloge. Optimiste, il a révélé avoir trouvé le président russe ‘’engagé et conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines’’. Ce qui leur a permis d’avoir ‘’un échange complet sur la situation’’.

Un état d’esprit qui tranche avec les propos que le chef de l’État a servis à son homologue, au début de l’entrevue. Il lui disait : "Je suis venu vous voir, pour demander de prendre conscience que nos pays, même s'ils sont éloignés du théâtre, sont des victimes de cette crise, au plan économique."

En effet, cette visite, sur invitation du président russe, fait suite à la réunion du Bureau élargi de l’Union africaine, le 10 mai 2022. Elle s’inscrit dans le cadre des efforts que mène la présidence en exercice de l’Union africaine pour contribuer à l’accalmie dans la guerre en Ukraine et à la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains.

Ainsi, le combat de Macky Sall est de tenir le secteur alimentaire "hors des sanctions" de la communauté internationale. Car, selon son analyse, les tensions alimentaires sont aggravées par les sanctions occidentales qui affectent la chaîne logistique, commerciale et financière de la Russie. Et l’Afrique est fortement impactée. ‘’Nous n'avons plus accès aux céréales venant de Russie, mais surtout aux engrais", a poursuivi le chef de l’État sénégalais. Macky Sall fait remarquer que cela crée "de sérieuses menaces sur la sécurité alimentaire du continent".

L’Afrique est impactée, alors que, souligne Macky Sall, "la majorité des pays africains" a "évité de condamner la Russie", lors de deux votes de l'ONU, et qu'avec "l'Asie, le Moyen-Orient, ainsi que l'Amérique latine, une bonne partie de l'humanité" avait préféré se tenir à l'écart du conflit et n’aspire qu’à la paix. ‘’Je lui ai indiqué que nous étions venus d'abord pour lui demander une désescalade et de travailler pour la paix’’, a ajouté Macky Sall.

Car l'offensive russe en Ukraine paralyse les exportations alimentaires de ces deux géants de l'agriculture. Plus aucun navire ne sort d'Ukraine, alors que le pays était aussi le quatrième exportateur de maïs et en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait, seul, 50 % du commerce mondial de graines et d'huile de tournesol avant le conflit. Cela a entraîné une flambée des cours des céréales et des huiles. Le Programme de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) indique que 8 à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition dans le monde, si la crise dure. L'ONU, elle, redoute ‘’un ouragan de famines’’ dans les pays africains qui importaient plus de la moitié de leur blé d'Ukraine ou de Russie. Son secrétaire général, Antonio Guterres, fait remarquer que la guerre provoquée fin février par la Russie, en plus de ravager l’Ukraine, attise ‘’une crise mondiale tridimensionnelle de l’alimentation, de l’énergie et de la finance, qui plombe les peuples, les pays et les économies les plus vulnérables’’.

Comme pour faire écho aux préoccupations de Macky Sall et de Guterres, le Tchad a déclaré ‘’l’urgence alimentaire’’, du fait de la ‘’détérioration constante de la situation nutritionnelle’’, en raison de la guerre en Ukraine, selon un décret rendu public jeudi 2 juin. En 2021, l’ONU révélait que 5,5 millions de Tchadiens, soit plus du tiers de la population, avaient besoin d’une ‘’aide humanitaire d’urgence’’. Entre-temps, la situation qui s’est aggravée avec la guerre en Ukraine et le blocus sur les céréales.

Ainsi, le décret, signé par le chef de la junte au pouvoir, Mahamat Idriss Déby Itno, fait état d’un ‘’risque grandissant que les populations encourent, si aucune assistance humanitaire comprenant une aide alimentaire […] n’est apportée’’. ‘’Le gouvernement fait appel à tous les acteurs nationaux et les partenaires internationaux à venir en aide aux populations’’, poursuit le décret.

En effet, la Corne de l’Afrique, soumise à une terrible sécheresse, des millions d’habitants sont menacés de famine.

Poutine et le ‘’bluff’’ des Occidentaux

Peu après sa rencontre avec le président de l'Union africaine, Vladimir Poutine a accordé une interview télévisée, pour se prononcer sur le conflit et les préoccupations du continent. Sa réponse a été très politique. Il soutient qu’il ‘’n'y a pas de problème pour exporter les céréales d'Ukraine’’. Ce faisant, il a détaillé plusieurs pistes. Outre la possibilité de passer par Marioupol et Berdiansk, deux ports conquis par la Russie en mer d'Azov qui donne accès à la mer Noire, Poutine a mentionné les ports de la mer Noire restés sous contrôle ukrainien, notamment Odessa. Ainsi, il exige que les eaux de ces ports soient déminées par Kiev et promet, en échange, que la Russie permettra un passage sécurisé des navires.

En dehors de ces ports, pour faire sortir les récoltes ukrainiennes, le président russe a renseigné que c’est possible par la voie fluviale, via le Danube, à travers la Roumanie, la Hongrie et la Pologne. ‘’Mais, dit-il, le plus simple, le plus facile, le moins cher, ce serait des exportations via le territoire du Bélarus. De là, on peut aller vers les ports de la Baltique, puis vers la mer Baltique et ensuite n'importe quel endroit dans le monde’’.

À condition, toutefois, précise-t-il, que les sanctions occidentales contre Minsk, allié de Moscou, soient levées.

Ainsi, l’homme fort de la Russie assure que le blocage n'est pas de sa faute ni le résultat de la présence de sa flotte de guerre au large de l'Ukraine, mais qu'il est le résultat du minage des ports ukrainiens par Kiev. Aussi, que les exportations russes de céréales sont largement bloquées, à cause des sanctions logistiques et financières imposées par l'Occident pour punir la Russie. De ce fait, il déclare que les Occidentaux font du ‘’bluff’’, lorsqu'ils assurent que Moscou empêche les exportations de céréales d'Ukraine.

Ce faisant, répondant au président de l’UA, Vladimir Poutine a rappelé le "soutien" de l'Union soviétique aux pays africains "dans la lutte contre la colonisation" et vanté le développement des relations russo-africaines. 

AMADOU FALL (AVEC INTERNET)

Section: