Des experts juridiques ‘’libèrent’’ Karim Wade
L’avis du groupe de travail des Nations unies est plus qu’une décision, et par conséquent, s’impose aux Etats partenaires. C’est du moins l’avis d’un groupe d’experts qui a animé hier, à la fondation Friedrich Naumann, un panel sur la détention de Karim Wade
Hier à la fondation Friedrich Naumann, il a été question des mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme, particulièrement du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. L’essentiel des débats a tourné autour de l’avis rendu par cette organisation à l’encontre de l’Etat du Sénégal et relatif à la détention de Karim Wade. Mais auparavant, des panélistes ont tenu à préciser que ‘’la rencontre n’est nullement liée à la décision que doit rendre aujourd’hui la Cour suprême sur l’affaire concernant le fils de Wade’’.
A l’absence de l’expert en droit international Ahmadou Tall, censé apporter la note dissonante, les autres panélistes ont tous tiré dans le même sens : à savoir que l’avis rendu par le groupe de travail des Nations unies est une décision qui s’impose à l’Etat du Sénégal. Parmi les voix entendues, il y en a une à distinguer. Son nom est Malick Sow ; il a dirigé le groupe de travail pendant 5 ans dans le passé. Aujourd’hui, il est président de Chambre à la Cour suprême, l’institution juridique qui déterminera ce matin si les juges se sont conformés au droit tout au long du procès de Karim.
‘’Le groupe de travail fonctionne comme un tribunal, il rend de véritables décisions, même si pour des raisons diplomatiques, on les appelle des avis. Les avis ont une valeur juridique qui s’impose à tous’’, soutient ferme M. Sow. Afin d’argumenter sa thèse, le magistrat déclare que plusieurs juridictions supranationales confirment cela. L’exemple qu’il en donne est celui de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a eu à fonder un de ses arrêts sur un avis du groupe de travail. Il a tout de même un point de vue ‘’très critique’’ sur l’avis rendu par le groupe.
Cette position de M. Sow considérant l’avis comme une décision est également celle du juriste Mactar Kamara. Paraphrasant le célèbre propagandiste allemand Goebbels, il affirme que Charbonnier n’est plus maître chez lui. Une façon de dire que le droit international a une primauté sur le droit national. Sans surprise aucune, Me Assane Dioma Ndiaye dont le point de vue a été exprimé depuis fort longtemps a lui aussi abondé dans le même sens. Le défenseur des droits humains réitère sa position selon laquelle l’Etat du Sénégal viole les droits de Karim Wade.
Pour lui, dès l’instant qu’un Etat viole les principes de droit international, il ne peut plus invoquer l’autorité de la chose jugée au niveau national. Par conséquent, à défaut d’être exécutoire (parce qu’il n’y a pas de force pour contraindre), l’avis est au moins obligatoire. Il a d’ailleurs plus ou moins anticipé sur la décision de la cour suprême. Car Me Assane Dioma Ndiaye estime que si la Cour européenne n’a pas ignoré les avis du groupe de travail, la Cpi non plus ne les a pas ignorés, la Cour suprême ne devrait pas elle non plus les ignorer.
Les trois panélistes trouvent donc que l’Etat du Sénégal devait prendre les dispositions pour se conformer au droit international. ‘’L’Etat doit avoir une culture du respect des principes internationaux. On ne peut pas aider à la création du groupe de travail, avoir deux de ses fils qui y ont été, l’inviter au Sénégal en 2009, et dire que ses avis, c’est du n’importe quoi’’, s’indigne le juge Sow. ‘’La ratification n’est pas symbolique’’, renchérit Me Ndiaye.
BABACAR WILLANE