Deux cent pèlerins laissés en rade au Sénégal : Analyse, diagnostic et avis d’expert
Dans l’Histoire du Pèlerinage à la Mecque des sénégalais, depuis la période coloniale (vers 1902) à nos jours, que nous sommes entrain d’écrire de manière scientifique et exhaustive et que d’autres chercheurs, comme Khadim Mbacké chercheur à l’IFAN, le Pr Diallo de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et Mr Cheikh Bamba Dioum ont soit écrit en partie soit esquissé, avant nous, on n’a jamais connu, ce qui est arrivé en 2015, avec quelques deux cent pèlerins laissés en rade. En effet, ces pèlerins ont souffert, dans leur âme, dans leur dignité et dans leur chair. En plus, de s’être sentis humiliés, ils ont passé, pour la majorité, neuf à dix jours et dix nuits dans le hangar des pèlerins, à l’Aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar, avec à peine une assistance psychologique, médicale et matérielle et souvent sans interlocuteur avec qui communiquer, notamment venant de la part de l’Etat et du Commissariat général au Pèlerinage à la Mecque, qui en avait la mission, la prérogative et le devoir.
Il est vrai que, des années passées, des pèlerins avaient été laissés en rade à Dakar, ou en Arabie Saoudite, mais jamais cela n’a atteint cette ampleur et cette dimension. Nous détenons des statistiques, des informations sur la question pour l’avoir documentée. Il est vrai aussi que le Commissaire Général Adjoint au Pèlerinage Mr Saliou Bamar NDiaye a pris dignement ses responsabilités en, d’une part, prenant le problème à bras le corps et d’autre part en décalant son voyage vers les lieux saints de l’Islam, suite à la réaction des pèlerins laissés en rade qui ont fait obstruction à l’embarquement, dans un vol, de membres du Commissariat.
Une partie de ces pèlerins laissés en rade a pu se rendre à la Mecque in extremis, grâce aux visas obtenus et à un avion affrété avec la diligence du Chef de l’Etat qui s’est exprimé sur la question lors d’un Conseil des Ministres et a informé, dans un message après la prière de la Tabaski à la Grande Mosquée de Dakar, sur la convocation prochaine, par l’Etat, d’une large concertation sur la tenue des fêtes religieuses au Sénégal et sur l’organisation du Pèlerinage à la Mecque au Sénégal. A cette dernière occasion, le Chef de l’Etat s’est ému des manquements qui auraient entraîné le fait de laisser des pèlerins en rade lors de l’édition 2015.
Malgré la mobilisation de la presse qui a été déclarée « persona non grata », à un moment donné, par les Autorités, au hangar des pèlerins, à la réaction des concernés qui sont allés, malgré eux, jusqu’à barrer la route de l’Aéroport et saisir la justice, aux condamnations qui ont fusé de tous bords, notamment du côté de certains religieux, d’hommes politiques, de militants des causes justes, du sénégalais lambda (seules les associations de droits de l’homme et des associations de consommateurs qui font pignon sur rue n’ont pas réagi et partant n’ont pas soutenu ces pèlerins qui étaient dans leur droit et dans la détresse).
Au finish, plus de cinquante pèlerins (d’aucuns disent cent trente) du Commissariat au Pèlerinage et d’Opérateurs privés n’ont pu avoir le visa, parce que le Sénégal avait dépassé le quota de 10 500 pèlerins que l’Arabie Saoudite lui avait octroyé (les 2000 devaient être convoyés par le Commissariat et les 8500 par des Opérateurs privés nationaux, chacun selon un quota qui lui est alloué). Pourtant ces pèlerins ont tous payé intégralement le package nécessaire estimé à au moins 2.650.000 F CFA à part trois membres de l’encadrement pris en charge par l’Etat. Ils n’ont pas pu effectuer le Hadj à cause de l’incompétence de ceux qui ont aujourd’hui la charge de piloter le Pèlerinage à la Mecque. Ils ont été purement et simplement « refoulés » chez eux, selon l’expression d’un quotidien de la place.
Sans convaincre, le Commissaire général n’a pas, en réalité, selon notre lecture, assumé ses responsabilités en accusant les Voyagistes ou Opérateurs privés. A sa place, nous aurions évité, pour avoir bonne conscience, de nous réfugier derrière l’argument de la fatalité et de la volonté de Dieu.
