Le Cdeps va attaquer les arrêtés du ministre de la Communication
Le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps) a informé hier, après la publication de la liste des médias reconnus par l’Etat, qu’il va utiliser tous les moyens pour attaquer les arrêtés pris par le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall. Au cours d’une conférence de presse, le président du patronat de presse, Mamadou Ibra Kane a déclaré que ce 3 décembre 2024 est une date macabre pour la liberté de presse au Sénégal.
La publication de la liste provisoire des médias qui ont le droit d’exercer sur le territoire sénégalais, par le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a suscité l’indignation du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps). Après avoir déclaré que les actes posés par le ministre sont totalement illégaux et ne sont ni conformes à la Constitution du Sénégal ni au Code de la presse, le président du Cdeps, Mamadou Ibra Kane a informé qu’ils attaqueront les arrêtés pris par le tutelle. Il considère ces derniers comme une forfaiture contre la démocratie, contre la liberté de la presse au Sénégal et la liberté d’entreprendre. Embouchant la même trompette, la patronne de la 7 tv, Maïmouna Ndour Faye a déclaré que le patronat de presse va utiliser toutes les lois légales pour attaquer l’arrêté cet enregistrement des médias. Elle espère que la Cour suprême va l’invalider car c’est un abus de pouvoir selon elle.
Le président du Cdeps a lancé un cri du cœur: "Nous sommes scandalisés, abasourdis par les déclarations du ministre de la Communication du gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye". Selon lui, "ce n’est ni au ministère de la Communication, ni à une quelconque autorité administrative de donner une autorisation pour la création d’un média ou d’une entreprise de presse à fortiori de valider son existence légale". Avec cette publication d’une liste des médias qui peuvent exercer au Sénégal, M. Kane soutient que c’est une bataille d’opinion qui va désormais se jouer entre le ministre de la Communication et les acteurs des médias. "C’est notre existence même, en tant qu’entreprise de médias, qui est menacée et contre cela, nous allons réagir", a dit Mamadou Ibra Kane. Pour contrecarrer la décision du ministre, il a annoncé une jonction de tous les acteurs des médias. Selon le président du Cdeps, le ministre confond entreprise de presse enregistrée au niveau du ministère de la Communication et l’autorisation d’existence légale d’un quelconque média. En effet, a-t-il rappelé, ce sont deux choses bien différentes. Selon lui, "l’enregistrement des médias au niveau du ministère de la Communication permet à l’Etat du Sénégal de dire quelles sont les entreprises commerciales qui peuvent avoir le statut d’entreprise de presse. En octroyant ce statut aux entreprises qui sont enregistrées au ministère de la communication, ajoute-t-il, ces dernières pourront bénéficier des subventions de l’État et pourront accéder au marché publicitaire".
Ainsi, a-t-il insisté: "ce n’est pas du ressort du ministre de la Communication, du Gouvernement de manière générale de valider une existence légale des médias au Sénégal. Cette mauvaise compréhension de la part du ministre lui permet d’avoir l’illusion de pouvoir museler la presse sénégalaise". D’ailleurs, a-t-il renseigné, c’est tout l’écosystème des médias qui est aujourd’hui totalement bouleversé par des positions politiques contre les médias au Sénégal’’.
Les manquements de la plateforme
Revenant sur la plateforme de déclaration des médias du Sénégal, Maïmouna Ndour Faye a soulevé les failles de cet outil. " On a eu d'énormes difficultés à nous enregistrer parce que ce qu’ils estiment et ce que stipule le Code de la presse diffère. Ils étaient obligés de mettre en place une entité d’assistance technique. Quand tu es un groupe de presse, tu ne peux pas t’enregistrer sur la plateforme. Parce qu’ils ont demandé que soit enregistré le média. Quand tu enregistres le média avec les informations de ton entreprise, si tu veux enregistrer un autre média de ton groupe, la plateforme te dit que ces informations ont déjà été utilisées", a-t-elle souligné. Dans la partie directeur de rédaction, poursuit-elle, ils n’ont pas fait la différence entre directeur de publication et celui de la rédaction pour les télévisions. Elle estime que tout cela pourrait être évité s’ils (ministre et des services ) avaient discuté avec le patronat lorsqu’ils mettaient en place cet outil. D’après elle, ils ne sont pas des spécialistes des médias et ne connaissent pas le secteur.
