Publié le 24 Dec 2022 - 21:25
MAMADOU M. BA SUR LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES

‘’Il est prématuré de condamner’’

 

‘’Sur les 1 000 milliards FCFA du PRES, les manquements relatés par la Cour des Comptes et pour lesquels une suite judiciaire est recommandée portent sur un montant de 6 686 784 410 F CFA, soit 0,7% du montant total du Pres décaissé’’, a précisé, hier, le ministre des Finances et du Budget, Mouhamadou Moustapha Ba, qui procédait à une lecture exhaustive du rapport de la Cour des comptes sur la Covid-19. Soulignant que ce rapport n'est pas une décision de justice, il estime qu’il est prématuré de condamner.

 

Le rapport de la Cour des comptes sur le fonds Force Covid-19 est sur toutes les lèvres, depuis sa publication. Hier, le ministre des Finances et du Budget, Mouhamadou Moustapha Ba, en compagnie de son collègue du Commerce, de la consommation et des PME, Abdou Karim Fofana, a fait une sortie pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur ce volumineux rapport pour lequel le gouvernement a voulu sa publication. D'emblée, il faut souligner que, pour les deux ministres, ‘’il est prématuré de condamner’’.

Mouhamadou Moustapha Ba note que le Programme de Résilience économique et sociale a été conçu par rapport à des objectifs biens précis, avec des montants initiaux au niveau de chaque axe.  De plus, ‘’le rapport n'est pas une décision de justice.  Après, il y a la possibilité de saisir la justice ou devant la Chambre de discipline financière où il y aura une procédure contradictoire’’, explique-t-il. ‘’Les rapports de la Cour des Comptes existent depuis sa création. D'autres personnes ont eu à être incriminées par des rapports ; elles ont répondu sans tambour ni trompette à la Chambre de discipline financière. Il y a des cas où des personnes ont apporté des preuves et la Chambre de discipline financière a reconsidéré, avec des preuves. Il y a eu même, dans le passé, des arrêtés qui ont été pris pour infirmer certaines décisions’’, poursuit l’argentier de l’Etat. 

Abdou Karim Fofana de renchérir : ‘’Un rapport de la cour de Comptes, c'est quelque chose de très sérieux. On ne peut pas faire des extensions ; des analyses politiques. Ce sont des questions administratives et financières’’.

En effet, le rapport a mis en exergue des fautes de gestion et formulé des recommandations pour une instruction judiciaire concernant des auteurs. ‘’Sur les 1 000 milliards F CFA du PRES, les manquements relatés par la Cour des Comptes et pour lesquels une suite judiciaire est recommandée portent sur un montant de 6 686 784 410 F CFA, soit 0,7% du montant total du Pres décaissé’’, précise Mouhamadou Moustapha Ba.

Et pour les manquements pour lesquels une information judiciaire est demandée, neuf ministères sont concernés.  Il y a, en premier lieu, le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour un montant du préjudice de 45 000 000 F CFA.  Ainsi, sur ce point, la Cour des Comptes demande l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre du Comptable sortant de l’établissement de santé de Kaffrine pour non production des pièces justificatives des dépenses. 

Ensuite, il y a le ministère de l’Economie Sociale et solidaire. A ce niveau, il est demandé l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre du directeur du Fonds d’Impulsion de la Microfinance pour absence de pièces justificatives de dépenses. Il montant du préjudice s'élève à 11 191 532 F CFA. 

Au ministère des Mines et de la Géologie (MMG), c'est le Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement (DAGE) qui est pointé du doigt. La Cour des comptes demande l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre pour ‘’paiement sans service fait’’, relatif au marché de construction d’une unité de traitement gravimétrique pour lequel le fournisseur a été payé, alors que les travaux n’ont pas été réalisés. Le montant du préjudice s'élève à 73 200 000F CFA.

Surfacturation

En quatrième lieu, il y a le ministère du Développement communautaire, de l'Équité sociale et territoriale indexé pour la somme de 2 749 927 498 F CFA. Il est demandé l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de l’ex Dage du MDCEST pour une ‘’surfacturation’’ sur l’achat 110 001,5 tonnes de riz.  Au ministère de la Jeunesse également, c'est l’ex Dage qui est pointé du doigt, pour une ‘’surfacturation’’ sur l’acquisition de gel hydro-alcoolique. Le montant du préjudice est de 41 217 580 F CFA.

