Le Challenge politique au Sénégal
Faut il le Rappeler encore la politique est l’Art de gouverner ou de gérer la Cité qui du fait de son cosmopolitisme, de sa diversité et des chocs des cultures et des intérêts, a besoin d’un Ordre et d’institutions agrées et chargées de veiller sur cet Ordre. Cet ordre peut être absolu (Monarchique ou dictatorial) ou Républicain et démocratique et dans ce cadre précis, objet de renouvellement et donc de compétition. Le Sénégal à l’instar de la plupart des pays du Monde moderne, depuis son indépendance, se meut avec plus ou moins de bonheur dans cette sphère Républicaine où le jeu politique détermine les pulsions giratoires.
Ce jeu politique dans un pays est organisé le plus souvent autour de deux parties : d’un côté ceux qui sont au Pouvoir et confrontés à la Réal politique, à l’exercice du Pouvoir, à la gestion de l’Ordre, ceux-ci sont dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques pour la satisfaction des besoins des populations, ils sont dans l’action politique et d’autres parts ceux qui sont encore dans l’intention, la spéculation et les incantations politiques, dans la critique parfois facile, ils constituent l’Opposition. Parmi celle-ci il arrive qu’il y ait une frange constructive, patriotique, l’Homme d’Etat se reconnaît dans cette posture.
Cependant dans nos pays sous –Développés, sous assistance politique, économique, financière, comme le Sénégal, les pays et institutions qui assistent, ont créé un troisième acteur ou larron politique, à partir des Années 80, avec comme prescription de suivre , de contrôler l’utilisation de l’Aide et d’aider à la mise en œuvre des projets de Développement. Ce troisième acteur connu sous le vocable ambigu de « Société civile » a très vite pris goût à la chose publique et finalement politique, au point qu’il semble ne plus vouloir d’être confiné dans un « faire-faire » technique, didactique et pragmatique. Ainsi devient-elle chez nous au Sénégal, plus audible et plus visible sur les questions politiques que sur celles relatives au Développement. Elle est plus fréquemment à table avec le camp de l’opposition, donc avec ceux qui convoitent le Pouvoir où elle s’arroge parfois le statut de Maître de séance.
C’est là une première bizarrerie de la politique au Sénégal : un grand brouillard où l’ on peine à savoir Qui est Qui et Qui fait Quoi ? Ainsi est-il devenu une pratique courante que des Organisations de la Société Civile (Associations et Mouvements, originellement à caractère religieux, caritatif, syndical ou professionnel, consumériste) soient vandalisées, victimes de détournement d’objectifs par leurs Animateurs, pour finalement se muer en Partis politiques qui n’auront jamais de virginité politique et d’assises Républicaines inaltérables. Ce faisant une nouvelle famille de « braconniers politiques », adeptes des raccourcis politiques, une escouade de tireurs au flanc, est entrain d’essaimer au Sénégal, créant pagaille et désordre dans le landerneau politique ( plus de 300 partis).
Loin de moi d’imaginer des frontières dans l’art de servir la Cité qui ne doit laisser aucun citoyen en rade et qui répond à un choix volontariste, solitaire. Ce pendant pour plus d’efficacité cet engagement doit être solidaire, organisé dans des cadres bien définis et aux missions précises, c’est pourquoi, il me semble périlleux que par opportunisme politique, qu’il faille procéder au travestissement et à l’édulcoration de la substance de chaque structure et cadre social.
Ce pendant au-delà du Réflexe politique primaire qu’est le volontarisme chez chaque citoyen, la politique est essentiellement un art bâtir autour d’un projet de Société réalisable à travers un programme réaliste, à la fois factuel et prospectif qui répond aux besoins actuels et futurs de la société. Ce challenge requiert une certaine représentativité sociale et une représentation organisationnelle autour du même idéal porté par le projet de société, une élaboration collective et ouverte, que seul le parti politique représentatif et structuré est à mesure de relever.
Alors c’ est ici un autre talon d’Achille de la Politique au Sénégal : l’absence de projets de Sociétés, donc de programmes, surtout de représentativité pour bon nombre de partis politiques qui n’ont d’existence que par leur récépissé et de visibilité que dans le petit écran à travers la personne morale. Ainsi donc le landerneau politique Sénégalais gouille de « monstres politiques » sans expérience ou expertise, sans projets, sans attache réelle avec le pays des profondeurs, fabriqués de toutes pièces par une certaine Presse et certains réseaux sociaux.
L’une dans l’autre, ces deux tares de la politique au Sénégal, impactent négativement le jeu politique et la capacité du citoyen moyen de faire un choix libre et lucide entre projets et Acteurs politiques. Une telle situation non seulement expose le pays à l’aventure et aux périls de phagocytage de beaucoup de ces éphémérides dont les animateurs, en quête de renom et parfois de pain, peuvent tomber facilement sous le charme des groupuscules activistes ou de puissants lobbies qui cherchent à étendre leurs zones d’influences. Ainsi le risque de mettre le pays dans l’antre des loups est permanent avec des populations à majorité analphabètes et une jeunesse désemparée dans un contexte où la communication et ses supports ont atteint leur stade ultime : celui de la Manipulation.
In fine à la place d’une concurrence saine d’offres de projets de Société et de programmes alléchants, l’on assiste à des oppositions crypto-personnelles, sur fond de rancunes, de frustrations mal digérées, de jalousies, voire de haine et d’ intrigues pour faire échouer son vis-à-vis. Le constat est amer, inquiétant, général chez cette garde montante de politiciens. A la place d’une opposition saine et constructive, l’on a une opposition braquée, à propension nihiliste. De statut d’adversaires politiques certains glissent vers une posture d’ennemis jurés même devant le péril national. Alors quelle compréhension de la politique au Sénégal ? Cherche- t- on à en faire un comburant à une déflagration sociale ? Non, la politique est bien un jeu d’adultes, qui doit se jouer dans l’élégance et la plus grande sportivité, malgré les passions. Vivement que certains acteurs le comprennent ainsi et puissent revenir à la raison.
MAÎTRE WAGANE FAYE