‘’Etre le fils de Toumani Diabaté, c’est beaucoup de pression’’’

Jeune chanteur pétri de talent, Sidiki Diabaté, fils de l’éminent musicien Toumani Diabaté, fait fureur au Mali. Nominé aux Grammy awards il y a deux ans grâce à un album en duo avec son père, il devient de jour en jour plus populaire. Sa pétillante voix résonne dans les boîtes de nuit, à travers les réseaux sociaux, bref partout. Avec un deuxième album qui connaît un énorme succès et dont un morceau a été repris par le rappeur Booba, il gravite de plus en plus d’échelons dans la sphère musicale mondiale. Il donne un concert aujourd’hui à Dakar. Le « prince de la Kora », comme on le surnomme, a accordé un entretien à EnQuête. Son style musical, son amour pour l’héritage qu’il porte, sa vie après de tels succès… tout y est !
Depuis quand avez-vous commencé à faire de la musique ?
Je suis issu d’une grande famille de griots. Je suis de la 72e génération, mon père est de la 71e génération. Je suis griot donc la musique, je l’ai dans le sang. On naît griot mais on ne devient jamais griot. C’est dans le sang. Toutefois, on m’a dit que j’ai commencé à jouer de la kora à l’âge de 10 ans. Depuis, j’en joue régulièrement et j y ajoute d’autres instruments de musique moderne, les claviers, la programmation etc. Ma mère est chanteuse et elle m’apprenait à chanter petit à petit.
Etre fils de Toumani Diabaté, n’est-ce pas un poids trop lourd à porter ?
Si. C’est beaucoup de pression, beaucoup de rigueur dans le travail. Mais cela m’a ouvert beaucoup de portes et m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. Il y a certes une certaine exigence, mais on essaie de faire avec. J’ai ma génération, ils ont eux aussi leurs générations, ce n’est que cela.
Le Mali est connu par sa force dans la musique traditionnelle, Comment arrivez-vous à propager cette innovation chez vous ?
C’est en fait toujours la même musique traditionnelle. Elle constitue la base de ma musique. Elle a connu un peu de changement de mon côté, mais la musique reste traditionnelle. Je prends des morceaux traditionnels que je travaille pour les agrémenter avec d’autres sonorités et mélodies ; je les modifie et les retravaille à mon goût.
Dans votre musique, l’on entend tantôt du hip-hop, tantôt du r’n’b tantôt du zouk. Comment définissez-vous votre style ?
C’est un peu de tout. A peu près du hip-hop que j’ai commencé à faire avec un ami rappeur qui s’appelle Iba Wane et depuis, on continue de travailler sur cette lancée. Mais c’est juste du manding moderne. C’est comme du Salif Keita, Youssou Ndour, Habib Koité etc.
Dans votre morceau ‘’Joyeux anniversaire’’, on entend des sonorités plutôt ‘’mbalax’’. Pourquoi ce choix ?
C’est du mbalax. J’aime beaucoup le ‘’mbalax’’. Ma grand-mère est wolof donc, c’est normal que j’adore la musique wolof. D’ailleurs, j’ai travaillé avec beaucoup d’artistes d’ici, comme Youssou Ndour, Pape Diouf, Didier Awadi entre autres. Dieu merci,
Etes-vous le seul fils de votre père à faire de la musique ?
Non, tout le monde joue de la kora dans la famille, mais tout le monde ne chante pas. Mon père a trois fils. Mais comme chez nous tous les enfants sont ceux de papa, on est nombreux dans la maison. Mais je suis le premier…
D’où vient l’appellation « prince de la kora »?
Parce qu’on appelait mon père « prince de la kora ». Mon grand père et homonyme feu Sidiki Diabaté a été nommé « roi de la kora ». C’est pourquoi on appelait son fils prince de la kora. Après le décès de mon grand père, mon père est devenu le roi et moi le prince (rires). C’est très simple.
En tant que prince de cet instrument, comment comptez-vous gérer ce legs ?
Comme mon père l’a fait. Jouer pour les nobles, pour mon pays, pour l’Afrique. Jouer pour faire avancer les choses. Parce qu’un griot n’est pas seulement un joueur d’un quelconque instrument de musique, mais un messager. En jouant de la musique, on en profite pour faire passer des messages. Surtout qu’on est confronté à beaucoup de problèmes comme l’émigration.
Vous avez récemment eu un grand succès sur les réseaux sociaux et partout dans le monde, qu’est-ce qui, selon vous, est à l’origine de ce succès ?
Je pense que seul le travail paie. Youssou Ndour qui nous a si bien guidé dira qu’il n’y a que le travail qui paie. Si l’on s’entretient avec Salif Keita, ça sera la même réponse. Donc, je pense qu’avec l’expérience que j’ai eue auprès de mon père, avec les apprentissages que j’ai récoltés avec d’autres, je suis toujours en train d’apprendre. D’ailleurs, on n’arrêtera jamais d’apprendre. On récolte toujours les fruits de ses efforts et on va continuer à aller de l’avant pour amener la kora au plus haut sommet.
Comment vivez-vous ce succès au pays ?
Je le vis normalement. Ce n’est pas parce que je remplis des stades chez moi que je ne peux pas vivre normalement. Je me considère comme un jeune normal. Je ne me mets pas la pression. Et même si je ne peux pas dire que je suis une star, je suis issu d’une grande famille de stars. Je peux dire qu’on a l’habitude. Il faut juste et toujours avoir de bons conseillers, faire le bon choix, ensuite se lancer sur de bons projets. Incha Allah avec la tête sur les épaules, tout peut bien marcher.
Que représente la musique, la kora plus précisément, pour vous ?
La kora est mon identité, ma carte d’identité, ma vie. C’est parallèlement l’Afrique, le message de la paix. Elle est tout pour moi. C’est ma première femme aussi (rires).
Justement qui est la deuxième épouse ?
(Il rit). Bon… c’est privé.
Mais l’on dit que Sidiki est marié. Donc dites-nous-en un peu !
Non, je ne suis pas marié. Sur internet, il y a beaucoup de choses qui sont écrites mais voilà… (il ne termine pas la phrase). C’est privé quoi. Moi, j’aime les surprises.
Que comptez-vous présenter aux Sénégalais lors de votre spectacle de ce soir ?
J’apporte encore de la musique africaine, de l’espoir à mes frères qui ont les mêmes rêves que moi, de faire de la musique et de réussir, de percer sur le bon chemin de la musique africaine. Ceux qui, comme moi, rêvent de devenir de grands musiciens comme Youssou Ndour, Toumani Diabaté, Oumou Sangharé et tant d’autres.
Y a-t-il des musiciens sénégalais qui vous inspirent ?
Dans ma génération, j’aime bien la musique de Waly Seck. J’écoute Youssou Ndour aussi, Baaba Maal etc. Ismaël Lo, j’adore sa voix qui est extraordinaire, en l’occurrence dans la chanson Africa. J’écoute beaucoup de chanteurs sénégalais.
Et quels sont vos projets…
J’ai beaucoup de projets. Mais à vrai dire pour l’instant, je préfère ne pas en parler. Je suis en fait comme ça : j’aime les secrets et les surprises. Donc là, je préfère ne pas les dévoiler et après, tout le monde saura …
AMINATA FAYE