Publié le 22 Oct 2013 - 06:30
LIBRE PAROLE

Que le SAES fasse école !

 

 

L’Union Nationale des Syndicats Autonomes du Sénégal (UNSAS) vient enfin de tenir son deuxième congrès. Rappelons que le premier a eu lieu en 2001, il y a douze ans. Ce qui n’est pas sans faire grincer des dents, surtout celles des membres du Syndicat Autonome de l’Enseignement Supérieur (SAES) qui est l’une des cinq composantes de départ de cette confédération syndicale. Il faut dire que l’observation des règles démocratiques par la tenue régulière des instances, le renouvellement des mandats et du personnel dirigeant n’est pas souvent le fort des associations privées du Sénégal. De ce point de vue, le SAES est l’une des rares organisations démocratiques du pays qu’il importe d’ériger en modèle. Le degré de son autonomie, la démocratie qui y règne et sa responsabilité bien assumée méritent d’être montrés en exemple.

Fondements du SAES

Jusqu’en 1984, le Syndicat Unique et Démocratique des Enseignants du Sénégal (SUDES) était la principale organisation professionnelle regroupant la plupart des enseignants du Sénégal. Ce syndicat a traversé plusieurs crises durant son existence. Celle de 1984 avait fini par le diviser en deux entités : L’une autour de Madior DIOUF, l’autre sous la direction de Mamadou NDOYE. Cette division fit surgir les frustrations dont souffraient les membres universitaires. Il faut savoir que le SUDES, avait du mal à intégrer dans ses plateformes revendicatives les problèmes spécifiques des institutions du supérieur. A l’éclatement de la crise, des enseignants et chercheur de l’université de Dakar ont décidé de partager leur détermination à créer un syndicat du sous-secteur. Ils ont ainsi rédigé un manifeste le 10 juillet 1984 signé par environ soixante professeurs.
Pour dire en résumé que le Syndicat Autonome de l’Enseignement du Supérieur (SAES) est né des flancs du SUDES qui avait du mal à assumer son autonomie, à faire valoir les principes démocratiques et à intégrer dans sa gestion la spécificité du sous-secteur supérieur.

Depuis 1984, le SAES fonctionne sur la base des règles bien établies : Ses instances se tiennent d’une manière ordinaire. Il vient d’organiser son XIème congrès ordinaire en 27 ans d’existence. On y renouvelle à chaque congrès, sans tension aucune, les dirigeants. Seydi Ababacar NDIAYE est son septième secrétaire général à compter du premier que fut le Grand Babacar DIOP dit Buuba. Ce syndicat, constitué de plus de 1000 chercheurs et professeurs d’université, beigne dans la démocratie et reste la sentinelle du supérieur en toute autonomie. Ce qui n’est pas sans déranger ses représentants dans l’UNSAS.

