Pourquoi les sénégalais fuient-ils les hôpitaux ?
La situation que nous vivons dans les hôpitaux, me pousse à reprendre ma plume pour dénoncer ça et là les manquements et l’échec de nos élites dans le domaine médical.
Par les temps qui courent, être ministre de la santé dans ce pays c’est comme avoir une épée de Damoclès par-dessus la tête. Car les hôpitaux sont plus malades que les patients qui s’y rendent. Ils sont sous-équipés mais aussi il y a du laisser-aller. L’image actuelle de nos hôpitaux est très pathétique. On dirait des prisons à ciel ouvert. On peut dire sans risque de se tromper que les hôpitaux ne répondent pas aux attentes des sénégalais ? Tout porte à le croire, vu le nombre de patients qui s’y présentent sans voir l’ombre d’un personnel soignant. On peut ajouter à cela, le manque de considération notoire envers les patients dans des situations d’urgence, une attitude fréquente dont la conséquence la plus grave est la perte de vies humaines.
L’arrêté portant charte du patient qui stipule en son article premier « l’accès au service public hospitalier est garanti à tous les malades sans discrimination aucune » est souvent bafoué. Ce qui se passe dans nos hôpitaux n’est rien d’autre que de la non- assistance de personnes en danger, qui du reste est formellement punie par la loi.
Par ailleurs il faut noter un manque d’organisation notoire car les patients arrivés sur les lieux ne savent même pas où se situe le service « Accueil et Information » alors que l’accueil est le premier soin apporté à un malade. Malheureusement, nos hôpitaux continuent de l’ignorer. En outre tout le personnel est en blouse sans aucune mention (ni nom ni profession) et finalement on ne sait pas qui est médecin, aide-soignante, ou brancardier.
Pire ! Même les techniciens de surface sont en mode blouse. Dans d’autres pays comme le Maroc il est impensable dans un hôpital de porter une blouse sans aucune mention. Ironie du sort, le Sénégal est cité comme modèle dans le domaine médical. Pour preuve beaucoup de médecins de la région ouest-africaine, du Maroc et d’ailleurs sont formés dans nos hôpitaux et à l’UCAD. De nos jours, si un patient se présente aux urgences au lieu de faire les premiers soins, les blouses blanches cherchent d’abord à savoir s’il est assuré ou s’il est pris en charge. Même si le patient est à l’agonie.
Dans ce pays, tomber malade sans aucun moyen financier pour se prendre en charge est devenu la règle et non l’exception. Je me demande comment pouvons-nous avoir tous ces grands spécialistes de renom dans notre prestigieuse faculté de médecine et ne pas être satisfaits médicalement dans les hôpitaux.
Les cas d’évacuation sanitaire sont encore pire car les patients sont « valsés » de structure en structures avec le même discours « Il n’ya pas de place » ; un terme qu’affectionne particulièrement le personnel soignant et répété plusieurs fois dans la journée comme la seule leçon apprise durant la formation. Parfois il y’ a même des altercations entre le corps médical et les sapeurs pompiers que je félicite au passage qui viennent toujours au secours des blessés en cas d’accident de la circulation.
L’Etat du Sénégal devra réagir le plus rapidement possible car la situation est très alarmante. Je conjure les autorités du pays à sauver l’hôpital sénégalais pour stopper cette hémorragie qui continue de tuer notre système sanitaire. Le temps des séminaires et conférences sur des maladies est révolu car les signaux sont au rouge.
La CMU est certes une belle initiative que j’approuve d’ailleurs mais il faut l’accompagner par l’équipement des hôpitaux en matériels modernes et aussi motiver le personnel de santé. Sinon la CMU risque de subir le même sort que les plans qui l’ont précédé. Nous avons en mémoire le plan « sésame » qui a appauvri les hôpitaux au point qu’il est même difficile de trouver du coton ou de l’alcool dans certaines infirmeries.
Le gouvernement d’alors n’a pas respecté ses engagements provoquant du coup le surendettement extrême des structures hospitalières. Au moment où à Sedhiou le centre régional de santé est en train de privatiser ses évacuations sanitaires au vu et au su des autorités locales il ne sert à rien de faire un tapage médiatique autour de la CMU. N’oublions pas que ‘’trop de pub tue le produit’’.
L’hôpital de Tambacounda est-il resté combien de temps pour avoir une ambulance ?
L’hôpital ‘’Youssou Mbargane ‘’ de Rufisque est resté combien de temps pour avoir une radiologie ?
Quand l’hôpital Ninefecha de Kédougou retrouvera-t-il son lustre d’antan ?
Qu’attend le gouvernement du Sénégal pour construire un centre de traumatologie à Diamniadio ? Cette zone est un carrefour où la plupart des AVP (accidents voie publique) sont acheminés vers l’Hoggy (hôpital général de Grand Yoff) qui se trouve à une distance assez critique pour sauver des vies humaines.
A quand les hôpitaux de Ziguinchor et de Saint-Louis seront érigés en CHU afin de désengorger ceux de Dakar. Cette mesure sera en droite ligne de la politique de décentralisation prônée par le président Macky Sall.
J’ose espérer que toutes ces questions soulevées auront des réponses adéquates dans un avenir proche, car le système sanitaire mérite des réformes profondes pour l’amélioration quotidienne de la vie de nos concitoyens et que l’hôpital sénégalais trouve sa place dans le rang des meilleurs hôpitaux africains.
Bailo Diallo
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