Mon analyse
Cette saison est propice aux excès qui sont totalement compréhensibles mais qui ne doivent pas non plus consommer le moral des populations car, malgré tout, l'avenir du pays n'est pas compris.
Nous sommes cependant dans une profonde crise de confiance qui peut faire imploser notre cohésion si seuls les paroles et les actes excessifs sont relayés.
Le Sénégal n'est pas un pays facile à gouverner. Le Président de la République l'a compris au début de son contrat avec le peuple. Il a honoré sa charge avec le maximum de soin qu'on puisse attendre d'un leader.
Puis est venu le temps électoral. Se sentant obligé de construire sa propre base électorale, il a commencé la politisation de son régime. Jusqu'ici, tout est normal. Seulement, quand on politise son régime, on alimente en même temps son opposition en lui fournissant de la matière pour argumenter son discours.
En effet, lorsqu'on met aux affaires des leaders politiques avec un ancrage local, ces derniers finissent inconsciemment par confondre leurs obligations nationales avec leurs défis locaux. Leur réussite politique prend progressivement plus de poids que leur mission pour l'intérêt général.
Les erreurs de langage et les légèretés en matière de gouvernance vont donc s'accumuler et renforcer les arguments de l'opposition qui va muscler son discours.
C'est à ce niveau que s'est joué ce que nous vivons aujourd'hui.
Le Président de la République, face à une opposition qui s'est fortifiée sur les flancs des faiblesses de son propre régime, avait alors trois possibilités :
1. Corriger
2. Ignorer
3. Combattre
Il semblerait qu'il ait choisi la troisième option au vu de ce que nous observons aujourd'hui.
Personnellement, avec la raison dont je dispose aujourd'hui, si j'étais à sa place, j'aurais opté pour la correction. Mais je dois admettre que la pression d'un Chef d'état est une notion qui m'est totalement étrangère et donc par conséquent je donne crédit à son approche pour ne pas verser dans la critique facile.
Partons donc du principe qu'il ait eu raison de choisir le combat comme mode de défense face à une opposition de plus en plus agressive.
Lorsqu'on dirige un Etat et qu'on choisit le combat face à son opposition, on prend deux risques :
1. Confondre sa force et celle de l'Etat,
2. Confondre ses adversaires avec les citoyens qui les soutiennent.
Il me semble que le régime actuel soit tombé dans les deux pièges et n'en soit toujours pas très conscient.
Aujourd'hui, un courant d'opposition radicale s'est instauré dans le pays et un État répressif s'est constitué pour lui faire face à force de surenchères guerrières exponentielles.
De ces postures intransigeantes s'est construit un imaginaire faisant du Sénégal un pays où les partisans sont protégés et les opposants persécutés.
Le défi n'est plus de chercher des arguments juridiques pour disculper ou inculper. La croyance populaire est bien ancrée et on ne peut la balayer en faisant le tour des plateaux télé et en écrivant des articles très bien argumentés.
Le combat, c'est aussi l'option de l'opposition qui a réussi à faire passer le régime, au yeux de l'opinion, comme le champion de l'impunité et de la mal gouvernance.
C'est un peu comme entre Israël et la Palestine. Le plus fort contre le plus fâché. Un combat sans fin car ni la colère ni la force ne permettent la victoire. La victoire, c'est un savant mélange de réalisme et de sens du compromis.
Aujourd'hui, au Sénégal, il y a une hypothèque qui s'appelle Ousmane Sonko que le régime semble minimiser.
Prophétisé par son camp et diabolisé par le régime, force est de reconnaître qu'il est devenu un élément déterminant de ce que sera le Sénégal dans les 12 prochains mois.
Ceux qui pensent que l'enjeu c'est sa présence ou non aux élections ont selon mon analyse une lecture incomplète de ce qu'est Ousmane Sonko.
Par la volonté de Dieu, il est devenu un phénomène qui n'est même plus capable de se contrôler lui-même.
Il est un symbole et un symbole survie à l'anéantissement de celui qui l'incarne.
Ceux qui sont de ma génération doivent se souvenir de cette fameuse phrase du générique de 11 pour une coupe:
"Cet homme a 20 ans. De son tir dépend le résultat de la finale de la coupe du monde de football et il le sait".
C'est l'image que me renvoie le cas Ousmane Sonko sauf qu'il n a pas de ballon, n'est pas sur la liste de match et est même interdit de stade alors qu'il est le meilleur buteur de son équipe. Comment organiser une CAN en demandant à un pays d'amener son équipe C et aux autres leur équipe A?
Laissons le foot et revenons à la politique. Quelle devrait être la meilleure posture du régime actuel ?
il faut impérativement démontrer au peuple que l'Etat et les institutions sont neutres sur tout et en tout. Ce n'est pas une histoire de communication mais d'actes concrets de dégel que personne ne pourra réfuter.
Qu'est-il possible de faire en 2 mois? Très très peu de choses mais on peut quand même poser des actes qui peuvent faire baisser les thermomètres.
Par exemple oublier tous les arguments de droit et libérer tous les détenus d'opinion et les rétablir dans leurs droits.
Après cela, aller vers un nouveau pacte national de concorde, de cohésion et de confiance en établissant de nouvelles règles de gouvernance soutenues par toutes les composantes de la société sénégalaise et soumis à referendum avant les élections.
A ce prix, un report des élections de 6 mois pourrait être acceptable et accepté.
Tout cela est presqu'impossible. Mais qu'avons-nous devant nous si ce n'est l'imprévisible?
Je préfère me battre pour l'impossible que me confier à l'imprévisible.
Acteurs politiques et civils, réunissez-vous la nuit et le jour et réglez nous notre Sénégal. Nos jeunes ne voient plus l'horizon et deviennent des dangers pour eux mêmes et pour nous.
Qu Allah veille sur notre pays.
Ibrahima Nour Eddine DIAGNE