Le SAES démocratique dans l’UNSAS

L'UNSAS est née le 07 avril 1991 par la volonté du mouvement syndical autonome sénégalais. Elle fut reconnue officiellement le 08 avril 1992. Elle était constituée au départ du Syndicat Autonome des Enseignants du Supérieur (SAES) ; du Syndicat National des travailleurs des Postes et Télécommunication (SNTPT) ; du Syndicat Unique des travailleurs de l’Electricité(SUTELEC) ; du Syndicat Unique des Travailleurs de la Santé et de l’Action sociale(SUTSAS) ; de l’Union Démocratique des Enseignants du Sénégal (UDEN) ; de l’Union des Travailleurs Libres du Sénégal (UTLS).
Aujourd’hui, la confédération ne compte pas moins de soixante-huit membres. Mais, elle n’a tenu que deux congrès depuis sa création et n’a connu que Monsieur Mademba SOCK comme Secrétaire général. Inutile de dire que cela n’est pas sans troubler le SAES, qui n’arrive plus à assumer sans gêne son appartenance à l’UNSAS. La plupart de ses membres ne se retrouvent pas dans la conduite des dirigeants de cette centrale. En 2001, lors du premier congrès de l’UNSAS, les représentants du SAES ont réclamé la limitation des mandats en nombre et durée. Ce que le secrétaire général avait senti comme une défiance. Vaillant comme pas possible, il riposte au congrès du SAES, qui s’apprêtait à élire sa nouvelle équipe dirigeante. Il suggéra alors le maintient du secrétaire général sortant en poste « parce qu’il a fait d’excellents résultats ». Ce qui était la plus blessante des insultes pour les membres du SAES. Face à la désapprobation et le tollé général que ses propos ont suscité, le grand combattant Ngagne Demba enfourche son cheval d’honneur pour réitérer sa proposition et l’assumer avec force sans  sourciller. La dernière mésentente en date est née de l’insistance du SAES et d’autres syndicats pour la tenue du deuxième congrès. Celle-ci a amené l’UNSAS jusqu’au tribunal, avant de pouvoir être réglée par la tenue de l’instance. Malheureusement on l’a organisée en foulant au pied toutes les règles de l’art. Un congrès de renouvellement ouvert à tous les badauds et griots sans débat ni vote ! Et comble de forfaiture, la désignation du secrétaire général de l’UNSAS y est validée et entérinée avant le démarrage des travaux du congrès proprement dit. Mais, les délégués du SAES, y sont restés badges à l’effigie de Mademba sur la poitrine, la mort dans l’âme, sereins et zen jusqu’à la fin.

Le SAES, une force tranquille

Dans l’UNSAS comme dans le pays, le SAES assume sa responsabilité en œuvrant pour le dépassement des contradictions et le règlement des problèmes par des échanges qui permettent de trouver un consensus. Il a adhéré à l’UNSAS qu’il espérait être une fédération des énergies et travaille avec les autorités du pays pour une meilleure gestion du sous-secteur. Premier syndicat d’ordre sous-sectoriel, le SAES a réussi à sauver cet espace de l’émiettement syndicale et a y évité, autant que faire se peut, des conflits aux conséquences irréparables. Il ne compte que six préavis de grèves en 27 ans, soit en moyenne un tous les cinq ans. Il est resté de 2005 à 2011 sans mouvement au niveau national. Il est vrai que la dernière grève a duré plus que d’habitude. Mais cela est dû au fait que le prince ou son représentant n’a pas daigné respecter sa signature ainsi que le sceau de la république. On peut inscrire à son actif : L’élection des doyens de faculté et directeur d’école supérieures ; l’ouverture de l’université Gaston Berger de Saint-Louis ; l’amélioration réelle, quoiqu’encore insuffisante, des conditions de vie des chercheur et enseignants du supérieur. Le premier directeur général de l’enseignement supérieur appréciait sa dernière plateforme revendicative du SAES en ces termes : « Le respect de ces accords réglera tous les problèmes de l’enseignement supérieur et la recherche du Sénégal ». Ajoutons à ce très sommaire bilan, les multiples sessions de réflexion avec tous les acteurs de la cité que ce syndicat a organisées. Atelier sur le management des universités, sur le financement, sur le baccalauréat, sur la réforme LMD ou assises sur la normalisation du fonctionnement de l’enseignement supérieur. Tout cela pour bien mettre le sous-secteur sur les rails quel que soit le conducteur du train.
Pour dire que le SAES est une force tranquille qui ne fait pas dans l’agitation inutile. Il reste sentinelle de l’enseignement supérieur et de la recherche, animateur de réflexions et pourvoyeur de solutions. Ce serait une merise que de le considérer autrement. Si le SAES était bien imité en tant que syndicat d’ordre (les tentatives ne manquent pas !), le secteur scolaire compterait beaucoup moins d’associations ! Vivement que le SAES fasse école !

Le 9 Octobre 2013

Mamadou Youry SALL

Enseignant-Chercheur

UGB

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