Les intellectuels de Ngoundiane face aux défis du développement local
« La jeunesse n’est pas une question d’âge, c’est un état s’esprit, une intensité émotive, une victoire sur la timidité. Est jeune, celui qui s’étonne et s’émerveille » G. Marc Arthur
Plusieurs personnes peuvent s’étonner des raisons qui peuvent justifier un tel texte écrit non dans l’intention d’enseigner quoi que ce soit, mais dans la posture d’un esprit libre qui, dans certaines circonstances, doit parler à l’instar de tous les fils de Ngoundiane éparpillés partout dans la diaspora et au niveau national qui brillent par leur lumière naturelle en faisant honneur à leur localité dans leurs activités spécifiques au service de l’esprit et de la communauté.
Après avoir constaté une démission et une neutralité étonnantes de la plus part des intellectuels de notre localité sur la gestion des affaires de notre Collectivité, certaines interrogations heurtent ma conscience :
Qu’est-ce que l’intellectuel ? Quel est son rôle dans la société ?
Peut-on dissocier l’intellectuel de la politique au sens idéal qui contraste souvent avec les pratiques de nous hommes politiques ?
Un intellectuel peut-il être un bon politicien ou un bon fonctionnaire ? Les intellectuelles de Ngoundiane jouent-ils leur véritable rôle dans le développement de leur communauté ?
Pourquoi les intellectuels de Ngoundiane, cadres, techniciens ne parviennent pas à influencer positivement sur les affaires de la localité ? La démission et la neutralité constatées sont-elles justifiées sous le prétexte fallacieux du refus d’être mêlé à des pratiques politiques ‘’malsaines’’° en déphasage avec ce que recommandent les bonnes mœurs ? Ne sommes-nous pas entrain de trahir notre peuple dont les intérêts sont aujourd’hui sacrifiés sur l’autel de la politique politicienne ?
La visée de ce modeste texte est donc de susciter un débat d’idées, où la contradiction et la complémentarité constitueront sans doute une valeur ajoutée sur la place que doit occuper l’élite de Ngoundiane dans les nombreuses questions qui interpellent notre localité qui réunit aujourd’hui la quasi totalité des conditions propices au développement économique et social.
Je souhaite vivement, que cette modeste réflexion soit accueillie avec beaucoup d’objectivité en étant soumise à une appréciation qui transcende les velléités partisanes car je refuse d’être confiné dans les carcans politiciens qui offusquent dangereusement la lumière naturelle de la pensée et de la liberté de contradiction qui devrait caractériser un intellectuel en dépit de son engagement pour une cause politique ou idéologique.
Donc, sans m’attarder sur les détails de conceptualisation pour éviter les équivoques sémantiques sachant qu’il est aventureux d’esquisser une définition acceptable par tout le monde, tant la notion est dépendante du contexte historique dans lequel il est employé.
Généralement, dans l’imaginaire collectif, on considère que l’intellectuel est avant tout, un universitaire ayant au moins un master dans une discipline donnée, et dans sa manière de faire, de penser, d’agir, concilie le bon sens (la raison selon Descartes), l’éthique, la vérité, la probité et l’humilité. L’intellectuel est celui qui agit de façon désintéressée mais également celui qui, de par ses activités participe inlassablement à l’émergence des idées innovantes et à la production des savoirs pratiques et théoriques.
Cette définition réductrice exclue donc toute personne dépourvue de ces grades, ce qui contraste avec une autre conception qui fait de l’intellectuel un être engagé dont l’activité repose sur l’exercice de l’esprit et une implication dans la sphère publique pour défendre des valeurs au service de la société. L'intellectuel n'est donc pas nécessairement un académicien ou une académicienne, et sa définition n'a rien de philosophique. Il s'agit de toute personne qui, du fait de sa position sociale, dispose d'une forme d'autorité et la met à profit pour persuader, proposer, débattre, permettre à l'esprit critique de s'émanciper des représentations sociales selon Edward Said qui affirme que « L’intellectuel n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui engage et qui risque tout son être sur la base d’un sens constamment critique, quelqu’un qui refuse quel qu’en soit le prix les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels. Non pas seulement qui, passivement, les refuse, mais qui, activement, s’engage à le dire en public ».
A la lumière de cette réflexion sur le rôle de l’intellectuel, avons-nous vraiment le sentiment d’avoir rempli cette mission au service de Ngoundiane, notre chère Commune ? Je prends le pari de répondre par la négative. Loin de déprécier le service que nous rendons à notre localité, je considère que Ngoundiane attend mieux et beaucoup plus que ce que nous donnons au regard des nombreux problèmes sociaux qui assaillent notre population. En effet, malgré la volonté de changement affichée par les autorités locales, la situation dans les carrières de Diack n’a guère changé si elle n’a pas empiré, la souffrance de nos mamans et sœurs surexploitées dans les rues de Dakar en quête de pitance est toujours préoccupante, notre agriculture est toujours archaïque malgré la richesse de nos vallées et terres cultivables aujourd’hui anéanties par l’exploitation abusive des entreprises de la carrières qui ignore arbitrairement le principe de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Le désastre environnemental causé par l’utilisation du nitrate d’ammonium dans la santé des populations est une catastrophe qui interpelle tout le monde sans exception. Cette substance chimique a causé plusieurs maladies comme le cancer et la tuberculose avec des pertes de vies humaines dans le village de Diack. Mêmes les conditions de stockage de ce produit démontrent à suffisance que Ngoundiane est assise sur une bombe à retardement qui peut détruire toute la population. Il suffit d’observer attentivement l’état physique du personnel qui travaille dans ce domaine pour s’en rendre compte. J’ai eu l’opportunité de partager cette question avec eux à plusieurs reprises. Ils sont désarmées, asservies et impuissantes devant les ravages d’une substance dangereuse qui les conduit inéluctablement vers a mort.