Nous avons suivi tout cela en direct et sans intermédiaire, parce que depuis que le problème s’est posé, nous étions présent tous les jours et souvent la nuit au hangar des pèlerins pour compatir avec ces pèlerins laissés en rade. Nous y reviendrons.
Mais, Qu’est – ce qui s’est passé et qui a été responsable de cette situation suite à une faute lourde ?
A priori, selon notre lecture, après une information soutenue et une analyse sereine et objective de la situation et eut égard aux résultats de nos investigations et de nos recherches, nous estimons que ce fait résultant d’une faute lourde, que nous qualifions de « dramatique », parce qu’il ne faut absolument pas le minimiser, est à situer à trois niveaux, voir à quatre niveaux.
Le Premier responsable c’est l’Etat et pour être plus précis ce sont les Autorités étatiques. La question c’est à quel niveau ? Le deuxième et principal responsable c’est le Commissariat et surtout le Commissaire général qui est le seul à prendre toutes les décisions concernant le pilotage du Pèlerinage. Le troisième responsable est à situer au niveau de certains Opérateurs privés qui ne semblent pas avoir une culture de la gestion des risques et qui en font à leurs têtes. Le quatrième responsable, dans une moindre mesure, ce sont des acteurs de tout bord qui gravitent autour du pilotage du Pèlerinage et qu’on retrouve dans les rouages de l’Administration, dans les associations et dans les partis politiques et qui pensent que tout peut se négocier, même au détriment des autres.
L’Etat, devrait, urgemment, prendre des dispositions pour situer, dans ses rouages, sa part de responsabilité. Ainsi, l’Etat pourrait, après une information minutieuse et une évaluation complète, scientifique et technique et objective, faisant également appel à une expertise sans aucun parti pris, tirer les conséquences et prendre les décisions qui s’imposent, sans aucune considération politique et à la fin de l’édition actuelle du pèlerinage.
C’est rassurant d’entendre que le Chef de l’Etat a pris la ferme décision d’élucider et de situer cette responsabilité.
Nous pensons, pour notre part, que le Chef de l’Etat ne devrait pas être toujours sur la brèche à faire face à d’innombrables problèmes de ce genre, alors qu’il a des priorités avec son ambition de contribuer fortement à faire émerger et développer économiquement, culturellement et socialement et de manière durable le Sénégal et aussi de sécuriser notre pays face aux périls rampants et aux menaces de tous genres que l’Afrique connaît aujourd’hui de manière lancinante et qui ont commencé à faire légion dans la majorité des pays de la sous - région ouest africaine, que les exemples de ce qui s’est passé dernièrement en Côte d’ivoire et ce qui se passe au Mali, en Guinée – Bissau, au Burkina Faso illustrent à merveille.
Même si le Sénégal entretient d’excellentes relations avec l’Arabie Saoudite et qui se sont raffermies avec la décision du Sénégal d’envoyer des troupes au Yemen, on ne devrait pas mettre ce pays, qui a augmenté le quota du Sénégal, dans l’embarras, en lui demandant encore une ou des rallonges de quota. L’Arabie Saoudite est obligée d’être encore plus regardante et plus vigilante concernant le côté mystique (nous en avons une perception et des convictions, mais, nous ne pouvons approfondir ce volet dans ce type de document), concernant la sécurité des pèlerins, dont le nombre a fortement été réduit de 5 millions à 2 millions, avec les travaux d’extension de la Mosquée du Prophète (PSL) de Médine et de la Mosquée Majid Al Haram de la Mecque et avec les problèmes de sécurité de transport et les bousculades qu’elle n’a pas encore pu encore totalement réguler et maîtriser entre Mouna et Arafat, à Mouzdalifa à la lapidation des Diamras et pour le Tawaf – oul – ifada.
En effet, en 1990 près de 1400 pèlerins avaient péri asphyxiés dans un tunnel, en 2006, 364 pèlerins ont été tués suite à des bousculades et après avoir été piétinés aux Diamrates (nous avions plus ou moins assisté à cette tragédie). Cette année, 2015 la Chute d’une grue lors d’une prière de vendredi au Masjid Al Haram a entraîné la mort de 109 pèlerins et de nombreux blessés et une bousculade à Mouna vers les Diamrates s’est traduite par la mort de près de 769 pèlerins dont 6 à 7 sénégalais selon la Presse, en plus des 931 blessés identifiés après cette bousculade, selon un bilan provisoire au 27 septembre 2015.
