Publié le 22 May 2013 - 20:00
ITW AVEC... KANE MBAYE (COORDONNATEUR DES CADRES RÉPUBLICAINS DE LOUGA)

 «Les élections locales 2014 sont cruciales pour l’avenir de l’Apr»

L’Alliance pour la république (APR) ne répond pas encore de son vrai nom dans la capitale du Ndiambour. Face au leadership contesté du coordonnateur local du parti présidentiel, le député Amadou Mberry Sylla, des fissures apparaissent, des mésententes étalées sur la place publique. A ces maux, le Coordonnateur de la convergence des cadres républicains (CCR) de Louga, Kane Mbaye, plaide le consensus dynamique et indique un cap qui transcende même la coalition Benno Bokk Yaakaar.

 

 

Le président de la République veut mettre fin au cumul de mandats et de fonctions en perspective des élections locales. Qu'en pensez-vous ?

 

C’est une initiative que je salue en tant que démocrate. L’objectif est certainement de permettre un partage de responsabilités mieux gérées et assumées, de faire en sorte que les rôles soient bien répartis. Dans beaucoup de cas, surtout dans la gestion des collectivités locales, on s’est rendu compte que souvent, une des responsabilités du ministre-maire ou député-maire est escamotée. Et cela pose un problème de gestion efficace des structures concernées. De ce point de vue, c’est une avancée démocratique incontestable.

 

Serait-ce une réponse par rapport au cas de Louga où il y a quelque temps une pétition de conseillers municipaux décriant la gouvernance du maire Aminata Mbengue Ndiaye avait circulé dans ce sens ?

 

Je rappelle que cette idée de non cumul des fonctions est contenue dans le programme présidentiel «Yoonu Yokkute». C’est donc une promesse du président de la République. Il est évident que le même problème qu’on a trouvé à Louga, c’est aussi le cas de beaucoup de collectivités locales. Il est rare de voir une collectivité locale où le maire n’a pas une autre fonction. C’est un problème général auquel il faut apporter une réponse générale.

 

Il y a aussi le débat sur la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale. Sur le principe de revenir à cinq ans, que dites-vous ?

 

C’est extrêmement sensible, cette question du quinquennat. Elle sera certainement abordée dans le cadre de la réforme globale des institutions.

 

Vous n’avez donc pas de position personnelle défendre ?

 

Non, je n’ai pas de position personnelle par rapport à cette question. La chose qui est évidente et à laquelle je crois, c’est que le président de la République est un homme loyal vis-à-vis de ses alliés. Dans la manière de gouverner, il a toujours eu une démarche inclusive. De ce point de vue, les gens peuvent être tranquilles. Les décisions qui seront prises tiendront compte d’un ensemble de facteurs qui permettront à cette coalition qu'est Benno Bokk Yaakaar de pouvoir résister à l’usure du temps. Les choses rentreront dans l’ordre.

 

Le constat général aujourd’hui est que les Sénégalais sont fatigués. Pourquoi le changement que vous aviez promis tarde-t-il à se matérialiser ?

 

Il est vrai que nous vivons une situation de crise liée à un ensemble de facteurs. Il faut reconnaître que nous n’avons pas assez communiqué sur les réalisations du gouvernement. Je considère que dans la stratégie globale de communication, il nous faut trois niveaux d’analyse.

 

Lesquels ?

 

Le premier est de dire aux Sénégalais que les difficultés auxquelles ils sont confrontés ne sont ni provoquées ni créées par le régime du Président Macky Sall. Il a hérité d’un pays difficile à l’économie exsangue, avec une inflation galopante, une corruption presque généralisée. C’est dans ce contexte difficile que le Président est arrivé au pouvoir. Un mois après, il a procédé à une baisse substantielle de prix de certaines denrées de première nécessité (…). Le deuxième niveau du discours devait consister à dire voilà ce que le Président a fait en dépit des difficultés. Le troisième maintenant, c’est de dire aux populations : «gardez l’espoir». Il suffit de voir ce qui a été fait en un an en termes de réformes institutionnelles, de prises de décisions très importantes allant dans le sens de la réduction du train de vie de l’Etat. Il y a la suppression des voyages en première classe pour les membres du gouvernement, la suppression du cabinet de la Première dame, les économies réalisées sur le téléphone, l’eau, l’électricité, et estimées à plusieurs milliards de francs Cfa. Tout cela, à mon avis, concourt à faire en sorte que nous ayons une gouvernance sobre et vertueuse. Sans oublier les éléments qui ont été mis en place pour lutter contre la corruption et le détournement de deniers publics. (...) Maintenant, nous sommes dans un environnement économique international marqué par le marasme économique et la récession. Tous ces facteurs auront certainement des répercussions négatives sur nos économies.

