Contribution à la réponse aux attentes de l’autorité et des citoyens en matière de formation
Permettez-nous, Monsieur le Ministre, avant l’entame de notre propos, de vous adresser nos vives félicitations pour votre nomination à la tête du Ministère de l’Enseignement Supérieur, réputé le plus difficile de tous les ministères. Dans cette optique, nous saluons la perspicacité dont vous avez fait montre en faisant le choix de vous mettre du côté du peuple pour faire triompher le projet PASTEF dont la substance, le patriotisme constitue votre crédo politique. Ce qui, certainement vous a valu la confiance du Président de la République, Monsieur Bassirou Diomaye Diakher FAYE et de son Premier Ministre, Monsieur Ousmane SONKO.
Monsieur le Ministre, nous sommes convaincus que vous mesurez bien à sa juste valeur, l’importance de la charge et les nombreuses attentes qui s’y rattachent, qu’elles soient de l’autorité ou des citoyens. Toutefois, cette charge ne saurait se résumer à l’apaisement de l’espace universitaire, à la tenue régulière des enseignements et des examens à dates échues. Sous votre magistère, elle devrait plutôt épouser les objectifs que se sont fixés les nouvelles autorités et les attentes des populations : rendre compétitive notre économie ; une opération qui devrait se traduire par une formation de qualité de nos étudiants afin de les rendre opérationnels pour aller à l’assaut des entreprises industrielles, commerciales et le monde de l’entrepreneuriat, armes et bagages en main. Ainsi, vous contribuerez significativement à la résorption du chômage des jeunes diplômés.
Cependant, l’atteinte de cet objectif confrontée à l’immensité et à la complexité de cette charge exige de vous, plus d’écoute et une obligation à fédérer toutes les énergies agissantes comme dormantes de votre environnement immédiat (la communauté universitaire et étudiante) et de celui plus lointain (les entreprises, les collectivités, les populations, etc.)
Monsieur le Ministre, votre Ministère, charnière entre celui de l’Education Nationale (votre fournisseur) et celui de l’Industrie et du Commerce (votre client) se doit d’être innovant par une appropriation de la Théorie des Contraintes pour améliorer la performance globale de notre système éducatif caractérisé des ressources très limitées. La prise en charge et la neutralisation de ces contraintes qui plombent la performance globale ne saurait se faire seul avec votre département mais avec la collaboration du fournisseur et du client précités dont vous partagez un objectif commun : une formation de qualité en parfaite adéquation avec les besoins de l’entreprise pour enfin résoudre la lancinante question de la problématique de l’inadéquation formation-emploi et par-delà aider à résorber de manière drastique le chômage des jeunes diplômés.
Aussi, il nous semble impératif de jeter les bases d’une collaboration interactive avec vous collègues en charge des départements de l’Education Nationale, de l’Industrie et du Commerce et de la formation professionnelle sur la base d’une relation - client-fournisseur-client -
L’intérêt de cette collaboration est qu’elle permet au nom de la solidarité gouvernementale, de faire corps ensemble pour que d’une part, vous puissiez partager les contraintes et les insuffisances qui peuvent entraver l’atteinte de l’objectif précité et d’autre part, trouver les solutions permettant de les neutraliser.
