Pour la mémoire du peuple Palestinien
Un homme couché au milieu de la scène avec un livre sur la poitrine. Bercé par le chant des oiseaux, il dort profondément… Au bruit d'une puissante explosion, il se relève de façon brusque. La panique s'installe ! C'est ainsi que le rideau de la pièce de théâtre ‘’ Mine terre’’ s'est ouvert, dans le cadre de la 23ème édition des Journées théâtrales de Carthage.
Une femme apparaît après aux côtés de l'homme en question. C'est sa bien-aimée. Les amoureux évoluent au milieu dans un cercle qu'ils ont eux-mêmes soigneusement tracé, à la craie. Pour eux, hors de cet espace auto-imposé, se trouve le monde de la violence : une bombe risque d'exploser. Pas question de faire un pas en avant. Le couple tente de trouver une solution mais en vain. Ils cherchent alors à dissiper leur peur, à faire passer le temps.
Ainsi, de cette consolation, s'installe, pendant un tour d'horizon, une intéressante discussion sur divers sujets à laquelle assistent avec un grand intérêt les spectateurs des Journées Théâtrales de Carthage 2022. La scène est dépourvue de tout artifice et de superflu. Dans les cercles,, il n'y a qu’un muret de pierre qui sera transformé en tombe et des morceaux de craies. Mais les personnages sont merveilleux. Malgré la délicatesse du sujet évoqué, les comédiens réussissent à capter l’attention du public qui n’a de cesse de rire. Il s'agit d'humour noir. Et les spectateurs applaudissent de temps à autre.
Tantôt les personnages se rapprochent, tantôt ils se font des reproches. C'est une histoire d'amour avec tous ses aléas. L’on découvre donc leur relation conjugale, familiale, humaine, mais aussi leurs idées personnelles, existentielles. ‘’La douleur nous donne, dès fois, de la joie’’, confie Georges Ibrahim.
A la fin, le public découvre que la présence de la femme n'était qu’imaginaire, d'où le clair-obscur. Il faut dire que l’homme n’a jamais cessé de se recueillir sur la tombe de sa femme. Et il raconte à chaque fois la même histoire. Tout se déroule dans sa tête. Standing ovation à la fin du spectacle !
En effet, à travers l’évocation de l’amour d'une femme et de son mari et du souvenir symbolisé par l'omniprésence d’un livre et par une tombe, ‘’Mine Terre’’ parle de la mémoire du peuple Palestinien. ‘’Comme la guerre mondiale, des mines avaient été enterrées. Selon la pensée populaire, il faut se méfier. Un cercle est tracé ; il ne faut pas le traverser, de peur de marcher sur une bombe’’, explique Georges Ibrahim. ‘’ Tout le peuple de la Palestine est quotidiennement hanté par cette histoire de mine. Cette pièce de théâtre de l’absurde parle de la situation globale de toute la Palestine, sur le plan politique, social, et économique.
‘’Mine Terre’’ interroge donc l'âme humaine, lorsqu'elle refuse de faire face, d'affronter la peur. ‘‘Les Palestiniens sont encerclés de partout’’, regrette le metteur en scène qui a bien ficelé l'histoire dans laquelle l'existence humaine n'a plus de sens. La mort est-elle alors la fin de la vie ? Ou la perte de la passion de vivre, la dépression est-elle en elle-même une sorte de mort ? Telles sont les interrogations de Georges Ibrahim.
BABACAR SY SEYE (ENVOYE SPECIAL)