Dié Maty Fall
Une femme loyale, engagée et résiliente
Après 37 ans à bourlinguer dans les méandres des réactions, Dié Maty Fall, a été fêtée ce mercredi 31 pour un départ à la retraite professionnelle. Le quotidien « Le Soleil » où elle a souffert la martyre du « frigo » pendant de nombreuses années, lui devait bien une cérémonie, si symbolique soit-elle. Mais pour nous, ses amis, cette retraite n’est qu’un retrait ou sans doute un changement de cap, pour continuer son combat pour la pensée plurielle et la liberté d’opinion. DMF, comme on l’appelle très
affectueusement a débuté sa carrière en 1987 par la Radiodiffusion Télévision sénégalaise (RTS), avant de passer au Soleil, à Sud, à Canal Info et la presse en ligne.
On la verra sans doute bientôt arpenter les couloirs des temples du savoir pour augmenter sa science. Entre autres projets, elle était déterminée à décrocher son doctorat en histoire pour ensuite se consacrer à l’enseignement, c’est une possibilité, mais la certitude la mieux partagée, c’est qu’elle continuera d’écrire. Ecrire ses mémoires, sûrement, écrire pour contribuer à la littérature de son pays, certainement, écrire pour continuer de défendre la liberté de la presse, c’est un devoir et une obligation morale pour ses congénères et les générations montantes qui ont tout à apprendre de cette grande dame aux multiples vertus : humanisme, engagement, empathie, loyauté et résilience.
Mais Dié Maty, c’est aussi la véridique, l’insoumise, la droiture, l’idéaliste et la combattante chevronnée dont la beauté de l’écriture n'a jamais trahi la franchise de la plume et la déontologie professionnelle. Et qui disait, que Dié Maty est « un modèle de résilience, maniant une plume libre et engagée qui a su résister aux aléas du temps. » Et de la pression multiple de ses détracteurs, pourrait-on ajouter. Même les menaces de mort n’ont jamais réussi à la faire dévier de sa trajectoire de liberté et d’honneur, de son militantisme socialiste et de ses convictions politiques. Ces qualités ont été héritées de son mentor Ousmane Tanor Dieng, arraché à notre affection le 15 juillet 2019. Mais, elle a surtout été marquée par l’onction et l’héritage paternels !
Ne l’oublions pas, fille de feu Alioune Fall (décédé le 09 mars 1975), premier et dernier Président Directeur Général de l’Office de radiodiffusion télévision du Sénégal (ORTS), Dié Maty a hérité de son père l’ADN du journalisme et marquée du sceau de la passion de la profession. Cet héritage, DMF la garde jalousement et avec fierté parce que « J'ai l'habitude de dire que si mon père avait été bijoutier, moi aussi j'aurais été bijoutière » confiait-elle à un journaliste lors d’un entretien. Cependant, sa carrière a également été influencée par des plumes émérites comme celles de Bara Diouf ou de Annette Mbaye d’Erneville. A ces divers échelons, DMF a hérité du culte du travail bien fait, de la rigueur professionnelle, de l’excellence et de l’humilité. Franchise, franc-parler, audace, témérité et fidélité ont marqué son parcours professionnel et sa trajectoire politique
Les heures sombres passées au Soleil, à un moment de sa vie, n’ont jamais atteint son aura personnelle et ni déteint sur la profondeur de sa motivation. C’est pourquoi, ses amis et sympathisants ont applaudi lorsque la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) l’a honorée le 12 décembre 2020, à l’occasion de leur « Sargal national de la Presse. » Quel honneur, pour celle qui n’a jamais voulu verser dans l’amalgame entre sa vie professionnelle et ses convictions personnelles, celle qui toujours réussi à donner la voix au chapitre à toutes les sensibilités politiques ou syndicales.
Défenseur infatigable de la cause féminine, DMF a fini par rejoindre le Parti socialiste en 2014, largement animée par ses convictions socialistes bien sûr, mais aussi pour son admiration pour Abdou Diouf et son dévouement amical à Ousmane Tanor Dieng et Aminata Mbengue Ndiaye. Elle occupe présentement les fonctions de porte-parole adjointe et assure le secrétariat national à la communication. Voici comment, elle aime décrire son attachement à sa famille politique : « Quand vous intégrez le Parti socialiste, vous percevez le Sénégal en miniature. Chaque région et chaque département du Sénégal sont représentés au sein du bureau politique, du comité central, du secrétariat exécutif national, ainsi que dans d'autres organes et mouvements tels que les mouvements des jeunes et des femmes. Pour moi, c'est le parti qui incarne le mieux les valeurs sénégalaises. »
Rien d’étonnant qu’une socialiste de cœur ait pensé à offrir des arbres fruitiers au jardin botanique du Soleil pour marquer son empreinte indélébile au sein de cette entreprise de presse, où elle été à la fois chouchoutée et malmenée dans ses écrits et ses convictions. Ainsi, au plus fort des évènements qui ont ébranlé notre pays, DMF n’a pas hésité à user de ses talents de bâtisseur et de sapeur-pompier pour appeler à la tolérance et à la responsabilité historique qui doivent animer les politiciens en dépit de leurs ambitions avouées ou non : « Nous devons continuer de bâtir des consensus forts, républicains et patriotiques en vue de renforcer la démocratie, l’Etat et la République. Pour cela, le dialogue national doit s’élever à la hauteur des enjeux de la nouvelle situation et de la ceinture de feu qui nous entoure, pour combattre les ennemis de notre modèle de démocratie stable, apaisée et tolérante. Sans sentiment, sans émotion. »
Et pour achever une carrière bien accomplie et sincère, elle lâche pour ses jeunes héritiers de la plume un viatique puisé dans la tradition « ceddo » : « Je préfère la fidélité à la tradition journalistique et à la liberté de dire et de contredire. Si tout le monde cède à la tentation de l’autocensure, l’hydre nous détruira tous, et notre modèle de société en même temps. » Assidue et intègre dans ses relations amicales et professionnelles, DMF cultivait aussi un profond attachement à sa famille. Lors du rappel à Dieu de sa marraine, elle a laissé exploser toute sa tendresse familiale : « Ma Badiène et homonyme, la Linguère Adja Dié Mbacké Fall a été rappelée à Dieu ce mercredi 19 juin 2024, à l’âge de 79 ans, entourée de l’affection des siens. C’est la dernière sœur de mon papa qui rejoint Ndongo Kumba Ngay Ngay et Àdja Fatou Diop Maty dans la lumière de la vérité. J’étais son idole, son diamant, son baril de pétrole, sa princesse, son rayon de soleil, son amour massif, sa raison de vivre, sa everything everywhere, son objet de dévotion, son obsession, ses yeux de Chimène, son tout, la photocopie physique et morale de son frère adoré. »
Dié, nous tous qui avons bénéficié de la sagacité de vos écrits et de l’ampleur de votre quête permanente de vérité, de courage et persévérance, vous disons merci de votre énorme contribution à la bonne gouvernance et à l’esprit patriotique et citoyen de notre chère Nation !
Ton amie et confidente
Aminata Mbengue Ndiaye
Section: