''Un étranger signifierait qu’Amara est le meilleur coach sénégalais possible''
Abou, on ne te voit plus beaucoup. Que se passe-t-il ?
Dans un premier temps, j’étais à la rédaction, puis on m’a détaché pour le lancement de la deuxième chaîne Sn2, mais le projet est en stand-by. J’ai été donc chargé du lancement de ''Kinkéliba'' pendant un an et neuf mois. Et c’est sur décision administrative que j’ai arrêté. Cela fait deux semaines. La direction de la télévision a décidé de changer pour passer à autre chose. La directrice a ses raisons que je respecte.
D'aucuns avancent que l’ancien directeur de la télévision (Ibrahima Souleymane Ndiaye) te faisait des faveurs...
C’est du n’importe quoi. Sinon, je serais parti depuis, puisque lui est parti. Il faut qu’on arrête ce genre de considérations. Je suis très respectueux des décisions administratives. Ma place à la RTS, je ne la dois à personne. Je suis venu travailler, je ne suis pas venu chercher des amis, ici, ou des ennemis. Je suis venu, ici, par ma formation. On est lié avec les gens par des relations de travail. Ce sont ces mêmes rapports que j’entretiens avec celle qui l’a remplacé (Mme Gnagna Sidibé Diagne, NLDR). Dans mon rôle de rédacteur en chef de la production Kinkéliba, je rends compte comme un professionnel. On est là parce qu’on a le profil professionnel. Il ne faut pas que les postes soient déterminés par des accointances. La bonne personne à la bonne place. La RTS n’a pas encore atteint ce niveau-là où on met quelqu’un parce que c’est l’ami de tel. Je ne suis pas au courant de cela. C’est suivant les compétences de chacun. Maintenant, personnellement, je ne prends pas cela comme une sanction. La sanction aurait été qu’on m’enlève du poste parce que j’ai fauté.
Pourquoi tu n’étais pas dans le dispositif pour la CAN (Coupe d’Afrique des nations) ?
La direction et le responsable des sports en ont décidé ainsi et je ne suis pas allé demander pourquoi. Je suis resté dans mon coin pour voir les choses venir. Cela ne m’a pas empêché de vivre ma passion pour le foot. Ils n’ont pas jugé utile ma présence dans le dispositif de couverture de la Can, ce qui est de leur droit aussi.
Il y a eu un incident lors du match Sénégal-Cameroun… Tu étais au stade pour reporter la rencontre et tu ne l’as finalement pas fait. Quel était le problème ?
C’était au mois de mars 2011 (le 26 plus précisément). D’abord, c’est l’administration qui me demande d’aller commenter le match du Sénégal face au Cameroun. Une fois au stade, il y a eu des journalistes de la RTS qui ont refusé que je commente le match. Je n’ai pipé mot. Je suis resté en retrait. Il n’y a pas eu de tiraillement. Je suis arrivé, j’étais dans l’impossibilité de faire le match, je suis allé dans mon coin pour suivre la rencontre. Je ne vais pas me battre pour une émission, pour commenter un match, non. Honnêtement, je ne me vois plus faire cela. Moi, j’étais dans les dispositions de faire mon travail. Tu devrais peut-être poser la question aux autres.
Quel état d’esprit règne réellement à la RTS ?
C’est comme dans toute organisation qui compte près de 700 personnes. C’est une grosse entreprise. Moi, en tout cas - je suis peut-être naïf tu me diras - j’entretiens des rapports de travail avec tout le monde. Aujourd’hui, je suis à l’aise dans cette maison. Je peux solliciter n’importe quel agent dans le cadre de mon travail. Tous les gens qui sont venus pour le travail uniquement le font professionnellement. On trouvera toujours, ici, des gens compétents avec qui on peut travailler.
Présentement, tu bosses sur quoi ?