Au niveau de l’éducation, nous assistons tous les ans à un taux d’exclusion extraordinaire de nos élèves dont le niveau est catastrophique sans qu’il n’ ya aucune politique de récupération de ces enfants de Ngoundiane qui n’ont plus d’autre choix que de migrer vers la Capitale. Ngoundiane mérite bien un CRETEF pour réorienter ce taux de déperdition vers des formations utiles.
A qui la faute ?
Je pense que la responsabilité est partagée. En effet, au de-là du rôle de l’Etat central et décentré qui a l’obligation de veiller à l’intérêt des populations, cette dernière est engluée dans une fatalité et une facilité qui annihilent toute action de contestation pour lutter contre les nombreuses injustices qu’elle subit tous les jours. Nous avons une population qui souffre dans le silence particulièrement quand elle est privée d’une sentinelle de la jeunesse passive ou marionnette du dictat politicien. C’est principalement pour cette raison que l‘élite locale a une grande responsabilité sur la situation qui secoue la population de Ngoundiane.
Quand l’engagement politique devient sinécure pour une ascension sociale fulgurante des leaders,
Quand l’élite devient complice de ce jeu politique pour protéger des privilèges, quand la philosophie de’’ l’argent roi’’ dicte sa loi pour emprunter un propos de George Simel.
Quand le débat contradictoire est muselé au profit d’une pensée unique au service d’une action solitaire.
Quand la noblesse de la politique est galvaudée par des pratiques qui inspirent mépris et dégoût au niveau du peuple.
Quand la gestion du pouvoir est trop politicienne.
Quand la manipulation, l’injure et la calomnie sont érigées en modèle d’action politique. C’est d’ailleurs pour cette raison que plusieurs réseaux sociaux qui servaient de cadres d’échange constructif comme Ngoundiane City sont désertés par les utilisateurs qui ne se retrouvent plus dans la nature de certaines publications dont les intentions ne sont pas honorables.
Quand l’éclosion d’un nouveau leadership n’est pas encouragée par l’autorité qui divise pour mieux régner.
Quand toutes les structures de base sont phagocytées par l’autorité,
Quand le milieu estudiantin naguère critique de l’ordre établi est dans une torpeur qui déchante.
Quand il n’existe aucune structure regroupant les cadres de Ngoundiane au service de leur société, idem pour la jeunesse qui n’a pas de répondant au niveau local, nous avons là toutes les raisons de nous inquiéter.
Pourquoi pas la création d’une Association de Jeunes de Ngoundiane (AJEN) et une Cellule des Cadres pour le Développement de Ngoundiane (CCADEN) toutes au service de l’émergence de notre localité. Il est vraiment temps de travailler à combler ce vide pour sentir la jeunesse et les cadres de notre localité dans toutes les questions qui interpellent notre Commune. Peu importe les noms donnés à ces structures, l’essentiel est que nous prenions conscience de notre responsabilité de nous organiser pour exister légalement et nous mouvoir pour servir l’intérêt supérieur de notre terroir dans un partenariat fécond avec les autorités locales.
IL faut vraiment être daltonien, partisan et complice de la situation ainsi décrite pour ne pas la reconnaitre. Le devoir citoyen nous interpelle pour bâtir un Ngoundiane de demain pour ne pas dire un Ngoundiane du futur selon les termes de mon ami Modou NGOM.
Chers frères et sœurs, au crépuscule de notre petite enfance, dans les méandres de l’innocence juvénile, nous étions totalement bornés dans une insouciance naturelle où nos caprices difficilement supportés par nos parents faisaient la loi.
Ces derniers, dans un sens élevée de la responsabilité ont pris soins de nous assurer notre éducation et notre instruction dans un processus de maturation à la fois physique et intellectuelle qui connaitra son apogée durant notre réussite qui nous permet aujourd’hui d’assurer la relève de la responsabilité sociale à l’intérieur des foyers et des organisations publiques et privées.
Nous n’avons pas été à l’Ecole pour que les choses restent à leur place sans une aucune métamorphose positive.
Nous n’avons pas été à l’école pour continuer à subir les affres d’une pensée unique qu’on nous impose.
Nous n’avons pas été à l’Ecole pour être la proie facile d’une fatalité inébranlable qui bâillonne notre responsabilité dans le cachot tumultueux du désespoir.
Nous n’avons pas été à l’école pour continuer à chanter les louanges d’un Chef dans une posture de marionnette déconcertante.
Nous n’avons pas été à l’Ecole pour exposer des diplômes dans nos murs et nous suffire de notre salaire en oubliant la société qui nous a vus naitre.
Nous n’avons pas été à l’école pour nous suffire et applaudir au moindre geste et parole d’un leader.
Nous n’avons pas été à l’école pour se taire et adopter le sacrilège du silence quand les circonstances exigent moralement de nous éclairage et position pour guider notre population.
Nous n’avons pas été à l’école pour endormir la conscience populaire.
Nous n’avons pas été à l’Ecole pour faillir à notre responsabilité d’avant- gardistes et de voix des sans voix de notre peuple.
En fin, nous n’avons pas été à l’école pour trahir notre peuple et anéantir ses espérances nourries depuis la petite enfance.
Nous devons donc réfléchir et agir pour répondre au devoir citoyen de servir de façon qualitative notre société en refusant d’être ces intellectuels ou ces leaders qui exploitent, par intérêt égoïste, l’ignorance des populations.
Nous avons été à l’école pour servir inlassablement et dans le total désintéressement notre population.
Unis, dans la diversité de nos opinions, nous vaincrons.
Vive la Commune de Ngoundiane.
Assane SENE,
Cadre à Ngoundiane