L’insalubrité galopante ou la honte nationale
Comparé à des pays comme le Rwanda ou la Gambie voisine, le Sénégal est un pays sale, très sale où l’insalubrité est en passe de devenir une norme sacrée. Partout on trouve des amas d’ordures qui ne semblent déranger plus personne dans notre pays.
Notre pays perd de plus en plus toute notion de fierté, de patriotisme, d’hygiène et de Téranga. (Car la téranga commence d’abord et avant tout par un accueil dans un cadre propre, agréable et respectueux). Les ordures nous envahissent jusque dans nos mosquées, nos églises, nos écoles, nos marchés et nos cimetières sans que personne ne s’en émeuve véritablement.
Les odeurs pestilentielles des eaux verdâtres ou noirâtres qui dégoulinent et suintent de partout dans les quartiers de Dakar -comme Médina, Castor, Thiaroye, Ouakam et Yarakh par exemple- n’incommodent pratiquement personne. Ici comme dans les quartiers des villes de l’intérieur du pays- comme Médina Course ou Pikine de Saint-Louis, de multiples mbeubeuss bis repoussants sortent de terre comme de mauvais champignons. Et tout cela dans une révoltante indifférence générale.
Tout porte à croire que nos concitoyens entretiennent des rapports quasi mystiques avec la crasse et la pourriture. Ne dit-on pas d’ailleurs dans certains milieux que « les microbes ne tuent pas les Africains» ou « la salubrité excessive nuit gravement à la fertilité ou diminue la chance de ceux qui la mettent en pratique » ?
L’attitude collective actuelle face aux nombreuses agressions de notre cadre de vie est aussi absurde qu’inacceptable. Face à la poubellisation grandissante de notre beau pays, à cet enfer à la portée de tous, nous accusons sans ambages :
-nos chers concitoyens qui polluent notre environnement sans sentiment de culpabilité en jetant tout dans la rue : cadavres d’animaux (et parfois de bébés), pneus or ordinateurs usés, gobelets et sachets plastiques, condoms, cartes téléphoniques…
- mes collègues maires qui ne font preuve d’aucune imagination et « gèrent » les déchets de leurs villes avec paresse et irresponsabilité en dressant des murailles d’ordures au sein et autour de leur localités respectives et aux abords des routes nationales. Nos maisons ressemblent aujourd’hui de plus en plus à des nids dans des mbeubeuss bis malodorants. Mais on s’en accommode.
- les responsables des chaines de télé et de radio qui nous pompent l’air, à longueur de journée, avec des émissions creuses et sans intérêt pour le progrès socio-économique de notre communauté.
- les mouvements de jeunesse comme « Y-en a marre » qui crachent feu et venin sur les autorités politiques en oubliant de nettoyer leurs quartiers, de les décorer et de les animer comme leurs aînés au milieu des années 90.
- Certains de nos guides spirituels qui oublient trop souvent le caractère progressiste de nos religions -révélées ou traditionnelles- et nous enfoncent chaque jour un peu plus dans les ténèbres de l’inaction et de la misère.
- Les industriels et les usagers du plastique qui défigurent nos beaux paysages et empoisonnent systématiquement nos cheptels et nos espèces marines et fluviales
- nos services d’hygiènes qui brillent par leur immobilisme et manque d’envergure sur l’ensemble du territoire national.
L’insalubrité, chers compatriotes, ternit gravement l’image et l’honneur de notre pays, plombe ses activités touristiques et économiques tout en ruinant le bien-être de nos compatriotes et celui des étrangers qui vivent parmi nous. Il est temps qu’il y ait un sursaut national, une véritable alliance nationale contre la prolifération des déchets.
Il convient, pour gagner ce combat, d’établir des règles claires et de les faire respecter, de doter nos espaces publics de poubelles, de créer des programmes audiovisuels dans nos media pour susciter un changement rapide et qualitatif dans les mentalités et les comportements de nos concitoyens. Il convient également de suivre l’exemple des éco-sentinelles de Guédé Chantier, première éco-commune du Sénégal ou de celui des élèves du lycée Lamine Guèye qui sont les figures de proue de cette révolution naissante.
Dr Ousmane Aly PAME
Maire de l’éco-commune de Guédé Chantier
Président du Réseau Panafricain des Ecovillages