Publié le 24 Jul 2015 - 20:11
EN PRIVE AVEC ALI CHAM ALIAS KILLA ACE (ARTISTE GAMBIEN)

‘’Ma mission va au-delà de Jammeh’’

 

Au Sénégal depuis la fin du mois de juin, le rappeur Ali Cham aka Killa Ace a été obligé de quitter illico presto son pays natal la Gambie. Il était recherché par la police de Jammeh après la sortie d’un clash contre le gouvernement de Babili Mansa Abdou Aziz. En marge d’une conférence de presse qu’il a donnée hier au siège de la RADDHO, il s’est entretenu avec EnQuête.

 

Qu’est-ce qui vous a amené au Sénégal ?

Je rends d’abord grâce à Dieu. Je suis au Sénégal parce que j’ai sorti une chanson intitulée ‘’Kou boka C Geta G’’. C’est un clash à l’encontre du régime de Yaya Jahmmeh, de sa politique et de son régime. La chanson pourrait être ainsi résumée : ‘’Ku bokk ci gétt gi, naan ci meew mi, ku bokk ci dëkk bi war ngaa mënë am baat ci rewmi’’. Je n’ai fait que dire tout haut ce que tous les Gambiens pensent tout bas. Ils n’ont juste pas le droit de s’exprimer librement afin de dire ce qu’ils ont sur le cœur ou de partager leurs idées. Et cela n’est pas normal. Quand on vit dans un pays, on doit pouvoir s’exprimer librement. C’est un minimum dont ne jouissent pas les Gambiens.

Là-bas, même prononcer le nom de Yaya Jahmmeh n’est pas permis à plus forte raison oser dénoncer la multitude de choses injustes qui s’y passent. Il n’y a pas une seule catégorie de personnes, allant des artistes aux journalistes en passant par les religieux, qui a le droit de s’exprimer librement. Alors moi, je me suis dit que je suis un artiste rappeur et de surcroît l’un des plus valables de mon pays ; il est de mon devoir de ‘’transgresser’’ les lois dictatoriales de Jammeh. C’est la seule chose que je pouvais faire pour être la voix de ceux qui n’en ont pas. C’est cela ma vraie mission. Je ne dois pas me limiter seulement à faire montre de mon talent. Ce talent, je dois l’utiliser à des fins utiles. C’est pourquoi le 23 juin passé, j’ai sorti ce single.

J’ai profité de ma participation au Festa2h pour enregistrer la chanson. C’est après sa sortie que je suis retourné en Gambie. L’opus a eu un succès extraordinaire. Tout le monde en parlait. Aucune chanson d’un artiste gambien n’a jamais eu de buzz. De retour du Sénégal, la situation était déjà tendue en Gambie à cause de ce titre. La national intellegency police me traquait déjà. On a interrogé au téléphone ma femme et des membres de mon staff pour qu’ils disent où j’étais. Eu égard à cette situation j’ai décidé et sur conseil de mon entourage de quitter ma terre natale. Ma sécurité n’était plus assurée tout comme celle de ma famille.

Vous êtes artiste depuis longtemps. Mais  pourquoi avoir attendu tout ce temps pour  sortir cette chanson ?

Ça, c’est vrai mais ceux qui me connaissent savent que j’ai toujours été un artiste engagé. Dans mes chansons, j’ai souvent traité de diverses questions sociales dont la vie chère, les salaires de misère que gagnent des Gambiens, le chômage des jeunes ainsi que l’immigration clandestine. Ma voix a souvent servi à dénoncer des injustices. Seulement je l’ai toujours fait d’une manière modérée. Cette fois-ci, je n’ai pas fait dans la langue de bois. J’ai même cité nommément Yaya Jammeh. Je me disais toujours que tout doit se faire graduellement. J’ai commencé par parler de choses générales dont certaines ne se passaient même chez moi. Il est après arrivé le moment où il fallait m’attaquer à ce qui m’entoure. Je me voyais comme un hypocrite parce que je parlais de ce que font Boko Haram et autres alors qu’il y a beaucoup d’injustices  à dénoncer chez moi.

Est-ce que vous vous sentez en sécurité au Sénégal ?

Je me sens vraiment en sécurité au Sénégal. Même si certains disent que le Président peut me traquer jusqu’ici, je reste convaincu qu’il est plus sûr pour moi de rester ici que là-bas en Gambie. Là vraiment je suis à l’aise. Je n’ai pas de problèmes ici. Je vis chez un ami pour l’instant. Je suis en train de chercher un logement où habiter avec ma famille (ndlr sa femme et son enfant de 5 ans). Je rends grâce à Dieu pour cela.

Vous avez introduit une demande d’asile au Sénégal, où en êtes vous dans les démarches ?

Le dossier est en cours. On le suit et ça avance bien. Prochainement, on a une rencontre avec les autorités concernées pour cela.

Vous n’avez pas peur que le Président Jammeh demande votre extradition avant que cela n’aboutisse ?

Pour dire vrai, je n’ai pas peur. Même quand j’étais en Gambie, je n’avais pas peur d’y rester même si je savais qu’on pouvait m’emprisonner ou tout simplement me faire disparaître pour de bon. Si vraiment la peur m’habitait, je n’allais pas retourner en Gambie après avoir enregistré la chanson ici. J’étais prêt à tout en composant ce single. Au contraire, le plus important était de ne pas me laisser museler, de m’éloigner afin de pouvoir continuer la bataille entamée. Je ne suis pas venu au Sénégal pour inciter  les Gambiens à l’insurrection ou les pousser à combattre Yaya Jammeh. Je suis là pour porter à l’attention de l’opinion internationale toutes les injustices que vivent les Gambiens. Le Sénégal est un pays de paix. Je suis sûr que tant que je n’y transgresserai pas les lois, je n’y risquerai absolument rien.

Mener un combat à partir de l’extérieur peut s’avérer difficile voir impossible. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Où que je sois, le combat que je compte mener aura un impact sûr. Avec internet, tout est devenu facile actuellement. En un seul clic, on peut savoir tout ce qui se passe dans le monde. L’information est accessible. La chanson qui m’a valu cet exil n’est disponible que sur la toile et 30 mille personnes l’ont écouté. C’est un record jamais égalé pour une chanson gambienne. Alors je reste convaincu que même en restant ici, quoi que je puisse faire, les Gambiens le sauront à la minute qui suit si je le souhaite. J’ai un public fidèle et une renommée qui fait qu’actuellement le public gambien attendra mes sorties.

Peut-on dire que votre seul objectif est de dénoncer les exactions du régime de Jammeh ?

Non, cela ne peut pas être mon unique mission. Moi, je suis un artiste ; ma mission va au-delà de Jammeh. J’ai commencé à chanter avant de vivre en Gambie. Yaya Jammeh ne peut pas être mon seul sujet de chanson même s’il est vrai que la chanson clash contre lui que j’ai composée m’a rendu célèbre aujourd’hui. Cependant, je ne veux pas me concentrer sur cela. Il y a tellement d’autres choses à dire que si je me limite à ça, ce serait réducteur. J’ai fait ce que j’avais à faire et je continuerai de le faire mais je ne m’arrêterai pas à ça. Mon vrai objectif est de faire connaître la musique gambienne et montrer qu’il y a des talents dans ce pays. 

BIGUE BOB

 

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