Publié le 12 Apr 2022 - 21:46
GESTION DES RECETTES ISSUES DE L’EXPLOITATION DES HYDROCARBURES

L’Etat prépare le “tong-tong’’*

 

Le prix du baril de pétrole a doublé. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures, les parlementaires ont demandé à l’Etat d’accélérer les installations pour un démarrage effectif de la production du pétrole et du gaz. Il a aussi été question de la manière de se protéger des contrecoups d’un dérèglement, à l’avenir, du prix de vente des hydrocarbures, entre autres problématiques.

 

Le projet de loi n°03/2022 relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures a été adopté, hier, à l’Assemblée nationale. Il détermine, selon le ministre des Finances et du Budget Abdoulaye Daouda Diallo, le partage des recettes provenant de l’exploitation des hydrocarbures entre le Budget général, un Fonds de stabilisation pour se prémunir des risques de volatilité des recettes d’hydrocarbures et un Fonds intergénérationnel destiné à tenir disponible, pour les générations futures, une épargne constituée à partir des recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures et rentabilisée à travers des placements.

En commission, le ministre a insisté sur la place importante que l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz naturel occupera dans l’économie nationale, en ouvrant de meilleures perspectives économiques et sociales.

Ainsi, en introduisant cette loi, le gouvernement tenait à préserver l’économie nationale contre les aléas liés à la fluctuation des recettes et à tenir compte de la durée de vie des gisements d’hydrocarbures, en définissant les principes directeurs de la politique budgétaire et financière.

Abdoulaye Daouda Diallo souligne, en effet, que ladite loi est prise en application du Code pétrolier qui prévoit que ‘’les modalités de gestion et de répartition des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures sont déterminées par une loi’’. De ce fait, dorénavant, il est clairement indiqué que les recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures permettront d’assurer la satisfaction des besoins des générations actuelles et futures, à travers le financement efficace du développement.

Mieux, souligne-t-il, la répartition des recettes d’hydrocarbures, entre autres objectifs, va tenir compte de l’ensemble des besoins d’investissement, ainsi que des fluctuations constatées dans leur encaissement.

Donc, la loi adoptée hier fixe les principes concernant la budgétisation intégrale des recettes fiscales et non-fiscales tirées de l’exploitation des hydrocarbures. Il en est de même de l’interdiction de toute cession anticipée des ressources d’hydrocarbures et/ou toute sureté anticipée sur ces ressources. Dans ce sens, la création d’un Fonds de stabilisation a pour objet de se prémunir des risques de volatilité des recettes d’hydrocarbures. Par contre, la création d’un Fonds intergénérationnel répond à l’objectif de tenir disponible pour les générations futures une épargne constituée à partir des recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures et rentabilisée à travers des placements.

A propos de ces placements, les parlementaires ont interpelé le ministre et souhaité que la gestion de ce Fonds intergénérationnel soit confiée à la Caisse des dépôts et consignation (CDC), après avoir été transformé en fonds de placement. Cette mutation, à leurs yeux, permettrait de renforcer les moyens de la CDC pour une meilleure prise en charge de ses missions. D’ailleurs,  les députés ont invité l’Etat à prendre exemple sur la Norvège qui, pendant 30 ans, sur les 50 années d’exploitation pétrolière, n’a pas eu d’excédents budgétaires. Ses ressources excédentaires enregistrées après cette période, soulignent-ils, ont été constitutives d’un fonds de placement.

Comment se protéger des contrecoups d’un dérèglement du prix de vente des hydrocarbures

Abdoulaye Daouda Diallo a répondu à cette suggestion, en révélant qu’un comité d’investissement sera mis en place pour réfléchir sur les besoins d’investissement réels éligibles à hauteur de 90 % et 10 % des recettes allouées au Fonds intergénérationnel et un Fonds de stabilisation qui sera abondé par le surplus de recettes constaté à la fin de chaque trimestre. Il explique que les investissements les plus sûrs seront retenus par le comité, même si la rentabilité n’est pas élevée. Car, dans cette affaire, l’un des principes moteurs sera la prudence. Le ministre a évoqué le contrôle de l’Assemblée nationale et déclaré que l’intégralité des recettes sera retracée dans le budget.

Dans cette même veine, le ministre de l’Economie a annoncé l’introduction d’une règle d’équilibre budgétaire portant sur une cible du ‘’solde budgétaire hors recettes d’hydrocarbures’’, dans le moyen terme. Ce solde, renseigne-t-il, sera obtenu en retirant notamment les recettes d’hydrocarbures du calcul du solde budgétaire primaire, tel que défini par le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Il ajoute qu’il est d’autant plus nécessaire d’avoir un solde budgétaire hors recettes des hydrocarbures, que cela permettra de se protéger des contrecoups d’un dérèglement du prix de vente des hydrocarbures. Ainsi, le budget de l’Etat sera préservé des fluctuations des prix des hydrocarbures. Car, dans le cadre de cette loi, il y a le triple objectif de protéger le budget de l’Etat de la fluctuation des prix des hydrocarbures, de renforcer la gestion budgétaire et d’éviter toute dépendance vis-à-vis des ressources d’hydrocarbures.