En effet, votre collègue de l’Education nationale (votre fournisseur attitré) dans le contexte actuel et relativement aux attentes des autorités, devrait vous fournir des produits (des bacheliers) de qualité, dégrossis, disposant de capacités intellectuelles leur permettant de répondre aux exigences de votre département, l’enseignement supérieur. Monsieur Serigne Mabye THIAM, alors Ministre de l’Education Nationale en avait pris bonne conscience en parlant de sacrifice de toute une génération pour résoudre ce problème de niveau dans les secteurs primaire et secondaire. Mesure certes, difficile à mettre en pratique mais que l’ampleur de la situation et ses conséquences sur la qualité de vos produits à mettre sur le marché de l’emploi, supposent que vous en soyez ce vecteur essentiel, fil conducteur de ces changements impératifs. En effet, seules des réformes ardues et courageuses partant d’un diagnostic sans complaisance de la situation pourrait inverser la tendance actuelle du faible niveau des élèves dans les enseignements du primaire et du secondaire, qui d’année en année, se transpose dans le supérieur, votre département pour continuer d’alimenter le débat sur l’inopérationnalité de vos produits et sur l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Débat que nous trouvons mal sain car alimenté par les acteurs du monde industriel et commercial qui rechignent à assumer leur part de responsabilité dans cette affaire. En effet, la raison du refus d’accorder des stages pratiques à nos apprenants, réside dans la quête effrénée de gains à travers des économies budgétaires.
Sous ce rapport, un rapprochement avec ces derniers par le biais de votre collègue du département en charge de l’Industrie et du Commerce ne saurait manquer pour deux raisons :
i) La nécessité de la mise en place d’un cadre d’échanges permettant de partager d’une part, les attentes du monde professionnel (entreprises industrielles et commerciales) et d’autre part, vos préoccupations : ii) L’impérieuse nécessité de l’assumation par ces derniers de ce volet pratique de la formation de vos produits.
Il est inadmissible qu’un étudiant fasse tout son cursus professionnel jusqu’au Master sans voir la couleur de l’entreprise ; ce qui est le cas présentement. Sous ce rapport, il vous revient de jeter un coup d’œil sur ces fameuses conventions signées entre d’une part, les entreprises avec les ISEPS et d’autre part, entre les entreprises avec l’ANPEJ (Agence Nationale Pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes). Ceci est une exclusion claire et nette d’une bonne partie de nos étudiants qui s’en trouveraient privés de possibilités de stage. Le décret n°2015-777 fixant les règles applicables au contrat de stage n’y fit rien et devrait être revu car ne prenant pas en compte de façon claire, les intérêts de l’entreprise.
Sous un autre registre, pour assurer la compétitive de nos entreprises, synonyme de création d’emplois, il y a lieu de faire de la recherche une réalité à travers le link entre le monde universitaire et les entreprises afin d’en faire un levier de croissance pour ces dernières. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que la compétitivité de nos entreprises dépend de leur capacité à s’approprier les résultats de la recherche, apanage des universités. Laquelle recherche induit l’innovation et le développement ; seuls à même d’assurer la compétitivité de nos entreprises à travers l’attraction de leurs produits mais aussi à travers la réduction des coûts de production.
Le dernier volet sur lequel, nous vous invitons à réfléchir, Monsieur le Ministre, c’est la destination des résidus (les cartouchards et les sortants sans diplôme) de votre département.
Au lieu d’un abandon qui en ferait des frustrés, prompts à alimenter le lit de délinquance, ne vaudrait-il pas leur trouver un moyen de reconversion ?
La réhabilitation des volets formations artisanales tels que la poterie, la menuiserie, la bijouterie jadis assurés par l’ex-Ecole Nationale d’Economie Appliquée (ENEA) devenue depuis 2008, l'Ecole supérieure d'Economie appliquée (ESEA) devrait pouvoir servir de réceptacle pour ces jeunes recalés de votre département. Non seulement, ces jeunes y trouveraient des opportunités de formation et d’insertion dans le monde des affaires mais des possibilités de développer l’entreprenariat et par la même, réduire drastiquement les sorties de devises au regard des volumes d’importation de ces objets souvent d’art, très prisés par les sénégalais.
Quid Monsieur le Ministre de la création d’école d’ingénieurs et des contrats d’alternance entre ces dernières et les entreprises ?
Loin d’avoir la prétention d’apporter des solutions, cette sortie relève d’une simple contribution d’un citoyen disposant d’un vécu professionnel et épris du devenir de notre nation.
Mamadou FAYE