 

Si on en venait maintenant au niveau local, quelle appréciation faites-vous de la manière dont votre parti, l’Apr, est piloté à Louga ?

 

Il est évident que nous avons un problème de gestion du parti à l’instar de toutes les autres localités du Sénégal. Le parti a un problème fondamental de management au niveau national. C’est ma conviction. Et cela a certainement des répercussions au niveau local. Nous tous avons remarqué une certaine léthargie de l’Alliance pour la république. C’est général, et tous les responsables aujourd’hui le sentent en réalité. Ne pas le dire, c’est ne pas dire la vérité. C’est un parti aujourd’hui qui a d’énormes problèmes.

 

Est ce à dire que le problème ne peut être réglé qu’à partir du niveau national ?

 

Je ne le pense pas car je crois aux solutions locales. Il va falloir que l’on crée une synergie de toutes les forces autour de cet idéal qui nous est commun. Compte tenu des défis énormes qui nous interpellent à quelques encablures des élections locales de 2014, nous devons tous nous donner la main pour essayer de bâtir quelque chose. Louga est dans une situation un peu difficile. Elle n’a pas bénéficié de grand-chose pendant douze ans sous Wade. Si nous nous mettons aujourd’hui à nous tirer dessus à boulets rouges, vous imaginez les difficultés que nous aurons. Et finalement, nous ne pourrions pas prendre à bras le corps les difficultés qu’ont les Lougatois. Je suis partisan du consensus dynamique, et non d’un certain fossé entre des groupes. Il s’agit de regrouper l’ensemble des forces de l’Alliance pour la république qui sont dans le département et essayer ensemble de construire quelque chose.

 

Sur les flancs de l’Apr à Louga, naissent des sensibilités qui se mettent en marge au point même de contester le leadership du coordonnateur du parti Amadou Mberry Sylla. Qu'y-a-t-il à faire ?

 

Nous y sommes déjà. Pour la prochaine réunion du comité exécutif départemental prévue le 25 mai, nous avons justement un point relatif à la gestion du parti au niveau local. On réfléchira aussi de manière globale sur les élections locales de 2014. Encore une fois, je crois au consensus dynamique. Avec certains, on est en train de discuter pour voir comment construire ensemble quelque chose de commun. Il y a des divergences qui ne minent pas l’unité du parti à Louga. Ce qui est important, c’est de pouvoir disposer de ressorts pour dépasser cette situation.

 

Même si la question n’est pas encore tranchée au niveau de vos instances, pensez-vous devoir aller seul ou avec Benno Bokk Yaakaar aux élections locales ?

 

Je réaffirme notre ancrage dans BBY. C’est la ligne du président de la République. Et il l’a réaffirmé ici à Louga lors du Conseil des ministres délocalisé. Il compte s’appuyer sur cette coalition pour gouverner le Sénégal. Seulement, il y a des préalables. Il nous faut d’abord construire notre unité au niveau de l’Apr locale. L’unité, elle est là, mais plus ou moins fissurée par certaines velléités que nous comprenons. Mais pour l’essentiel, il nous faut bâtir un consensus dynamique interne avant de prétendre aller avec BBY. Les élections locales étant ce qu’elles sont, il est évident que nous irons avec cette coalition si nous constatons une dynamique de convergences. En cas de désaccord, il ne nous est certainement pas interdit de trouver d’autres voies qui nous permettront d’aller aux élections et de les gagner. Le seul problème que nous avons maintenant, c’est qu’en réalité nous n’avons pas de responsabilités.

