FIN DES LOGEMENTS CONVENTIONNÉS
Un lot d'incertitudes à la veille de la date fatidique
A partir du 30 juin prochain, les logements conventionnés ne seront plus qu'un mauvais souvenir. En attendant cette date fatidique, l’inquiétude semble être la chose la mieux partagée aussi bien chez les locataires que chez les propriétaires. Les premiers peinent à trouver un point de chute. Alors que les seconds se posent des questions sur le départ ou non des occupants et le paiement des sommes dues.
La décision du président de la République de mettre un terme aux logements conventionnés est arrivée presque à échéance. Il reste pratiquement moins d'une semaine, puisque la date butoir est le 30 juin. Pourtant, rien n’indique pour l’instant que tous les bénéficiaires vont quitter dans les délais requis.
Ils sont nombreux à continuer à occuper les maisons louées par l’État. Selon plusieurs sources, ça concerne 725 hauts fonctionnaires dont 57 magistrats. Une mesure qui permet de faire un bénéfice de 5 milliards par an. Mais à ce jour, les choses sont loin d’être aisées pour ceux qui doivent être délogés. C’est du moins ce qu’ils ont fait comprendre. Une source fait remarquer que malgré les mises en demeure envoyées depuis six mois, beaucoup de concernés de sa corporation éprouvent des difficultés à trouver un toit.
La faute à des locations trop chères et introuvables. Selon notre interlocuteur, à chaque fois que quelqu’un trouve un logement et tarde à verser la caution, le propriétaire ou l’agence immobilière le donne au premier qui se présente avec le montant requis. Un argument qui n’est pas forcément valable pour tout le monde.
Dans tous les cas, beaucoup de fonctionnaires censés quitter le 30 juin n’ont toujours pas de point de chute. C’est le cas dans la haute hiérarchie policière. Même la directrice de la Police Anna Sémou Faye n’a pas encore quitté son logement, nous souffle-t-on. ''C’est le sauve-qui-peut actuellement. Je pense que l’État devait anticiper et prendre des mesures d’accompagnement'', suggère-t-il.
Si certains cherchent des prétextes, il y en a un qui ne s’inquiète pas trop. Un conseiller du président de la République déclare qu’il n’est pas dans les dispositions pour quitter, parce qu'occupé à chercher des électeurs. ''Je suis en campagne, je ne peux pas la laisser pour m’occuper de déménagement. Encore qu’il faut trouver où aller. Le délai est très juste'', affirme-t-il.
Les locations varient de 200 000 à 3 millions de F CFA si l’on en croit l’ancien ambassadeur Ndiouga Ndiaye. De ce fait, il sera difficile d’avoir des indemnités à la mesure du confort perdu. Ainsi les magistrats avaient clairement dit qu’ils ne quitteraient pas. Nous avons essayé de joindre le président de l'Union des magistrats sénégalais (UMS).
Mais Abdou Aziz Seck n'a pas voulu s'épancher sur la question. Il a tout simplement soutenu que les négociations se poursuivaient mais qu'un accord est déjà trouvé par rapport aux indemnités de logements. Cependant, un magistrat ayant requis l’anonymat déclare que lui et ses camarades de profession sont prêts à quitter à condition qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
Pas question de quitter une villa pour un appartement
Par cela, il entend des indemnités de logement à la mesure du standing perdu. ''Nous ne pouvons pas quitter des villas de 4 à 5 chambres et se retrouver dans des appartements de 2 ou 3 pièces'', prévient-il. Toutefois, il confie que beaucoup de ses collègues à Dakar ont commencé à libérer les logements.
A noter que le problème se pose plus pour les hauts fonctionnaires résidant dans la capitale que ceux qui sont dans les régions.
A propos des indemnités de logement, la somme de base est fixée à 75 000 F Cfa pour les CEP. Partant de là, elles seront augmentées en fonction de la hiérarchie. Ceux qui recevront le plus sont les ministres et les IGE qui sont alignés sur les mêmes tarifs. Quant aux magistrats, leurs indemnités ont été uniformisées. Selon des sources concordantes, elles devraient passer de 200 000 F initialement prévus à 400 000 F Cfa. Ce qui est conforme aux vœux des juges qui demandent entre 400 000 F et 500 000 F, si l’on en croit un magistrat membre de L'UMS. Cependant, les chefs de cours ne font pas partie de cette uniformisation. Leurs indemnités de logements sont de loin plus importantes.
En attendant de voir la suite, les propriétaires espèrent que les locataires vont libérer les appartements et autres villas, même si rien ne bouge pour l’instant. L’ancien ambassadeur du Sénégal en Gambie, Ndiouga Ndiaye, en est un. Sa maison est toujours occupée. Ayant reçu la même notification en même temps que l’occupant de sa maison, il est convaincu qu’il va quitter, de même que les autres.
''Ils sont avertis depuis six mois. Et passer cette date, l’État ne payera plus. Ils sont tenus de libérer les lieux. Ils n’ont pas le droit de continuer à rester sur place'', tient-il à rappeler. A la question de savoir si jamais son vis-à-vis ne quitte pas le jour-j, il répond : ''j’attends de voir et je prendrai mes responsabilités. Mais j’espère qu’on n'arrivera pas à une situation où je lui demanderai de quitter ma maison''.
Les inquiétudes sur les 24 mois d’arriérés
Par rapport aux relations avec l’État, il ne se fait pas d’illusion. A l’en croire, dans les contrats, il était prévu que l’État remette la maison en l’état. Cependant, il est convaincu qu’avec la situation actuelle, l’autorité ne le fera pas, malgré la situation dans laquelle certaines maisons seront laissées. ''Ceux qui pourront vont réparer leurs maisons. Ceux qui ne pourront pas attendront que l’État répare''. Mais ce qui inquiète le plus ce bailleur, c’est le paiement des 24 mois d’arriérés. A l’en croire, il était prévu que l’État paye chaque trimestre, ce qui n’a jamais été respecté.
Alors l’argent dû sera-t-il décaissé? Dans une rencontre avec le secteur privé il y a quatre jours, le ministre de l’Économie et des Finances Amadou Ba a déclaré que 350 milliards de F CFa serviront à éponger la dette intérieure. L’ancien ambassadeur concentre tous ses espoirs sur ses milliards annoncés. ''J’espère que le ministre respectera sa parole. On compte beaucoup sur ça'', admet-il tout en précisant qu’il souhaite que les sommes soient payées en intégralité et non par fractionnements.
1 500 bâtiments loués pour 15 milliards par an
La décision de ne plus payer de loyer à des fonctionnaires a été prise par le président après un audit du patrimoine bâti de l’État et les logements conventionnés. Le travail a révélé que 1 500 bâtiments sont loués pour près de 15 milliards par an dont les 39% sont destinés au logement.
Ce qui représente environ 6 milliards par an. Le directeur du patrimoine Aliou Mara avait déclaré que cela est dû au fait que beaucoup de bénéficiaires n’y ont pas droit. Une personne qui s’y connaît bien indique que même des cuisiniers du palais et des gardes du corps en bénéficiaient de façon tout à fait illégale.
Il s’y ajoute aussi que les logements conventionnés ont été surévalués par les locataires, indique-t-on. L’ancien ambassadeur rétorque que c’est une fausse accusation dans la mesure où ce sont les experts de l’État qui fixent les prix et non les propriétaires. Quoi qu’il en soit, il ne fait pas l'ombre d'un doute que c’est pour ces différentes raisons énumérées que l’État a décidé de décréter la mort des logements conventionnés.
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BABACAR WILLANE
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