Publié le 29 Jan 2017 - 20:15
EN PRIVE AVEC DANIEL GOMEZ (PRESIDENT DE L’AMS)

‘’Demander le retour du BSDA est une aberration’’

 

Daniel Gomez est le président de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (Ams). Une structure qui est dans une certaine léthargie depuis un certain temps. Dans cet entretien, il revient sur les raisons qui ont retardé le renouvellement des instances de l’AMS. Pour ensuite demander l’audit du bureau sénégalais du droit d’auteur (BSDA).

 

Vous êtes à la tête de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (Ams) depuis avril 2016. Comment se porte votre structure ? 

Je faisais partie de l’ancien bureau. Je suis dans l’AMS depuis sa création le 15 novembre 1999. D’aucun nous ont reproché d’avoir attendu trop longtemps pour organiser une assemblée générale. Une attente qui s’explique par le fait que l’AMS s’était fixée des objectifs à sa création. Parmi les sept points retenus à cet effet, figurait l’assainissement de l’environnement juridique. Nous pensions que ça allait se faire relativement vite. Mais ça a pris du temps, de 2003 à 2008. Et c’est en 2016 que la Sodav (ndlr Sénégalaise du droit d’auteur et du droit voisin) a vu le jour. Quand le Président a signé l’agrément de la Sodav en 2016, on s’est dit qu’on avait un chantier abouti. Il nous fallait maintenant renouveler nos instances. Ce n’est pas facile d’être au four et au moulin.

L’AMS a noué beaucoup de partenariats qui, avec le ministère de la Culture, même si ce n’était pas du tout évident au début, nous ont conduits à développer divers projets. L’une de nos fiertés aujourd’hui est de savoir que près de 2 000 artistes ont été sensibilisés sur les questions de droit grâce à des projets que nous avions commencés au début avec la Fondation Youssou Ndour.

Quelles sont les priorités de la nouvelle équipe ?

Nous comptons beaucoup de jeunes dans ce nouveau bureau. Nous sommes partis avec l’intime conviction que ça ira plus vite parce qu’on est mieux outillé aujourd’hui. On a suivi des formations et on comprend mieux diverses choses. On parlait de la piraterie mais aujourd’hui, avec le numérique, on est à l’ère de la contrefaçon. Maintenant, il y a beaucoup de musique qui passe sur internet mais les droits ne sont pas payés comme il faut. On veut se battre pour qu’on revoie les choses. Aujourd’hui, on se bat aussi pour faire adhérer le maximum de personnes. On ne veut pas que ces dernières soient juste détentrices de nos cartes mais qu’elles soient actives dans les actions de l’AMS.

Ce qui a mené à adopter des statuts que je qualifie de révolutionnaires et qui sont différents des standards qu’on nous donne à la Chambre de commerce. Sur le côté administratif, on se veut plus rigoureux aujourd’hui. On a cherché des manuels de procédure. Aujourd’hui, en notre sein, on a des commissaires au compte, des trésoriers pour une meilleure gestion des fonds. Là on sort souvent de Dakar. On a été à Thiès par exemple et là, on revient de Kaolack et on se prépare pour aller à Ziguinchor. Lors de nos sorties, on expose certes les acquis de l’AMS mais on aide nos antennes à s’organiser à l’image du bureau de l’association. On partage avec eux notre expertise. On travaille avec une équipe informatique pour la création d’un site web qui comporte toute la base de données de l’AMS. Les gens peuvent cotiser en ligne via les différents systèmes de transfert d’argent existants.

Le statut de l’artiste était l’un des combats de l’AMS. A ce jour, rien n’est fait. Le nouveau bureau va-t-il continuer le combat ?

L’AMS a longtemps bataillé pour le statut de l’artiste, c’est vrai. Elle est membre d’un comité de pilotage mis en place il y a de cela quelques années par le ministère de la Culture. C’était le comité pour la mise en place de la société de gestion collective et pour le statut de l’artiste. Pour les raisons évoquées plus haut, il a fallu mettre l’accent sur la société de gestion collective. Cela fait une heureuse coïncidence parce que ce comité a été réactivé mercredi dernier au ministère. Dans ce comité, il y a des organisations professionnelles comme l’AMS, l’Adafest, la Sipeps, le ministère du Travail, la caisse de sécurité sociale ainsi que l’Ipres.

Les gens parlent du statut de l’artiste mais c’est un gros chantier. Nous sommes heureux de voir que le ministère en fait aujourd’hui une priorité afin que nous puissions sortir avec un projet de loi à la fin de l’année qui puisse retracer toutes les propositions. Il est prévu une série de réunions et d’ateliers à cet effet. Il y a un comité de rédaction qui va travailler sur un draft. Après, on va avec ce document consulter la base, apporter les inputs des différentes parties du secteur. On reviendra après avec les inputs des experts des différents ministères concernés. Enfin, suivra le processus qui mènera le projet final sur la table du Président et celle de l’Assemblée nationale. Le processus est enclenché et l’AMS va le suivre de très près.

Vous demandez un audit du BSDA, mais le ministère de la Culture dit ne pouvoir se saisir du dossier. Que comptez-vous faire ?

Je peux comprendre la position du ministère de la Culture d’un côté. Aujourd’hui, c’est la Sodav qui est en place et le ministère ne pourrait se saisir d’un dossier concernant cette dernière. Rien n’empêche la Sodav toutefois d’interpeller la tutelle. C’est ce qui va se faire je pense. Nous avons assisté à un basculement du BSDA vers la Sodav avec armes et bagages, c’est-à-dire actifs et passifs. Nous étions là lors de la passation de service. Le directeur sortant disait alors avoir laissé assez d’argent pour payer les acteurs. L’AMS est là pour la défense des droits des artistes.

Une telle déclaration nous rassurait. Quand nous nous sommes approchés de la Sodav, on nous a dit que cette dernière n’a reçu pour l’instant que des dossiers. Et qu’il leur fallait du temps pour voir avec un expert-comptable ce qu’il en est. Ce que la Sodav nous a dit après nous a étonnés, même si avant, nous avions eu vent que les chiffres du directeur sortant n’étaient pas les bons. Aujourd’hui, nous ne voulons pas que la Sodav procède à un audit. Car cela reviendrait à grever encore l’argent des artistes, les maigres ressources qui sont là, alors que la Sodav n’est pas comptable de la mauvaise gestion qui lui est léguée. Le directeur a été nommé par le président de la République. C’est pourquoi nous avons interpellé ce dernier. Nous ne demandons pas simplement l’audit de l’ancien directeur. Nous demandons  l’audit du BSDA. Avant lui, il y avait d’autres dirigeants. On n’a jamais eu de chiffres du BSDA.

Si le président de la République ne donne pas d’écho favorable à votre demande, que prévoit de faire l’AMS ?

Il est de notre devoir de recourir à toutes les voies légales afin d’obtenir gain de cause. Nous voulons juste qu’on éclaire notre lanterne.

Aujourd’hui, des artistes affiliés à l’association de l’industrie musicale (AIM) demandent le retour du BSDA. Vous êtes pour ?

Il me semble aberrant, pour une société de gestion collective qui englobe de nouveaux droits et ayants droit (ndlr : les artistes interprètes, les producteurs et éditeurs de la musique), qu’on demande qu’elle soit remplacée. Cette association dont vous parlez compte beaucoup de membres qui n’ont jamais bénéficié d’un droit. Le BSDA ne s’occupait que des droits d’auteur. Ne serait-ce que pour ces nouveaux droits-là, réclamer le retour du BSDA est une aberration. Nous aimerions bien comprendre ce qui ne va pas. Nous aimerions qu’on nous appelle autour d’une table pour échanger sur cela. Cela montre leur non-implication dans le processus. Cette société de gestion collective, on en parle depuis 2003. C’est un processus consensuel qui a mené à sa création. 36 organisations avaient donné leur aval à l’époque. Nous sommes effarés d’entendre des musiciens réclamer le retour du BSDA, et cela, après seulement 3 mois et quelques jours d’existence de la Sodav.

BIGUE BOB

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