Publié le 22 Aug 2012 - 08:05
GUINAW RAILS

Korité dans une maison innondée

 

Pour cette Korité, les cœurs n'étaient pas à la fête dans de nombreuses familles de la banlieue dont les habitations ont été envahies par les eaux. À Guinaw Rail Nord, c'était le cas de la famille Bâ. Reportage.

 

Nous sommes à Guinaw Rails Nord, dans l’un des quartiers les plus populeux de la banlieue dakaroise, mais aussi les plus touchés par les fortes pluies de la semaine passée avec plus de 80 mm d'eau. Circuler dans les ruelles du quartier relève du parcours du combattant. Une véritable gymnastique. Partout des tranchées ont été creusées pour faciliter l'évacuation des eaux verdâtres. Le décor est pauvre. Les murs lézardés, qui tiennent à peine, portent les stigmates des pluies des derniers jours. Impossible de ne pas se demander s'ils tiendront le choc d'un nouveau déluge. Dans cette ruelle du quartier, toutes les maisons sont inondées. Y compris la maison des Bâ. La modeste demeure compte quatre chambres et une petite courette. Une dizaine de personnes y vivent.

 

En ce jour de l’Aid El fitr, les pensées sont très loin de la fête. Pas étonnant. Partout de l'eau. Sur quelques chaises, disposées çà et là, sont déposés des habits et de nombreuses paires de chaussures. Les séchoirs sont également mises à contribution. Des habits et des jeans y sont accrochés. Tant bien que mal, on essaie de lutter contre la présence de l'eau. On a mis du sable. Toutefois, les murs fissurés et verdâtres témoignent du calvaire que vit cette famille pauvre depuis des jours. Ici, on a l'impression que la pluie vient de cesser de tomber, vu le niveau de l'eau. Matelas et armoires sont disposés dans la partie de la maison épargnée par l'eau. Les rayons de soleil salvateurs, en ce jour de Korité, sont un répit pour cette famille qui stresse au moindre passage nuageux.

 

Deux jeunes femmes et deux hommes s’activent à évacuer l'eau, à l'aide de sceaux, de pots de tomate vides, ou autres ustensiles capables de contenir quelques m3 d’eau. ''Ici, on ne pense pas du tout à la Korité. Tout ce qu’une fête demande, à savoir la propreté des habits et des lieux, manque dans cette localité. Comment peut-on passer une bonne fête dans ces conditions ?’’, s’interroge Cheikh Bâ, la quarantaine sonnée. C'est le plus âgé de la famille. Sa petite culotte, son tee-shirt mouillé et la sueur qui dégouline de son front témoigne de son dur labeur. Cheikh estime que la quiétude, la tranquillité d’esprit, du cœur et du corps, qui prévalent les jours de fête, ne les habitent pas. Il préfère s'en remettre au Bon Dieu. Fataliste, il déclare : ''C’est vrai qu’on aimerait passer la fête dans d’autres conditions, comme tout le monde. Mais Dieu en a décidé ainsi. Donc, en tant que bon musulman, on ne peut qu'accepter la volonté divine et prier pour que notre calvaire prenne fin le plus tôt possible''.

 

''On n’a même pas de place pour allumer un feu'',

 

Le même dépit se lit dans les yeux las de sa cousine Aminata Dia. Suant à grosses gouttes, un sceau à la main, elle a accepté le sort qui s'est abattu sur sa famille. Elle ne cesse de jeter des coups d’œil vers le ciel. Il ne faudrait surtout pas qu'il pleuve. ''Je fête la korité avec mon sceau pour vider les eaux qui sont toujours dans ma chambre'', déclare-t-elle avec dérision. Pour la Korité, il faudra revenir une prochaine fois, car, ''avec ces conditions, dit-elle, on ne saurait penser à la fête. Je ne pense pas du tout m’habiller'', lâche-t-elle avec émotion, les yeux embués de larmes.

L'ambiance est triste. Pas de rires, ni d'éclats de voix, en pareilles circonstances. D'ailleurs, les odeurs de marinade, de viande grillée ou de pomme de terre frite des jours de fête sont absentes ici. ''On n’a même pas de place pour allumer un feu'', déclare Mariétou Ba, devant notre étonnement. Le repas de la fête est l'affaire ''des parents qui habitent de l’autre côté'', aidés en cela par la benjamine de la maison.

À en croire Mariétou, une chaîne de solidarité s'est formée qui fait qu'aux heures de repas, plusieurs plats, venant des maisons environnantes, leur sont livrés.

 

Pas d'étrennes pour les enfants

 

Si l'un des moments forts de la fête de la Korité chez les enfants est la quête des étrennes, cette année, il n'en a rien été à Guinaw Rail nord. Une interdiction formelle a été servie aux enfants d'aller sacrifier à ce rituel traditionnel, à cause des risques qu’ils se perdent. Pour cause, dans ces quartiers inondés, de nombreuses ruelles sont impraticables et contraignent les enfants à faire parfois des détours qui souvent les empêchent de se retrouver le chemin de leurs maisons. ''L'année dernière, plusieurs enfants se sont perdus le jour de la Korité. Pour ne pas connaître la même mésaventure, on leur a interdit, avec le cœur meurtri, de sortir de la maison'', explique Mme Bâ, la maman de deux bouts de bois de Dieu. Afin d'atténuer leur déception, elle confesse leur avoir donné une petite somme, tôt le matin, pour qu’ils ne sentent pas trop l’interdiction.

Par ailleurs, la dame est contrainte de rester devant sa maison, pour y recevoir les vœux de ses voisins, puisque sa maison est devenue un no man's land.

 

 

CHEIKH THIAM

 

 

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