Publié le 27 Jul 2012 - 22:20
MAMADOU DIOP DECROIX, LEADER D’AND JEF

‘’Il n’y aura pas rupture à l’Assemblée nationale…’’

 

Le Secrétaire général d'And Jëf, Parti africain pour la démocratie et de le socialisme (AJ-PADS), analyse, dans cet entretien, ses résultats lors des dernières Législatives et se projette sur la prochaine Assemblée nationale. Pour Mamadou Diop Decroix, ''on aura à l’Assemblée des ténors, des acteurs politiques de qualité'' mais il n'y aura pas ''de ruptures'' à l'Assemblée nationale.

 

 

Vous avez obtenu un poste de député à l’issue des législatives. Êtes-vous déçu ?

Évidemment, nous ne sommes pas très contents. Nous aurions souhaité avoir beaucoup plus de députés que ce que nous avons eu. Mais nous sommes quand même satisfaits d’être présents à l’Assemblée nationale. C’est extrêmement important. Cependant, on peut expliquer les résultats. Il faut se souvenir qu’en 2007, nous avions trois députés, 5 ministres, 3 directeurs généraux, 2 PCA, un ambassadeur.

 

C’était avant la scission…

Oui, le parti était tout entier. Aujourd’hui, il y a ceux qui sont à Yoonu Askan wi, d’autres avec le grand frère (Landing Savané, NDLR). Tout cela constitue des facteurs. De 2009 à maintenant, nous sommes en train de panser les blessures. C’est un parti convalescent qui est allé à ces élections, sans moyens. J’étais là en 2007, je sais combien de moyens on a mis. En 2012, je sais combien on a mis. Il n’y a pas photo.

 

Combien vous avez dépensé durant les législatives ?

Ce ne vaut pas la peine.

 

On vous a vu quand même déployer plusieurs véhicules 4x4. Ce n’est pas rien…

La dépense que vous allez amener au marché pour faire vos achats, vous ne dites pas aux gens. Il faut savoir simplement qu’on a eu beaucoup de moyens. Ensuite, on est allé tout seul en face de grandes coalitions. J’ai dit aux camarades que c’est parce qu’on a un grand parti politique qu’on a eu un député.

 

Pourquoi êtes-vous allé en solo ?

C’est important d’aller seul aux élections. Nous avons de grandes ambitions dans les années à venir. Par conséquent, il était bon d’avoir un starting-block, c’est-à-dire savoir démarrer et sur quoi on va démarrer. Il fallait un courage politique pour se peser. Maintenant, nous savons avec une précision chirurgicale ce que nous allons faire si nous voulons gagner une élection.

 

Allez-vous tendre la main à vos anciens camarades d’AJ pour des retrouvailles ?

Maintenant que la bataille de procédure est derrière nous, et que nous avons obtenu une représentation nationale, il est clair que nous allons y travailler. Notre préoccupation fondamentale, c’est l’unité de la Gauche au Sénégal. D’imminentes personnalités souhaitent que le parti se retrouve. Nous ambitionnons de retrouver tous nos camarades avec qui nous avons partagé le parti, les bons et les mauvais jours, toute notre jeunesse.

 

Ça ne devrait pas être facile j’imagine…

Non, ça ne sera pas facile, je ne voudrais pas faire des révélations, mais nous sommes en discussion avec des camardes qui ont été des dirigeants du parti.

 

Lors de votre dernier congrès, votre parti a décidé que le secrétaire général ne doit plus faire plus deux mandats. Êtes-vous toujours dans cette même logique ?

Ah oui ! Je vous remercie de m’avoir posé cette question. Ce n’était pas pour faire la frime ou pour amuser la galerie. C’est dans nos statuts. Le secrétaire général ne doit pas faire plus de deux mandats. Pour s’assurer qu’on ne va pas prolonger les choses à la tête du parti, on a dit qu’on ne peut pas faire plus de 5 ans sans faire de congrès.

 

La session de l’Assemblée sera ouverte ce lundi. Allez-vous rallier un groupe parlementaire ?

Nous avons discuté au niveau du parti et nous avons décidé d’être non inscrit à l’Assemblée nationale

 

Pourquoi ?

Nous sommes dans l’opposition, nous croyons savoir que le PDS est dans l’opposition. Il y a d’autres députés de l’opposition. Mais nous avons décidé d’être non inscrit.

 

Pourquoi ne pas rallier le groupe du PDS avec qui vous avez cheminé pendant 12 ans ?

Oui, mais nous préférons rester non inscrit. Nous verrons plus tard.

 

Vous avez suivi la polémique autour du perchoir ces derniers jours. Quel commentaire en faites-vous?

