Cinq lieux africains comme espaces de transformation
Le Fonds Metis, hébergé par l'Agence française de développement, a dévoilé hier à Dakar l'exposition ‘’Faire Lieu’’. Cinq artistes africains à l'honneur qui, en plus de leur pratique artistique, ont fondé des lieux culturels, contribuant ainsi au dynamisme créatif et communautaire de leurs régions. Organisée en marge de la Biennale de Dakar, l'exposition invite le public à découvrir ces initiatives innovantes lors de son vernissage prévu le vendredi 8 novembre.
L’exposition ‘’Faire Lieu’’, présentée par le Fonds Metis de l'Agence française de développement, est accueillie dans la capitale sénégalaise. En effet, cette initiative, conçue en lien avec la Biennale de Dakar, met en lumière le travail de cinq artistes africains. Par ailleurs, entre les Ateliers Sahm fondés avec Bill Kouélany pour le Congo, Bandjoun Station créé par Barthélemy Toguo pour le Cameroun, Manifa fondé par Viyé Diba pour le Sénégal, Mbare Art Space au Zimbabwe initié par l’artiste Moffat Takadiwa et Inema Art Center cofondé par Innocent Nkurunziza pour le Rwanda, il est nécessaire de reconnaître que chacun de ces artistes a fondé des espaces culturels qui dynamisent artistiquement leurs territoires.
Aussi, faire résonner des enjeux sociaux, éducatifs et politiques est un enjeu primordial. L’artiste pluridisciplinaire camerounais, Barthélemy Toguo, souligne que ‘’Faire Lieu’’ ne se contente pas de créer des œuvres ; il va bien au-delà : ‘’On doit comprendre que l’art peut être un facteur de développement (…), dit-il. Il est engagé dans un travail citoyen et politique.
De plus, il souligne que l’espace culturel qu’il a créé est un lieu de rencontres, de débats et d’apprentissage où se mêlent art et société. ‘’Bandjoun Station est un lieu polyvalent par lequel l’art et la tradition locale se rencontrent et arrivent par la même occasion à intégrer sa communauté. Pour bien faire de l'art, il faut que la culture locale soit intégrée. C’est en ce sens que cet espace intègre un volet environnemental et l’expérimentation sociale. Afin d’être un exemple pour la jeunesse, il va donc y intégrer l’agriculture et de fait la différence. ‘’Nous visons à créer des liens dynamiques et équitables entre les artistes et les populations de Bandjoun. L’artiste doit comprendre qu’il a un rôle et qu’il doit impacter la société et j’ai pris des initiatives pour faire bouger les choses’’, lance-t-il.
Outre la question de l’agriculture locale, un regard vers l’histoire et la mémoire dans des lieux autrefois marqués par la ségrégation est aussi mis en avant dans cette exposition. Il s’agit de l’exposition de Mbare Art Space au Zimbabwe, initiée par l’artiste plasticien Moffat Takadiwa qui est un lieu revisité. ‘’C’est un ancien lieu de la ségrégation. Dans ce lieu, l’art et la mémoire interrogent les héritages de l’époque coloniale’’, explique l’artiste. Avec une porte qui rappelle la Maison des esclaves à l'ile de Gorée, on peut comprendre que c’est un lieu qui retransmet le passé de l’être africain et qui fait renaître beaucoup d'émotions.
Néanmoins, il est aussi abordé les défis de l’éducation et il est présenté un centre culturel au Rwanda dédié à l’échange intergénérationnel et au renforcement des compétences locales. Cette diversité d’initiatives incarne donc une volonté commune, celle de prouver que l’art peut transformer les communautés et créer un impact durable.
À cet effet, l’exposition montre comment ces lieux peuvent devenir de véritables plateformes de transformation sociale tout en éveillant la conscience collective. La chargée du projet d’exposition, Marie Diehl, nous explique que réunir ces artistes sous un même toit à Dakar peut être un catalyseur social. ‘’Grâce à ces lieux, il y a un accès pour toutes vos questions artistiques culturelles et pas uniquement aux arts visuels. Souvent, c'est des artistes et des arts visuels. Mais là n’est pas uniquement les arts visuels, c’est de la danse et la performance et du chant, c'est du théâtre et toute autre sorte de pratiques artistiques. C’est le propos de l'exposition et l'idée’’, explique-t-elle.
Le message serait que ces espaces culturels ne soient pas seulement des galeries d’art. Ils rassemblent les jeunes artistes et les communautés locales en leur offrant des opportunités pour la formation et la création. Pour l’exposition ‘’Faire Lieu’’, ce sont les jeunes et la communauté de Grand-Yoff qui pourront en bénéficier. Accès gratuit, possibilité de visiter et d’échanger avec les artistes, ce qui n’est pas souvent le cas dans les galeries d’art où l’accès à l’art est limité. Ils permettent aux habitants de découvrir et de pratiquer diverses formes artistiques : arts visuels, danse, performance, théâtre et musique.
De toute évidence, ‘’Faire Lieu’’ met en avant l’aspect unique de coopération entre artistes, habitants et acteurs de différents métiers pour renforcer le tissu culturel local, voire international. ‘’C'est-à-dire qu’au-delà de faire des offres, ils ont créé des lieux et ces lieux, qu'est-ce qu'ils font ? Ils permettent de dynamiser artistiquement les territoires, mais pas seulement. Ce sont des lieux dans lesquels l'art et la société saisissent des sujets. Chacun à leur manière, que ce soit des questions sociales, que ce soit des questions d'éducation, des questions agricoles, elles permettent et invitent les visiteurs à réfléchir à la manière dont l’art et les lieux de création et d’émancipation, sont des espaces qui sont à la fois des foyers d’effervescence artistique et des moteurs de développement, tout autant culturel que social’’, a conclu Marie.
Soulignons que le Fonds Metis est un dispositif hébergé par l’Agence française de développement (AFD), qui mobilise les arts pour appuyer le développement durable. Depuis 2021, Metis finance des initiatives artistiques, d’où la concrétisation de cette exposition qui s’inscrit dans sa vision.
Ainsi, cette voie collective et cette façon de réunir les artistes sont aussi une méthode politique. ‘’C’est une façon de montrer que c'est indispensable’’, peut nous rappeler l’artiste plasticien autodidacte Innocent Nkurunziza. On peut donc en déduire qu’il s’agit d’une célébration de la capacité de l’art à faire émerger de nouveaux espaces de vie et de réflexion, à mi-chemin entre création artistique et engagement social.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE