« Les banques commerciales sont des agents de prédation »
L’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif) affirme à travers son président que les banques basées dans la zone Uemoa ne financent pas le développement économique. Elle les qualifie de prédatrices, d’arnaqueurs et de voleuses.
« Nous avons une ferme certitude qu’au Sénégal, nous avons des banques commerciales, agents de prédation, et non agents de développement. » Ces propos sont de Famara Ibrahima Cissé, président de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif). Il animait, ce samedi, une conférence sur le thème : « Les banques commerciales au Sénégal : agents de développement ou agents de prédation ? » Une rencontre organisée à la Fondation Rosa Luxemburg, dans le cadre « des samedis de l’économie ». Le conférencier a décelé plusieurs manquements et arnaques dans la pratique des institutions financières dans la zone Uemoa en général et au Sénégal en particulier.
Selon lui, ni les banques, ni les microfinances ne financent le développement du pays. Entre des taux d’intérêt exorbitants, le refus d’appliquer les directives de la BCEAO et des pratiques malsaines, les institutions financières sont devenues « des pilules pour les clients ». « Dans un pays, les banques doivent être au service du développement mais chez nous, c’est tout à fait le contraire qui se produit. Les banques sont à 90% des filiales étrangères, ce qui fait qu’elles ne travaillent que pour leurs pays d’origine, en rapatriant tout l’argent gagné. Ainsi, elles participent à moins de 20% au financement de l’économie dans la zone Uemoa », a expliqué le conférencier.
Les institutions financières sont dans une recherche effrénée de profit. Ainsi, poursuit-il, pour atteindre leurs objectifs, elles pratiquent des taux d’intérêt qui n’existent que dans la zone CFA. Le président de l’Acsif dénonce un système bancaire de prédation mis en place par les banques, en complicité avec la Banque centrale qui ferme les yeux devant leurs abus. Il renseigne qu’aujourd’hui, les institutions financières se multiplient et la population s’appauvrit davantage. « Au-delà des banques et des microfinances, il y a ce qu’on appelle les microfinances clandestines à la tête desquelles des usuriers qui appliquent des taux exorbitants, de plus de 80%. Les microfinances légales, dont la mission est d’aider les couches les plus défavorisées qui n’ont pas accès au crédit des banques classiques, ont des taux de 24%. Au même moment, les banques sont à des taux de 14 et 15%. Voilà pourquoi les clients sont endettés et se trouvent dans une situation d’appauvrissement. Même les banques islamiques au Sénégal ne sont islamiques que de nom, car elles ont des taux d’intérêt plus élevés », s’est-il désolé.
Il ne comprend pas aussi que l’Etat ou la BCEAO prenne des mesures en faveur des clients et que les banques refusent de les appliquer impunément. Selon lui, la collecte de l’épargne des ménages s’accompagne d’abus et d’escroquerie de toutes sortes. « Malgré les directives de la BCEAO, entrées en vigueur en octobre 2014, rendant gratuits plusieurs services offerts par les banques, celles-ci n’ont pas obtempéré. Et la BCEAO reste impuissante à faire respecter ses propres directives », dit-il. Le patron de l’Acsif d’ajouter : « Sur ce point, il faut rappeler que la BCEAO, en tant que correspondante du Trésor français, a pour préoccupation principale la lutte contre l’inflation, suivant en cela le credo monétariste de la Banque centrale européenne. ».
‘’Beaucoup de ponctions dans les comptes, sans justification, à l’insu des clients’’
Lors de son exposé, M. Cissé a affirmé que son association reçoit beaucoup de plaintes venant des clients victimes d’arnaque et d’abus divers. Car il y a beaucoup de ponctions dans les comptes, sans justification, à l’insu des clients. Dans ce système, le client est le grand perdant, car il n’est pas protégé. « Il y a des pratiques inacceptables. Comment peut-on payer 87 750 francs CFA pour fermer son compte, alors que ce service est gratuit depuis octobre 2014 ? » s’interroge-t-il. Cet exemple fait partie d’un lot de dizaines de pratiques aussi compromettantes les unes que les autres donnés par Famara Ibrahima Cissé. Il ressort de ses analyses des conséquences dramatiques pour l’économie sénégalaise.
Il résume le problème ainsi : « Plus de 400 entreprises ont fermé boutique. Les populations s’appauvrissent tous les jours. Aujourd’hui, la bancarisation est aux arrêts, parce que les populations ne croient plus aux banques. Vous ne pouvez pas garder votre argent à la banque et passer plus de 3 heures de temps pour retirer une somme. Vous ne pouvez non plus avoir votre argent à la banque et voir tous les jours qui passent des pénalités qui diminuent votre argent dans votre compte épargne.»
Le défenseur des clients de banques ne s’est pas arrêté à exposer les problèmes. Il a conclu son discours en proposant des solutions à cette situation qu’il qualifie d’inacceptable. Famara Ibrahima Cissé invite l’Etat à mettre en place des lois qui protègent les clients. Sanctionner les banques qui refusent de s’appliquer la mesure qui consiste à afficher le taux effectif global (Teg) sur tous les documents annexes. « L’Etat est invité à voter plusieurs lois. Il faudrait que la loi sur la rétractation qui permet aux clients de bénéficier de plusieurs jours après signature pour voir s’il faut se rétracter ou valider soit votée », a-t-il conclu.
ABDOURAHIM BARRY (STAGIAIRE)