Ce sont des polémiques qui ne retiennent pas notre attention. C’est plutôt des questions du Sénégal qui ont la dignité de retenir notre attention. Il faut voir ce qui est en jeu du point de vue du pays. Vous avez quand même les partisans des Assises nationales. Ils ont une vision qu’ils ont dégagée et une conception qu’ils ont élaborée. Macky a lui une vision et un programme qui s’appellent Yoonu Yokkute. Si vous regardez les positions clé de Benno Siggil Senegaal, c’est le régime parlementaire avec un Premier ministre fort, une Assemblée nationale forte. Macky Sall n’est pas pour cela. Il l’a dit depuis le début. Il ne s’en est jamais caché ; il est pour un régime présidentialiste. Il y a là deux conceptions opposées en présence. Qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce qu’à l’Assemblée, le Premier ministre va avoir les prérogatives assignées par les Assises nationales où pas ? On me dira que tout cela est consigné dans un projet de constitution de Benno Siggil Senegaal. Alors que là, on a une Constitution présidentialiste. Est-ce que Benno va abandonner la plate-forme des Assises ou est-ce que Macky Sall va abandonner ses positions ? Ce sont des questions qui nous intéressent. Notre parti n’est pas de ceux qui souhaitent l’instabilité. Nous voulons que ceux qui ont gagné puissent montrer de quoi ils sont capables par rapport aux demandes essentielles de ce peuple et aux défis africains et mondiaux. Nous espérons que ces acteurs politiques majeurs vont dépasser ces débats pour l’intérêt supérieur de la Nation. Pour l’instant ce n’est pas le cas.

 

On a beaucoup parlé de rupture dans la nouvelle législature. Pensez-vous qu’elle sera effective au regard des relations qui lient l’Exécutif et sa majorité parlementaire ?

La notion de rupture n’est pas liée à la question de savoir si l’Exécutif a une majorité favorable ou pas. Pas du tout. Un gouvernement a besoin d’une majorité pour gouverner, c’est clair et net. Il peut y avoir 130 députés et qu’il y ait rupture et en avoir 80 avec la continuité. La rupture procède de la conception que les députés ont de leur mission. Autrement dit, il faut que la coalition Bokk Yaakaar soit plus branchée sur les préoccupations des Sénégalais que les disciplines partisanes et autres. Mon opinion est qu’on aura à l’Assemblée des ténors, des acteurs politiques de qualité qui sauront être des députés de rupture. Mais l’Assemblée nationale en tant que collectif, il n’y aura pas rupture. Je souhaite me tromper.

 

Sur quoi fondez-vous votre conviction ?

Je la fonde sur le profil de l’Assemblée nationale. Les députés sont des hommes ordinaires, ils ne viennent pas de la planète Mars. La rupture ne peut s’opérer, dans quelque compartiment que ce soit, que lorsqu’on aura une procédure qui puisse diligenter la rupture sur le plan culturel. Il faut que la société elle-même s’inscrive dans cette dynamique de rupture. Vous ne pouvez pas avoir une rupture sectorielle et artificielle. J’ai été défait, mais je ne suis pas mécontent. Nous sommes en fin de cycle. Il y a des ruptures entre la fin de cycle et le début d’un nouveau cycle. Cette transition n’est pas simple.

 

Quelle appréciation faites-vous des 100 jours de Macky Sall au pouvoir ?

J’attends que l’Assemblée nationale soit installée et que le Premier ministre fasse sa déclaration de politique générale. Nous allons rencontrer là toute la presse et faire une analyse systématique et radicale de tout ce qui a été fait.

 

Mais il y a des actes qui ont été posés…

Pour l’heure, il y a beaucoup de déclarations de bonnes intentions, mais à côté, il y a beaucoup de bruits. Le bruit semble l’emporter sur le reste.

 

Est-ce que l’audition des dignitaires de l’ancien régime fait partie des bruits ?

Vous avez l’annonce et vous avez des bruits. Les audits, je n’ai pas encore entendu un ministre dire qu’il est contre. J’ai entendu beaucoup de personnalités se plaindre du bruit comme si l’objectif, c’était le bruit et non des audits. Moi-même, je l’ai noté. Y compris durant la campagne électorale ; ce qui n’était joli.

 

Est-ce que les actes posés par Macky Sall sur la crise casamançaise vous paraissent rassurants ?

On ne peut pas encore juger de l’initiative qui est à ses débuts. Ce qui important est qu’il faut discuter. Nous avons entendu Macky Sall dire qu’il est prêt à discuter partout où les autres le souhaiteraient. Sur ce point, nous ne sommes pas contre. Pour nous, c’est d’avoir une solution définitive. C’est lui qui a les manettes. Il ne faut pas que ça soit un dialogue de plus.

 

DAOUDA GBAYA

 

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