Mon centre d’intérêt, c’est le sport. Je suis d’abord journaliste aussi. Je suis en train de terminer un projet d’émission qui va être validé. Il y a une hiérarchie qui valide tout cela. Je suis dans le circuit.
Je vois que tu calmes le jeu. C’est naturel chez toi ou ce sont des réponses stratégiques ?
Vu de l’extérieur, on a l’impression que la RTS, c’est un champ de bataille, c’est la guerre. Non, du tout. Je peux travailler avec n’importe qui ici. Je ne peux pas confirmer l’impression que les gens ont de l’extérieur. Mon quotidien infirme cela tous les jours. Je n’ai pas la prétention de dire que tout le monde m’aime. Mais à partir du moment où cela ne bloque pas mon travail, je trouve du plaisir à venir travailler. Je suis là depuis un temps, je connais l’évolution de la maison qui est une boîte bien tenue, bien organisée. Ce ne sont pas des paroles de circonstance, mais des choses auxquelles que je crois. Je ne réclame rien. Les gens ne se rendent pas compte que cela fait un an que je ne fais plus sport. Si tu acceptes de rester dans une organisation, c’est parce qu’elle te va, sinon, tu te barres. C’est comme cela que je vois les choses.
L’apport des autres télévisions ?
C’est une très bonne chose. Je suis un grand amateur de télé. Au Sénégal, on a fait un bond énorme. Quand on regarde tout cela, on se dit qu’il y a de grosses potentialités dans notre pays. Des potentialités que la RTS seule ne pouvait pas contenir. Je suis parfois agréablement surpris par la qualité des programmes proposés aussi bien à la RTS qu’au niveau des autres chaînes. Ici, on a l’avantage d’être les premiers à le faire, l’arrivée des autres chaînes a créé un regain de professionnalismes au niveau de la RTS. Que ce soit dans le privé, dans le public, tout le monde tire vers la qualité. Pour un professionnel de la communication, c’est quelque chose de bien, d’inespéré.
Comment as-tu vécu la CAN ?
J’ai vécu une des CAN les plus intenses, en matière d’émotions. C’est la CAN des surprises. On retrouvait toujours les mêmes, les grandes équipes, le même carré. On basculait vers une sorte de monotonie et subitement on a vu une édition où on n’est jamais sûr du résultat final. C’était très intense, on était obligé de suivre tous les matchs. Il y a eu beaucoup de découvertes, avec de jeunes joueurs. Je suis souvent le championnat sud africain, je connais quelques joueurs zambiens et je n’étais pas très surpris. Depuis 1996, il n’y a pas eu de nouveau vainqueur. Quant au Sénégal, ce n’était pas, pour moi, que de la déception, c’est une frustration. Les gens se sont tout de suite tournés vers leur victime préférée : la presse. On s’est senti trop beau. Ma réponse est qu’on ne pouvait pas ne pas être favori au vu de notre parcours en éliminatoires. C’est un pari de désigner quelqu’un comme favori, c’est un pronostic. C’est frustrant et aucun technicien ne nous a expliqué ce qui s’est passé. Mais, on attend, car c’est important qu’on nous explique.
Que penses-tu du cas Amara ?
Il nous a procuré énormément de fierté lors des éliminatoires. A la CAN, de façon inexplicable, il s’est effondré. Mon sentiment est qu’Amara nous a tirés de loin, après les échecs des sorciers blancs qui l’ont précédé. Il ne faut pas tout jeter dans la poubelle. Oublions la CAN, mais aussi tirons-en les enseignements pour pouvoir continuer. Tout n’a pas été nul chez Amara. Quant à l’arrivée d’un entraîneur étranger, ce serait la pire des folies. Amara a échoué comme les étrangers qui l’ont précédé. Dans la reconstruction, on a une équipe fédérale professionnelle de haut niveau. Il faut que tous les segments de notre football soient au même niveau. Je ne suis pas du tout d’accord pour un coach étranger. Un étranger signifierait qu’Amara est le meilleur coach sénégalais possible.