Dakar veut porter la voix de l’Afrique
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Le collectif des signataires de la ‘’Déclaration de Dakar’’ a rendu, hier, un ultime hommage à George Floyd, l’homme noir américain tué par un policier blanc. Les activistes ont dénoncé, à cette occasion, le racisme aux USA et ont annoncé une manifestation demain devant l’ambassade américaine à Dakar, pour se faire entendre au nom de toute l’Afrique.
Dakar n’a pas dérogé à la règle. A l’instar de la plupart des grandes capitales du monde, elle a rendu, ce mardi, un ultime hommage à George Floyd, l’homme noir américain de 46 ans tué par un policier blanc le 25 mai dernier, pour un faux billet de 20 dollars. Huit minutes et 46 secondes de silence, agenouillés en face de l’océan, les visages crispés. C’est par ce geste symbolique que le collectif des signataires de la ‘’Déclaration de Dakar’’ a débuté, hier, à 17 h, leur cérémonie d’hommage à Georges Floyd. Ce procédé n’est toutefois pas fortuit.
En effet, les huit minutes et 46 secondes marquent le temps qu’a passé, le genou contre le cou de la victime, le policier blanc, lors de l’interpellation au cours de laquelle Floyd est mort. L’endroit choisi par le collectif, est tout un symbole. En effet, ‘’la place du Mémorial de Gorée’’ sur la corniche-Ouest a été érigé pour se souvenir du passé douloureux de l’esclavage et de la traite négrière.
Aux yeux de ces activistes, cette place en face de la mer rappelle la souffrance, la douleur et les heures sombres de la longue tragédie du peuple noir. Ce jour est aussi particulier, car c’est la date de l’inhumation de George Floyd à Houston, aux USA. Un moment fort en émotion et de discours appuyés contre le raciste et la violence policière. Ainsi, après cette symbolique cérémonie d’hommage, le collectif des signataires de la ‘’Déclaration de Dakar’’ a manifesté toute son indignation face à ce qui s’est passé au pays de Donald Trump. Les manifestants composés essentiellement d’activistes arborant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire ‘’Black Lives Matter’’ ou encore ‘’La vie debout’’, ont exprimé leur colère devant la presse. Les organisateurs ont ainsi dénoncé, dans une déclaration commune lue en français, anglais et wolof, l’acte ignoble qui a conduit à la mort de George Floyd.
‘’Le meurtre de sang-froid d’un citoyen afro-américain par un policier blanc commis en plein jour dans la capitale du Minnesota est un fait-divers qui rappelle tragiquement les pratiques de lynchage d’un passé esclavagiste et ségrégationniste de l’Amérique condamnées par l’histoire. Cette scène cruelle de mise à mort de Floyd par un policier blanc qui a été soutenu et couvert par ses collègues pour une affaire d’un faux billet de 20 dollars US va sans doute avoir des conséquences d’une ampleur sans précèdent aux USA et dans le monde. L’Afrique ne saurait demeurer passive ni silencieuse face à la souffrance de sa diaspora. Les Africains doivent se mobiliser fermement et lutter de manière continue contre la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants, contre les violences policières impunies et l’incarcération en masse des jeunes Noirs’’, a martelé le Pr. Bouba Diop, l’air tout ému.
‘’Nous sommes en face de l’océan Atlantique et n’eût été la mer, on serait en Amérique dans 2 ou 3 jours. La majorité des esclaves et noirs qui ont construit cette Amérique vient de l’île de Gorée et du continent. Par devoir de mémoire, on a l’obligation, en tant qu’Africains de manifester ici et matérialiser ces 8 minutes pendant lesquelles George Floyd a eu un genou appuyé sur son cou pour lui ôter vie. Le cas George Floyd est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est pour cela que, Noir comme Blanc ou Jaune, toute la composition ethnique et raciale des Etats-Unis s’est mise debout pour dire stop’’, renchérit Mme Ndiago Ndiaye, Présidente régionale du Réseau paix et sécurité pour les femmes de l’espace CEDEAO.
Le silence des dirigeants africains décrié
En outre, au moment où la mort de George Floyd mobilise des manifestants à travers le monde, les réactions des chefs d’Etat africains se font encore désirer. Jusqu’à son inhumation hier, seul le président du Ghana a osé condamner fermement le racisme aux Etats-Unis. L’Union africaine a également fait une sortie pour dénoncer ce qui s’est passé. Mais hormis ces deux déclarations, c’est un silence plat chez les autres dirigeants africains. Une situation inadmissible pour les camarades du Pr. Bouba Diop.
‘’Nous sommes tous des George Floyd. Nous vivons ces choses dans la plus grande impunité sur le sol africain et c’est peut-être pour cela que nous ne sommes pas aussi sensibles que les autres. C’est aux dirigeants africains de protéger davantage le monde noir. Nous avons été particulièrement déçus de voir que nos dirigeants n’ont pas pu même faire un tweet pour manifester leur solidarité aux Noirs américains qui représentent la sixième région d’Afrique, la diaspora’’, regrette Alioune Tine, Directeur d’Afrikjom Center.
‘’C’est scandaleux que nos présidents qui avaient été si prompts à être Charlie, gardent un silence complice, scandaleux devant la mort d’un des nôtres. Nous exigeons d’eux qu’ils prennent position clairement contre ce régime raciste de Donald Trump, contre cet Etat raciste que sont les Etats-Unis’’, a ajouté l’activiste Guy Marius Sagna.
Comme pour leur donner raison, la présence des hommes politiques à l’hommage a été timide. En effet, des personnalités sénégalaises de différents secteurs, que ce soit les médias, la société civile ou encore les jeunes activistes, ont marqué de leur présence la cérémonie d’hier pour dénoncer la situation. Cependant, du côté des politiques, de l’opposition comme du pouvoir, les réactions ont été très timides. Excepté le Dr Babacar Diop des Forces démocratiques du Sénégal, aucun autre homme politique n’a effectué le déplacement pour l’hommage symbolique de Dakar. Pour justifier cette absence de ses camarades politiques, le fondateur des FDS a déclaré : ‘’Il y a un problème au niveau de la classe politique un peu partout. Mais les activistes, les intellectuels doivent continuer le travail d’éveil, de conscientisation pour construire une nouvelle majorité politique et sociale capable de porter les nouvelles revendications, parce qu’il y a une nouvelle génération de revendications. Il faut des hommes et des femmes debout pour les porter. Chaque début est difficile, mais nous devons continuer la lutte et le combat.’’
ABBA BA