L’essentiel est notre Republique
J e voudrais joindre ma voix à celle de tous nos concitoyens qui se sont exprimeś sur une question qui fait deb́ at aujourd’hui dans notre pays : le dialogue politique. Pour des raisons fort compreh́ ensibles, cette question agite le landerneau politique dont il y a fort àparier que les principaux acteurs seront aux premier̀es loges pour faire valoir des agendas diffeŕents et, par certains aspects, largement contradictoires.
Il n’y a pas lieu de s’en offusquer car la deḿ ocratie est, par essence, confrontation de projets ; il faut simplement souhaiter que jamais la conflictualité ne vienne alteŕer la civilite,́ ni l’invective et l’injure se substituer aux armes et lumier̀es de la raison.
Mais àquelques jours de l’ouverture de ce dialogue, mes penseé s vont à toutes celles et tous ceux qui s’interrogent sur le sens du dialogue ou n’en perco̧ ivent pas les enjeux. Mes penseé s vont àtous ceux de nos concitoyens qui, tenailleś par la peur ou le doute, sont teḿ oins ou victimes de dysfonctionnements ou d’ev́ eń ements inhabituels, difficiles àmaitriser, dont les causes comme les conseq́ uences ne sont pas ev́identes àleurs yeux. Mes penseé s vont à ceux qui se demandent si le dialogue viendra apporter des reṕ onses aux def́is existentiels, aux questions qui les assaillent.
De ces concitoyens je me sens solidaire et souhaite que le mem̂ e sentiment prev́ ale àleur eǵ ard chez ceux-làde nos compatriotes, personnalités du monde politique, de la societ́écivile et du secteur prive,́ que les circonstances et choix politiques mettent en position de borner les contours de la présidentielle de 2024 dont assureḿ ent les reś ultats ne laisseront personne indiffer̀ent. Il en est ainsi parce que je souhaite que le dialogue soit une opportunité pour ceĺeb́ rer, vivifier l’esprit reṕ ublicain au cœur duquel se trouve une volontépartageé de proteǵ er ce qui nous est commun, en respectant certains principes qui sont le socle de notre deḿ ocratie .Parmi ces derniers, le respect scrupuleux de la sacro-sainte égale dignité des citoyens devrait faire l’objet d’une attention de tous les instants tout comme le renforcement des capaciteś à traiter les diffeŕences avant qu’ils ne se transforment en diffeŕends ainsi que le culte de l’esprit de solidaritépour atteindre dans l’unité les objectifs que nous nous sommes librement assigneś .
Il nous faut, en d’autres termes, eŕiger au rang de vertus cardinales l’émergence au Seń eǵ al d’une citoyenneté ancreé dans le respect des valeurs reṕ ublicaines, cultivant la toleŕance, garante de paix, de respect des Institutions, signe de maturité politique et de deḿ ocratie. Certes le chemin à parcourir pour y arriver est encore long et semé d’embuches mais manquer d’avancer reś olument dans cette direction eq́ uivaudrait à mettre en péril notre héritage. Nombreuses sont les bonnes volonteś qui le rappellent et sonnent parfois l’alerte ; je me joins ici àtoutes les voix qui ont eu àcœur de reá ffirmer depuis des mois, l’impeŕieuse neć essitéde sauvegarder de ce que nous avons en commun : la Reṕ ublique du Seń eǵ al. Cette Reṕ ublique est assise sur une volonte.́ C’est, en effet, parce que les per̀es fondateurs de la Reṕ ublique ont, en 1960, choisi de valoriser une histoire et un već u commun que le Seń eǵ al est aujourd’hui un pays dont nous pouvons et̂re fiers, que nous devons aimer car il aura su construire son unité à partir d’une diversité culturelle remarquable et d’un pluralisme politique tout aussi bien pense.́ Cette richesse que nous avons en partage, il nous revient, aujourd’hui plus que jamais, de la protéger, de l’enrichir pour que jamais ne se fane l’espoir d’un vivreensemble qui a servi de boussole et de force motrice chaque fois que les nuages de la division venaient à assombrir l’horizon.
Cette capacitéà transcender les inteŕet̂s particuliers, à nous unir autour de l’essentiel, voilà la marque de fabrique du Seń eǵ al que nous aimons. C’est donc pour ma part, en tant que reṕ ublicaine que je rev̂e de voir l’ensemble des populations, s’inteŕesser au dialogue dont il est question, et de s’y inteŕesser, voire de s’y engager avec luciditéet courage Je souhaite que ce dialogue qui va s’ouvrir dans quelques jours aille audelàdes preó ccupations immed́ iates pour des eĺections libres, transparentes, eq́ uitables et apaiseé s et soit l’occasion de reá ffirmer le caracter̀e vital d’une ref́lexion de fond sur la nature des changements et des reformes requis dans notre societ́éen transition, dont on ne soulignera jamais assez qu’elle est interpelleé à plusieurs niveaux, jusque dans l’institution familiale qui en constitue le socle premier, voire primordial. Puisse pour l’honneur de notre nation que ce dialogue qui s’ouvre le 30 mai, raffermir, consolider les bases d’une Reṕ ublique mur̂e, forte, stable et exemplaire. Nous le devons ànos devanciers ; nous le devons surtout aux geń eŕations futures dont il appartient aux dirigeants de la Reṕ ublique de deć hiffrer les coler̀es, pour pouvoir les juguler, mais aussi les espoirs leǵ itimes que la nation se doit de satisfaire.
Dakar le 23 mai 2023 PROFESSEUR NDIORO NDIAYE