 

C'est-à-dire?

 

Il n’y a que Mberry Sylla comme député et secrétaire élu dans la commune. Cela ne suffit pas. Il est hyper fatigué, constamment sollicité, ce n’est pas facile pour lui. Les problèmes d’organisation, de mobilisation et de massification sont essentiellement liés au fait que nous n’avons pas de responsabilités. Or, nous avons un potentiel qui est là. Pour fidéliser nos militants, il nous faut des moyens politiques. C’est l’occasion pour attirer l’attention du président de la République, président du parti, sur le fait qu’il nous faut des responsabilités compte tenu des enjeux et défis qui nous interpellent. Les prochaines élections locales sont cruciales pour l’avenir du parti.

 

Avez-vous des prétentions pour la mairie ?

 

Servir sa cité est un sacerdoce, une grande responsabilité. La question de la candidature n’est pas encore posée en instance. Je ne peux pas dire ici, de manière crue, que je suis candidat pour diriger la mairie de Louga. Mais mon ambition est de servir cette ville qui m’a tout donné et où il y a un grand mouvement de sympathie à mon endroit. Si je peux déployer toute mon énergie au service de cette ville, pourquoi pas ? Je reste un soldat au service de Louga. Si Dieu décide qu’il en soit ainsi, je ne pourrais le refuser.

 

Que pensez-vous d’un certain projet de modification de la loi concernant l’élection du maire au suffrage universel direct ?

 

Ce projet a des avantages et des inconvénients. Il permet aux citoyens électeurs de pouvoir d’emblée faire un choix direct sur celui qu’ils désirent comme premier magistrat de leur ville. De ce point de vue, c’est une avancée démocratique. L’inconvénient, c’est qu’il sera difficile au sein des coalitions ou des partis de trouver quelqu’un d’entrée de jeu. Plane ici le risque d’absence de consensus et de vote-sanction. L’autre cas de figure en vigueur où le maire est élu au suffrage universel indirect a comme inconvénient l’avantage de la première proposition : l’électeur vote pour une liste et ne sait pas qui va être maire. Et au sein du Conseil municipal, il y aura des tractations ou même un parfum de corruption. Quelqu’un peut être riche, amène ses millions, achète des conseillers et devient maire. Il y a quelquefois une violation du suffrage universel. L’avantage est que cela permet de tenir le suspense jusqu’au Conseil municipal... (…) A mon avis, il faut une large coalition qui va bien au-delà de Benno Bokk Yaakaar pour rassembler toutes les énergies et compétences au service de la ville de Louga...

 

Etes-vous en train de dire que Benno Bokk Yaakaar doit être dépassée ?

 

C’est mon avis personnel. Les défis sont énormes et aucune équipe ne peut dire qu’elle a seule les solutions. Comme disait Valéry Giscard d'Estaing à François Mitterrand, nul n’a le monopole du cœur. Les Lougatois, dans leur ensemble, ont des ambitions pour cette ville. Donc il faut ratisser large, rassembler au-delà des coalitions tous ceux qui sont capables d’ajouter leur pierre à l’édifice.

 

Et dans cet agenda, quelle place pour les cadres républicains de Louga ?

 

La Ccr est un laboratoire d’idées et une force de proposition au service du parti et de la patrie. Nous avons des chantiers énormes dans la réflexion et les propositions de solution pour les dix-sept collectivités locales du département de Louga. Nous nous dirigeons vers une réunion du comité exécutif départemental, où nous comptons des compétences variées et diverses, pour un plan d’activités annuelles. Nous comptons mettre notre expertise au service du département. Nous avons créé une vingtaine de commissions allant des Infrastructures à la Santé, de l’Education aux Petites et moyennes entreprises, de l’Agriculture à l’Élevage, etc. Nous avons des chantiers extrêmement importants au regard des défis qui interpellent notre département. Notre détermination reste intacte pour accompagner le président de la République à trouver les solutions aux préoccupations du département.

 

PAR MOUSTAPHA SECK

 

 

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