Par ailleurs, inquiets de l’impact de la crise en Ukraine sur la production pétrolière et gazière du Sénégal, les parlementaires ont demandé une accélération des installations pour un démarrage effectif de la production avant la date prévue.

A cela, le ministre a répondu que des efforts importants sont menés par les partenaires, pour qu’au deuxième trimestre de l’année 2023, l’exploitation puisse démarrer.

Lors de l’examen du projet de loi, il a aussi été question du contenu local. Ainsi, les députés se sont fait les porte-parole de l’association des assureurs du Sénégal qui ne voudraient pas d’un déplacement des assurances des entreprises pétrolières sur le plan international, au détriment des compagnies nationales. Ils ont demandé au ministre de les privilégier dans les contrats d’assurances des entreprises pétrolières, notamment, en ce qui concerne la couverture risque et le courtage pour booster le marché de l’assurance, estimé à 50 milliards, en termes de primes. Egalement, les Parlementaires ont voulu avoir des éclaircissements sur le futur partage des ressources du projet GTA entre la Mauritanie et le Sénégal.

Abdoulaye Daouda Diallo a convoqué l’accord de coopération signé entre les deux pays, pour leur répondre que les quantités de gaz produites vont faire l’objet d’une répartition égale, 50/50, entre les deux pays. Idem pour les coûts. De ce fait, chaque pays va appliquer les dispositions fiscales contenues dans son Code général des Impôts et dans le contrat pétrolier signé avec les compagnies pétrolières (BP, Kosmos et société nationale). Il a précisé qu’à propos du Sénégal, plus de 60% de la valeur ajoutée du projet va revenir à l’Etat et que le reste ira aux autres entreprises contractantes.

Acquisition de l’hôtel Mame Coumba Bang de Saint-Louis

Toujours en commission, les députés ont interpellé le ministre sur d’autres questions dont l’achat d’un terrain appartenant à un homme politique, la veille des élections locales - l’hôtel Mame Coumba Bang de Saint-Louis - et le prix de cession d’un terrain de 30 ha situé à Bambilor dont le m2 est fixé à 600 F. Le ministre Abdoulaye Daouda Diallo a confirmé l’acquisition de l’hôtel par l’Etat du Sénégal pour un montant de 1 milliard 600 millions F CFA.

Selon ses explications, l’établissement était détenu par la Société nationale de recouvrement (SNR), avant qu’un privé ne l’acquiert, il y a des années. L’Etat, dit-il, a décidé de reprendre le terrain par le procédé d’expropriation pour cause d’utilité publique. Il va servir à la construction d’un nouvel hôpital à Saint-Louis, qui sera transformé en hôpital sous-régional. Car il va accueillir, à partir de l’année prochaine, des personnes ayant des liens avec l’exploitation du gaz.

Concernant le terrain de 30 ha situé à Bambilor, il a soutenu que la législation foncière sénégalaise permet à un détenteur d’un bail à usage d’habitation qui fait des investissements importants sur le terrain, de bénéficier d’une cession à titre définitif. C’est le cas, dans cette affaire. Que le montant de 600 F CFA annoncé comme le prix de cession du terrain, est en réalité le prix de la délivrance de l’état de droits réels, qui correspond au salaire du conservateur.

Le ministre n’a pas échappé aux questions sur le renchérissement du coût de la vie. Abdoulaye Daouda Diallo a fait remarquer que le prix du baril du pétrole qui, dans les prévisions pour l’année 2022, était projeté à 75 dollars, est actuellement à 150 dollars. Ce qui va avoir des répercussions sur les subventions pour l’électricité et les prix à la pompe. Elles vont augmenter. Ensuite, à cause de la hausse du prix du fret au niveau international, les prix de tous les produits importés sont impactés. 

C’est pourquoi, explique-t-il, l’Etat a pris l’option de soutenir les prix des denrées de première nécessité ou de grande consommation comme le riz, le blé, le sucre et l’huile, et de suspendre les droits de douane pour certains produits. Il précise qu’à ce niveau, outre la suspension des droits de douane, des subventions ont été octroyées, notamment pour le blé, dont le prix à la tonne est passé de 313 à 400 euros, soit de plus 90 euros, de même que le riz et l’huile.

Mais il ajoute que l’Etat n’est pas seul sur ce front. Il est soutenu par les partenaires financiers, comme la Banque mondiale et le FMI, dans la prise en charge de ces déficits et le soutien apporté aux ménages.

GASTON COLY

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