En cinquième position, vient le ministère du Commerce et des petites et moyennes entreprises épinglé également pour une ‘’surfacturation’’ sur l’achat de gel hydro-alcoolique. L’affaire porte sur la somme de  805 000 F CFA.

Et en ce qui concerne le ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants, la Cour des comptes demande l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de l’ex Dage pour défaut de justification de dépenses pour des montants respectifs de 36 147 500 FCFA, 52 233 300 FCFA, 52 233 300 FCFA et 4 828 700 FCFA.  Le montant du préjudice est de 145 442 800 F CFA. 

En dernier lieu, il y a le ministère de la Culture et de la Communication. Il est demandé l’ouverture d’une information judiciaire sur les retraits répétitifs sur le compte du Fonds d’appui à la promotion de la petite et moyenne industrie (FAPPMI), effectués par l’aide comptable pour un montant cumulé de 2 500 000 000 FCFA. Le préjudice causé s'élève à 1 120 000 000 F CFA.

Recommandations

Au-delà de cela, il y a eu 12 recommandations concernant des mesures fiscales. Elles portent essentiellement sur des améliorations à apporter, notamment sur : le recouvrement par la DGID des surplus de subvention d’impôt accordée à certaines entreprises ; l’encadrement de mesures fiscales ayant des impacts budgétaires ; la rationalisation de la délivrance des titres d’exonération ; le respect des critères d’éligibilité aux subventions d’impôts et aux financements. Sept ministères sont concernés dont celui de la Santé et de l’Action sociale.

‘’Tout compte fait, force est de reconnaître que les manquements relevés par la Cour des Comptes ne peuvent pas remettre en cause les résultats probants obtenus par notre pays dans la mise en œuvre du PRES’’, déclare Mouhamadou Moustapha Ba. Qui, toutefois, note que des mesures appropriées seront prises. ‘’Conformément aux procédures, pour les fautes de gestion commises par les gestionnaires, le Premier Président de la Cour des Comptes saisira la Chambre de Discipline Financière (CDF), tandis que pour les faits susceptibles d’être qualifiés de délits ou de crimes, il saisira le ministre de la Justice’’, renseigne-t-il.

‘’Les DAGE sont nos collaborateurs’’

En effet, souligne M. Ba, ‘’le rapport de la Cour des Comptes a procédé à une analyse détaillée et mis en relief des points positifs, comme des dysfonctionnements et des insuffisances, en pointant notamment le non-respect de certaines règles afférentes aux procédures de la dépense publique dans des cas bien précis’’.  ‘’Les analyses, ajoute-t-il, sont assorties de 85 recommandations pertinentes, qui seront capitalisées et internalisées au titre des bonnes pratiques en matière de gouvernance des ressources publiques, dans des situations d’urgence et de crise’’. 

Dix-huit recommandations concernent le dispositif de pilotage et de contrôle. Elles vont toutes dans le sens d’éviter les régimes dérogatoires en matière de marchés publics ; de mettre en place, dans le cadre de la gestion des crises, de cadres d’orientation, de suivi et de contrôle plus opérationnels.

Les recommandations concernant la mobilisation des ressources et les modalités d’exécution des dépenses portent sur : le respect des engagements dans le cadre des conventions de financement sur ressources extérieures ;  la justification des dépenses liées aux Caisses d’avances dans les délais prescrits par la réglementation ; la mise en place de dispositifs pour une meilleure traçabilité des ressources au niveau des structures déconcentrées ; l’assurance de la production de toutes les pièces justificatives requises avant tout paiement d’une dépense, conformément à la réglementation ; la nécessité de faire jouer la concurrence dans les procédures de marchés afin de réduire, notamment, les risques de surfacturation ;  l’exigence d’enregistrement des contrats de marchés avant leur exécution ; la proscription du maniement des ressources publiques par des personnes non habilitées.

‘’Il ne faut se limiter à ce que dit le rapport qui indique des responsabilités et des recommandations’, indique Abdou Karim Fofana. Qui souligne : ‘’Toute l’administration et tout le système de gestion de la dépense publique sont concernés. Les recommandations et les indications, il faut les prendre telles qu’elles. Le gouvernement c'est une collégialité et une solidarité. Les DAGE sont nos collaborateurs’’.

BABACAR SY SEYE

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