La grande cantatrice du Boundou
Avec sa voix suave mais imposante, elle a su gagner le cœur de nombreux mélomanes de toutes origines. Elle a été rendue plus célèbre par l’émission ‘’Yela’’ de la 2Stv. Décédée le 13 mai 2016, EnQuête fait un focus sur la grande dame du Boundou.
Le 13 mai 2016 s’éteignait, à l’âge de 77 ans, à Dakar, Lama Binta Seck, une grande figure de la culture du Boundou. Elle était connue dans l'univers des griottes qui ont donné au ‘’Yela’’ tout son aura. Sa voix ne laissait personne indifférent, surtout les téléspectateurs de la 2Stv qui avaient l’habitude de suivre l’émission ‘’Yela’’ tous les dimanches. Le teint noir, la carrure imposante, ses chansons berçaient bien des gens à l'heure de la sieste dominicale. Elle était toujours habillée d’un boubou traditionnel, un foulard noué sur la tête.
La cantatrice Lama Binta Seck était tout le temps entourée de quelques femmes plus jeunes et de ses deux filles Madina et Houlèye. Elles avaient l’habitude de s’asseoir en demi-cercle pour chanter le ''Yela''. Mais, c’est elle qui donnait toujours le ton. C’est grâce à ses temps d’antenne d’ailleurs sur la première chaîne de télévision privée sénégalaise que le grand public l’a découverte. Même si les haal pulaar d’ici et d’ailleurs la connaissaient déjà depuis longtemps.
Chanter était inné chez Lama Binta Seck, car issue d’une lignée de griottes. La défunte a vu le jour en 1939 en Gambie dans la zone de Bassé, terre d’origine de sa mère, où elle a vécu avec son père avant de rejoindre sa tante à Horkodjéré (région de Matam), village natal de son père. Elle est issue d’une grande famille griotte s’occupant de la généalogie des Sebbe (Ceddos) Koliyabés. Fille unique de Malick Sory Same Farbabaguél Seck et de Binta Seck, elle est de la lignée des ‘’Farbabaguél’’, seuls aptes à être Farba. Lama avait le don de chanter en chœur et sa voix se détachait toujours de celles des autres malgré son âge avancé. Ses chants étaient accompagnés d’une musique jouée par des femmes griottes avec des instruments traditionnels comme des calebasses et des bouteilles en plastique vides avec lesquelles elles tapent sur le sol en imitant le galop des chevaux de guerre.
Pour sa fille Houlèye Lama Binta Niang, avec qui elle avait l’habitude de partager la scène, ce qui l’a le plus marquée chez sa mère, c’est l’amour qu’elle avait pour sa culture. ‘’Quand on avait 16 et 17 ans, ma sœur et moi, tout ce qu’elle voulait était qu’on se concentre sur notre culture. Elle nous enseignait toujours comment chanter le ‘’Yela’’. Elle était fière d’être griotte et voulait nous l’imposer. Elle nous amenait partout pour qu’on puisse suivre ses pas. C’est sa culture qui dominait sur tout ce qu’elle faisait’’, se rappelle-t-elle.
‘’Quand on chantait avec elle dans les cérémonies et qu’on interprétait mal une chanson, elle n’hésitait pas à nous taper. Elle oubliait même qu’elle était notre mère’’, ajoute-t-elle. Une autre qualité de sa défunte maman, c’est le respect qu’elle avait pour tous. Elle ne faisait jamais la différence entre ses ‘’géer’’ milliardaires ou pauvres. ‘’Elle donnait même beaucoup plus d’importance à ceux qui n’avaient rien à lui offrir. D’ailleurs, elle partageait ce qu’elle gagnait avec eux. Elle était exceptionnelle et j’ose dire qu’elle faisait partie des meilleures mamans. Et là, elle nous manque plus que jamais’’, raconte Houlèye avec nostalgie.
HABIBATOU WAGNE