Publié le 30 Aug 2021 - 17:54
HISSÈNE HABRÉ, AMADOU TOUMANI TOURE AMADOU AHIDJO ET DAOUDA DIAWARA

La ‘’Teranga sénégalaise’’ au service d’ex-dictateurs et hommes forts africains

 

Hissene Habré, ancien Chef de l’État tchadien, est décédé le mardi 24 août à Dakar, après plus de deux décennies d’exil au Sénégal. L’ex-président tchadien a perpétué une longue tradition d’accueil et d’asile dans notre pays. Ahmadou Ahidjo (Cameroun), Amadou Toumani Touré (Mali) et Daouda Diawara (Gambie) ont aussi choisi Dakar comme terre d’exil, après leur perte du pouvoir. Les experts analysent les raisons qui font du Sénégal une destination privilégiée pour ces hommes forts déchus.

 

Le Sénégal, terre d’exil et d’asile pour anciens dictateurs et hommes forts en Afrique, vient de perdre un de ses illustres ‘’hôtes’’.

En effet, Hissène Habré, ancien Président tchadien en exil dans notre pays depuis 1990, est décédé des suites d’une contamination à la Covid-19. L’ancien homme fort du Tchad purgeait une peine d’emprisonnement pour crime contre l’humanité à la prison du Cap Manuel.  Hissène Habré avait trouvé refuge au Sénégal, après sa chute, le 1er décembre 1990, sous les coups de boutoir du chef de la rébellion dirigée par son ancien ministre de la Défense Idriss Deby Itno. Après une brève escale à Yaoundé, l’avion de l’ex-chef des Fant (Forces armées nationales du Tchad) prend la direction de Dakar où il trouve refuge avec sa famille. 

Condamné à mort par contumace par la justice tchadienne qui lui reproche ses abus et exactions contre les opposants et civils tchadiens à son régime (1982-1990) Abdou Diouf et son successeur refusent de l’extrader vers le Tchad. Il sera finalement jugé à Dakar par un tribunal spécial africain : les Chambres extraordinaires africaines (CAE) en 2017.

L’ancien chef de l’État tchadien est décédé, mardi 24 août, à l’hôpital Principal de Dakar, avant d’être enterré au cimetière musulman de Yoff.

Ahmadou Ahidjo renversé par Paul Biya

Près de quatre décennies auparavant, le soleil de Dakar s’est aussi couché sur la vie de l’ancien président camerounais Ahmadou Ahidjo. Le chef de l’Union camerounaise (UC) qui fut élu, en mai 1960, président de la République du Cameroun avec l'aide de la France, avait violemment réprimé ses adversaires de l’Union des populations du Cameroun de Felix Moumié et Ruben Um Nyobé qui avaient subi les foudres de l'armée française en régions bamiléké et bassa. Après plus deux décennies d’un pouvoir autoritaire, Ahmadou Ahidjo est écarté du pouvoir, en avril 1983, par son Premier ministre Paul Biya.

Le président déchu se réfugie en France où il est condamné à mort par la justice camerounaise, pour tentative de coup d’Etat. Il prendra la direction de Dakar où il mourut d’une crise cardiaque, en 1989, avant d’être inhumé au cimetière de Yoff de Dakar.

L’ancien président malien Amadou Toumani Touré, qui a dirigé le Mali de 2002 à 2012, est renversé par un coup d’Etat dirigé par le capitaine Sanogo. Les mutins du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État, dirigé par le capitaine, lui reprochent la gestion du conflit avec les rebelles Touaregs dans le nord du Mali. Le 8 avril 2012, exilé au Sénégal depuis le coup d'État, il annonce officiellement sa démission de la présidence du pays.

Le 24 décembre 2017, avec l'accord du président Ibrahim Boubacar Keïta, il rentre à Bamako avec sa famille. Il est définitivement rentré le 15 décembre 2019. Il meurt à l'âge de 72 ans, après son évacuation en Turquie, le 10 novembre 2020. 

En outre, Daouda Diawara, le père de l’indépendance gambienne (1970-1994), a aussi trouvé refuge au Sénégal, après le coup d’Etat de Yaya Jammeh en 1994. Il est retourné en Gambie en 2010. Il a rendu l’âme, le 28 juillet 2018, en Guinée équatoriale, à l’âge de 95 ans.