Ceux qui ont accepté des responsabilités de haut niveau, et dans tous les domaines, devraient s’assumer honnêtement ou, pour une raison d’éthique, s’ils n’ont pas la capacité d’assumer leurs responsabilités, ils devraient, sans pression, rendre le tablier et ne pas s’agripper coûte que coûte, en invoquant des faux-fuyants ou des arguments qui ne pourraient résister à l’analyse. Il est vrai que le risque zéro n’existe pas en principe, mais l’anticipation est une stratégie qui a toujours permis de se préparer à gérer d’éventuels problèmes, voir des drames.
Le Chef de l’Etat ne peut pas, à lui tout seul gérer le pays. Il est une personne humaine. Tous ceux qui sont de bonne foi savent que ce sera toujours le cas. Il faut qu’on arrête de le rendre responsable de tout. Quand, de bonne foi aussi, et selon ses prérogatives édictées par la Constitution, il fait confiance à des hommes et à des femmes, à des sénégalais et non à des étrangers, en les nommant, donc en leur confiant des responsabilités, ces derniers devraient s’assumer, en prenant entièrement leurs responsabilités. Nous ne somme d’aucun parti politique et nous le pensons sincèrement.
Nous croyons fortement à cela et le Président Mamadou Dia, qui fut de tout temps notre mentor et notre père spirituel, qui nous a donné notre première formation en matière de pèlerinage à la Mecque et qui, durant les dernières années de sa vie, a guidé notre conscience en nous donnant ses bénédictions, nous a appris, en toute chose, à privilégier l’éthique avec conviction et à un certain âge à toujours faire preuve d’ascèse.
Avant d’expliciter cette première et principale conclusion et de livrer nos autres conclusions, nous voulons, d’abord, nous situer par rapport au Pèlerinage à la Mecque et dire le pourquoi, nous pensons pouvoir et devoir donner un avis d’expert suite à une étude sur le pèlerinage et à une analyse des innombrables problèmes liés au pilotage à vue de ce cinquième pilier de l’Islam au Sénégal.
En effet, depuis plusieurs années, nous suivons et effectuons des recherches très poussées et apportons depuis plus de dix ans notre assistance aux pèlerins. Nous avons pu effectuer environs six pèlerinages à la Mecque et plus d’une dizaine de Oumras en payant notre Package et une fois nous avons effectué notre pèlerinage à la Mecque en tant que membre de la Commission d’encadrement du Commissariat coopté lors du Conseil interministériel axé sur la préparation de l’édition 2014. Sans entrer dans des détails, en observant un devoir de réserve, tout comme Mme le Ministre de la santé, en prenant la parole, nous avions, déjà, à ce Conseil, lancé un SOS et alerté les Autorités sur les problèmes majeurs et les risques. Monsieur le Premier Ministre, attentif à cette alerte avait décidé que le Ministère des Affaires étrangères devrait tenir une réunion pour connaître de ces problèmes éventuels et rechercher par anticipation les solutions. Cette réunion ne s’est jamais tenue, à notre connaissance.
Professeur d’université, enseignant – chercheur en sciences de l’information et de la communication, en Business administration, en Intelligence économique, en Théologie musulmane travaillant avec l’Université Oumoul Khora de la Mecque, connaissant bien les principes de l’Islam avec nos recherches effectués sur le Coran et les Hadiths, nous maîtrisons les principes, les procédures, les éléments, les rites liés au Pèlerinage. En effet, nous sommes entrain de rédiger cinq ouvrages, sous la forme d’un package, qui sont en cours de finalisation, dont, un porte sur les Rites du Pèlerinage et leurs sens ésotériques, un sur l’Histoire générale du Pèlerinage à la Mecque, un sur l’Histoire du Pèlerinage à la Mecque des Sénégalais, un Guide du pèlerinage aux lieux saints de l’Islam, un dernier sur les Sites historiques de l’Islam à la Mecque et à Médine qui, dans une certaine mesure, méritent d’être visités.
A suivre
Dr Samba Aw
Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Professeur associé au CESAG, Expert en Pèlerinage et Chercheur
Responsable du Grenier du Patriarche du Président Mamadou Dia
BP. 10402 Dakar – liberté ; Tel. 77 278 89 43 / 77 809 53 59
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