L'ACSIF EN GUERRE CONTRE L'USURE BANCAIRE
Une si longue... marche
L’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif) a investi la place de l’Obélisque et les allées du Centenaire samedi dernier. Une marche qui s’est tenue pour exiger des banques qu'elles revoient les taux d’intérêt jugés trop élevés ainsi que d’autres modalités considérées comme préjudiciables aux clients des institutions financières.
Les membres de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (ACSIF) ont bravé la chaleur suffocante de cette après-midi (Ndlr : samedi 20 avril 2014) pour dénoncer un ensemble de faits qui, à leurs yeux, freinent le développement du Sénégal.
Il s’agit entre autres : des taux d’intérêt prohibitifs ; des agios ; du paiement des certificats d’engagement de non-engagement ; de l’épargne obligatoire ; de la liberté du client d’adhérer dans la banque de son choix ; des frais de clôture de compte ; des frais de dossiers chers ; des intérêts dégressifs ; de la violation de la quotité incessible et insaisissable ; du préjudice non réparé des GAB qui régulièrement sont hors-service. Bref contre la politique de surendettement, de dépendance et d’humiliation des clients et sociétaires dans les institutions financières.
Très remonté contre les banques, un homme, la quarantaine, teint clair, pessimiste, répète : «Ce sont des voleurs, cette manifestation ne les arrêtera point. Ils continueront leurs actes. Ils ne sont pas sérieux.» Un autre plus acerbe et très excité gronde : «Les banques nous truandent», sous les regards stoïques des deux policiers en pointe.
Banderoles, pancartes, sifflets, tout un arsenal pour se faire entendre même si le manque de patriotisme des Sénégalais est dénoncé par un monsieur qui se désole : «Si c’était un événement politique, la place serait pleine.»
Réduction des taux d’intérêt, objectif majeur de la marche
Les marcheurs prennent les allées du Centenaire en direction de la Radio télévision nationale en scandant «non au vol», «non à l’usure bancaire», pointant ainsi du doigt toutes les institutions financières sur leur chemin.
Pour Famara Ibrahima Cissé, président de l’Acsif, l’objectif de cette marche est de ramener les banques aux tables de négociations pour revoir les taux d’intérêt et autres modalités. Il explique : «La banque achète l’argent à un taux de 2,75 % à la Banque centrale. C’est inacceptable de le revendre aux clients à des taux de 12 voire 14 %». Ce sont des taux qui freinent l’agriculture, l’élevage, l’artisanat, et qui baissent le pouvoir d’achat des travailleurs, ajoute-t-il.
Pire, il estime que les micro-finances, créées par l’État pour permettre aux couches défavorisées de pouvoir accéder aux crédits se vouent à un banditisme financier extraordinaire. Même exonéré de taxe, dit-il, ils ont des taux d’intérêt de 22 voire 24%, alors qu’ils achètent l’argent à la Banque centrale à un taux de 3,75 %.
«Au-delà des micro-finances, il y a les usuriers tapis dans l’ombre qui n’ont plus d’agrément, mais qui continuent à opérer dans certaines localités. Ce sont des Libano-syriens pour la plupart, qui de connivence avec des agents véreux de l’État et de l’administration, ponctionnent des salaires à la source», déplore M. Cissé.
Selon Famara Ibrahima Cissé, «aucune ponction ne doit s’effectuer à la source. Tous les salaires des travailleurs devraient être virés à la banque. Malheureusement aujourd’hui, si vous prenez l’exemple du centre Peytavin, des ponctions s’effectuent à la source».
A mi-chemin, le groupe des marcheurs s’est densifié. Bounama Sall Ndiaye, la soixantaine, canne à la main et des papiers justificatifs, témoigne : «J’ai vu mon taux d’intérêt multiplié par trois. Je devais rembourser un prêt de 2 millions 500 mille avec un taux qui devait s’élever à trois cent trente-cinq mille francs, mais je me suis retrouvé avec un taux avoisinant les neuf cent mille.» Au départ, les institutions financières ne donnent pas les vraies informations, soutient-il ; et d’ajouter. : «Ce qu'ils font, c'est de la pure escroquerie.»
Même son de cloche pour Cheikh Mbacké Dieng, inspecteur de l’éducation en langue arabe à Mbacké. Ce monsieur lui aussi, victime de l’«escroquerie bancaire», dit avoir fait le déplacement pour dire halte aux banques. «Nous sommes sucés par les banques. Une fois que l’accord est signé et que votre salaire est domicilié, vous êtes traité comme un esclave.»
En cours de route, Amadou Sarr, coordonnateur national adjoint du mouvement M23, rejoint le groupe. Pour lui, la création de banque par l’État du Sénégal est fondamentale, avant d’ajouter que le combat mené par l’Acsif est vital. «Il y va de la survie du pays», conclut-il.
«Pas de réelles banques islamiques au Sénégal»
Embouchant la même trompette, le président de l’Acsif demande à l’État de créer ses banques. Mais également, il aimerait que les banques islamiques s’installent un peu partout dans le pays. Parce que, soutient-il, «nous n’avons pas de vraies banques islamiques au Sénégal. Les prétendues banques islamiques qui sont implantées dans le pays appliquent des taux d’intérêt de 8% voire 9%. Des pratiques proscrites même par l’islam».
L’Acsif réclame enfin que la loi sur le droit de rétractation soit votée à l’Assemblée nationale à l’image de certains pays où il est possible de dénoncer un prêt huit jours après l’avoir contracté.
Pour accompagner ladite loi de rétraction, la création d’une Chambre spéciale au niveau du tribunal, pour que tous les contentieux bancaires soient réglés le plus rapidement possible, est également demandée par l’Acsif.
Par Seydina Bilal DIALLO
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