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SON MÉDIA ABSENT DE LA LISTE
MNF se dit pas surprise
Après avoir mentionné plusieurs médias absents de la liste provisoire diffusée par le ministre, la directrice de la chaîne 7tv s’interroge sur les critères précis selon lesquels ces entreprises de presse seraient jugées non conformes aux dispositions du Code de la presse. Au moment où ces médias sont écartés, a-t-elle regretté, ‘’des tribunes, des caisses de résonance qui sont au service d’un parti politique, ont été mises sur la liste’’. Selon elle, ils s’emploient à opérer une forme de sélection. "Des caisses de résonance peuvent exister mais les médias sérieux, qui sont au service des Sénégalais et de la démocratie doivent être éliminés. Cela ne se passera pas comme ça", a-t-elle prévenu. Dans la même veine, elle a souligné que l’absence de son média sur la liste n’est pas une surprise pour elle. "Nous avons opté pour une vie de combat et ce combat doit être mené. Personne ne peut m’empêcher d’exister dans l’espace médiatique du Sénégal, je le lis haut et fort. Ce n’est pas de la défiance mais je parle avec conviction. Personne ne peut éteindre ma voix jusqu’à l’extinction du soleil. Pour nous faire taire, il faut nous empêcher de vivre", a lancé Maïmouna Ndour Faye. "Aliou Sall lorsqu’on mettait nos médias sur place, tu étais en France. Donc, ce n’est pas à toi de nous empêcher d’exercer ce métier. Pour nous empêcher d’exister à travers des médias, il faudra éradiquer tous les médias de ce pays là", le défie-t-elle. "Si nous acceptons cette forfaiture qu’ils sont en train de mener, nous serons lâches. Tous ceux qui pensent qu’ils ne sont pas concernés peuvent ne pas se battre mais leur tour viendra. Même si j’étais sur la liste, je mènerai le combat parce que je ne peux pas accepter qu’on restreigne la liberté de la presse. Il est question de faire taire, de décrédibiliser, d’éliminer les gens. C’est un processus qui a commencé et qui n’a pas encore fini", prévient MNF. En outre, elle estime qu’ils devront en même temps publier la liste des médias qu’ils qualifient de non conformes et leur donner les raisons.
Une requête qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. En effet, en début d’après-midi, le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a publié un avis à l’attention des entreprises de presse: ‘’les médias ne figurant pas sur la liste provisoire recevront dans les meilleurs délais la notification spécifiant les manquements à combler. Ceux, non encore enrôlés, doivent le faire sur la plateforme sous 72h’’.
FACE A LA SITUATION Le Cored invité à prendre ses responsabilités Maïmouna Ndour Faye a attaqué le Cored. "Le Cored n’a qu’à prendre ses responsabilités. Lorsque le Sénégal était dans une crise politique, ils s’en sont pris à des professionnels et pourtant tous les jours, des gens qui n’ont pas le droit d’exercer ce métier, sont dans les tribunes et racontent ce qu’ils veulent, en insultant des citoyens sénégalais, personne ne les rappelle à l’ordre. Le Cored n’en parle pas", accuse-t-elle. "Je prie Mamadou Thior de ne pas être complice de ce meurtre qu’on est en train de commettre. Car sa posture ne me rassure pas. Comment peut-il être dans une commission et accepter qu’on prenne une telle décision", se demande-t-elle. Selon MNF, "le Cored est un tribunal des pairs et qu’il ne peut remplacer ni le patronat, ni le Synpics. Des non pratiquants ne peuvent pas décider pour des gens qui pratiquent et qui connaissent leur métier". |
FATIMA ZAHRA DIALLO