Stabilité politique et sécuritaire, les atouts du Sénégal

Selon beaucoup d'experts, au-delà du rayonnement démocratique de notre pays sur la scène diplomatique africaine, le choix du Sénégal s’explique par la place qu’il occupe dans la géopolitique africaine. Les bons rapports entre notre gouvernement et l’ancienne puissance coloniale, la France, fait de notre pays un territoire de repli pour exfiltrer d’anciens soutiens de Paris en difficulté dans leur pays : Ahmadou Ahidjo (Cameroun) et Amadou Toumani Touré (Mali).  

Cette option de repli permet de ménager le pouvoir en place, comme ce fut le cas du Tchad, et d’éviter de mettre en péril les intérêts français dans la zone. Le départ d’Hissène Habré au Sénégal hors d’Afrique centrale contente le nouveau pouvoir d’Idriss Deby, nouvel homme fort du pays, et retire une épine du pays au pouvoir français bien embêté d’avoir à accueillir l’ennemi juré de Deby sur son sol.  

Selon l’analyste politique et économiste Gilles Olakounlé Yabi, Directeur et fondateur du think tank Wathi, la stabilité politique et sécuritaire qui prévalent au Sénégal constituent des atouts pour notre pays comme point de chute à d’anciens chefs d'État francophones en délicatesse avec leurs compatriotes et leurs opinions publiques.

Cette situation peut aussi s’expliquer par les rapports étroits qui existent entre les diplomaties française et sénégalaise. ‘’Le Sénégal a toujours assuré une forte présence dans la diplomatie africaine et il entretient aussi des relations particulières avec les pays d’Afrique francophone. Historiquement, en Afrique francophone, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont souvent joué un rôle de complément à la diplomatie française. Ça fait partie de la diplomatie des pays de rendre service à des grandes puissances ou puissances moyennes, afin de bénéficier derrière d’avantages en contrepartie. Les pays s’échangent des services sur le plan économique et politique. Cela a son importance dans ce genre de dossier’’, souligne l’ancien directeur du Bureau Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group.

Il y a, aussi, poursuit-il, le besoin de protection et d’une existence paisible pour les anciens présidents et de leurs familles qui renforce la destination Dakar comme territoire d’exil d’anciens chefs d’Etat. ‘’Beaucoup d’acteurs politiques africains connaissent Dakar et ils savent qu’ils peuvent y vivre en pleine sécurité et sérénité. Ces politiques sont aussi conscients de pouvoir vivre, bénéficier de forces de sécurité efficaces et de structures étatiques fiables pour assurer leur sécurité’’, déclare l’expert.

 Le poids de la diplomatie sénégalaise dans la géopolitique africaine, depuis l’époque coloniale

Selon l’historien Babacar Diop, le Sénégal a toujours constitué une terre de refuge et d’accueil des élites africaines. La colonisation française a fait de Dakar et de Saint-Louis des centres névralgiques dans la formation des futures élites africaines.

Ainsi, beaucoup de présidents comme Houphouët-Boigny, Modibo Keïta, Hamani Diori ont fait leurs études à l’école William Ponty, ce qui fait qu’en cas de difficulté, ils ont tendance à se réfugier au Sénégal, renseigne l’ancien médiateur de l’Ucad.

 D’après l’égyptologue, cette position du Sénégal sur la scène politique africaine et son implication dans différentes médiations et pourparlers pour résoudre les crises dans le continent assurent la promotion de la destination Sénégal. ‘’Le président algérien Bouteflika avait demandé au Sénégal de s’impliquer dans les médiations pour régler le différend entre Maroc et l’Algérie, car le Sénégal est l’ami de tout le monde, sous le mandat de Me Abdoulaye Wade.  En outre, Dakar tient une place particulière pour toute la diplomatie africaine. Ainsi, dans la lutte internationale contre l’apartheid en Afrique du Sud, le Sénégal a aussi joué un rôle capital. Même du temps de la Guerre froide, notre pays a toujours cherché une politique d’équilibre entre les démocraties et les pays communistes’’, conclut-il.

MAHFOUZ NGOM

 

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