Publié le 25 Apr 2025 - 12:03
JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

Le Conseil maintient le cap

 

Au-delà de la guéguerre politicienne, ce qu'il faut saluer, c'est la constance de la juridiction constitutionnelle qui a fini de s'ériger en véritable garant de la primauté de la Constitution. Malgré ses faits d'armes, le Conseil constitutionnel pourrait disparaitre prochainement pour laisser la place à une Cour constitutionnelle. 

 

La posture du Conseil constitutionnel est-elle conjoncturelle ? La question s'était posée avec acuité, lors de la dernière Présidentielle, avec les décisions courageuses rendues par les sept sages contre la volonté de l'ancien président Macky Sall. Depuis avant-hier, le doute n'est plus permis. Le Conseil constitutionnel du Sénégal réaffirme toute sa détermination à défendre la primauté de la Constitution, quel que soit le régime en place. À l'agent judiciaire de l'État et au président de l'Assemblée nationale qui invoquaient son “incompétence” à statuer sur la conformité d'une loi interprétative, le Conseil rétorque sans ambages : “Aux termes de l'article 92 de la Constitution, le Conseil constitutionnel 'connaît de la constitutionnalité des lois (...)” 

Ce texte, soulignent les sages, ne distingue pas les lois en fonction de leur caractère interprétatif ou non. “Dès lors, la loi n°08/2025 du 2 avril 2025, adoptée par l'Assemblée nationale suivant la procédure législative prévue à cet effet, peut, indépendamment de la loi qu'elle interprète, faire l'objet d'un recours par voie d'action, conformément à l'article 74 de la Constitution”, affirment les sages qui en déduisent de manière claire et limpide “que le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité de ladite loi à la Constitution”. 

La décision n'est certes pas si révolutionnaire - le Conseil a eu à prendre des verdicts bien plus audacieux - mais dans une Afrique où les juridictions constitutionnelles ont plus tendance à jouer à plaire aux régimes successifs, de telles décisions sont loin d'être anodines. D'autant plus que pour beaucoup, par le passé, la haute juridiction a usé et abusé de l'incompétence. Il n'y a pas longtemps, le débat est revenu à la surface, notamment dans l'affaire de la déchéance de Barthélemy Dias, mais aussi en ce qui concerne le choix des vice-présidents de l'Assemblée nationale. 

L'avant-projet de loi sur la mort du Conseil constitutionnel dans les tiroirs de Diomaye 

Juriste chevronné et leader de parti politique, Moussa Tine revenait sur l'urgence des réformes. “Il est inconcevable que les Sénégalais continuent de s'accommoder des déclarations d'incompétence du Conseil constitutionnel.  Dès lors, la réforme ne peut plus attendre. Il s'agit là d'un dossier dont le traitement s'avère urgent”, plaidait-il, dénonçant la duplicité des politiques sur le sujet. “Jusque-là, tous les prétendants au pouvoir ont décrié les défaillances du système et annoncé des réformes de l'organe, mais ils ont fini par s'en passer, pour ne pas dire fait exprès d’oublier afin d'éviter d’affronter les rigueurs d’un juge constitutionnel fort”.

De l'avis de l'éminent juriste, très souvent, les politiques font un mauvais procès aux sages. “C’est très lâche de notre part, nous autres politiques, de dénoncer les décisions d’incompétence répétées des juges constitutionnels, alors que c’est le politique qui peut et qui doit modifier la loi en vue de donner une large compétence au Conseil”, disait l'homme politique.

L’incompétence du Conseil, selon lui, “n’est pas seulement due au manque de témérité des juges, c'est surtout parce que la loi ne lui a donné que des compétences limitativement énumérées”.

Malgré donc les limites objectives, le Conseil constitutionnel s'est jusque-là efforcé de jouer son rôle de garant de la Constitution. Au-delà de cette fonction qu'il remplit à merveille, les sages n'ont pas hésité, à des tournants historiques de la vie politique, d'assumer leur fonction régulatrice. Une mission qui a atteint son paroxysme lors de la dernière Présidentielle de mars 2024. L'on se rappelle encore la décision  n°1/C/2024 dans laquelle les sages remettaient en cause une loi constitutionnelle votée par le Parlement et annulait un décret présidentiel. Deux domaines sur lesquels la haute juridiction s'est le plus souvent déclarée incompétente. 

Des limites objectives, malgré les faits d'armes

À ceux qui pensent qu'avant 2024 c'était le néant, certaines sources rectifient et soutiennent que le Conseil constitutionnel du Sénégal a toujours joué son rôle. “C'est vrai qu'il y a eu un moment de grande hésitation durant lequel le Conseil s'est souvent déclaré incompétent ; cela avait un peu joué sur la perception, mais dans l'ensemble, le Conseil constitutionnel a de tout temps joué son rôle”, témoigne ce spécialiste du droit. Il renvoie à une décision de 1993.

“À l'époque, la commission électorale était complètement bloquée par les tiraillements entre les partis politiques. Elle n'a pu rendre ses décisions à temps. Cela avait installé le pays dans un grand vide, une situation que le droit ne prévoyait pas. Finalement, tous les documents ont été envoyés au Conseil qui venait d'être créé. Le Conseil avait rendu une décision d'anthologie qui avait sauvé le processus”, rappelle le spécialiste, qui ne manque pas d'égratigner les politiques. “Le problème chez nous, c'est que les gens ne sont contents peut-être que quand le Conseil rend une décision défavorable aux régimes en place. Mais de grandes décisions, il y en a toujours eu”, constate notre interlocuteur. 

Ces coups d'éclat n'empêchent pas cependant les plaidoyers de renforcer encore plus la juridiction, pour qu'elle soit encore plus forte. La question était d'ailleurs au cœur des débats lors des assises nationales de la justice. Une des questions sur lesquelles il y a eu un large consensus. Et la commission restreinte qui a été mise en place pour la mise en œuvre des recommandations a d'ailleurs fini son travail sur cette question. Elle “a déjà fini l'élaboration de l'avant-projet de loi portant réforme du Conseil constitutionnel”, révélait ‘’EnQuête’’ dans son édition du 24 mars dernier. Le projet dort dans les tiroirs de Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui devrait prochainement le soumettre à l'attention de l'Assemblée nationale.

La volonté des assises était, en effet, de “créer une Cour constitutionnelle avec des compétences et des pouvoirs élargis”. 

 

Le Conseil réaffirme le principe de la non-rétroactivité des lois plus sévères et s'érige en garant des droits des citoyens 

Garant du respect de la Constitution et du fonctionnement des institutions, le Conseil constitutionnel s'érige ainsi en défenseur du citoyen. Par sa dernière décision, le Conseil rappelle cet impératif. “L'article 9 de la Constitution dispose, en son alinéa 2, que 'nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis'. Ce principe est également affirmé par l'article 8 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme et du citoyen 1789, partie intégrante de la Constitution. Ces textes prohibent l'application rétroactive des lois pénales plus sévères, y compris lorsqu'elles prennent la forme d'une loi interprétative”, expliquent les sages.

En mettant hors du champ d'application de la loi les faits se rapportant à des manifestations ou ayant une motivation politique, lorsque ces faits ne sont pas liés à l'exercice d'une liberté publique ou d'un droit démocratique, l'alinéa premier de la loi interprétative pose une règle nouvelle et permet la poursuite de faits déjà amnistiés.

En cela, souligne le Conseil, la loi interprétative “est plus sévère” que celle de 2024 qu'elle est censée interpréter. 

 

PAR MOR AMAR

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