''Mon premier salaire, ma grand-mère l’a partagée à toute la famille''
Moussa Traoré joue de la batterie au Jolof Band de Viviane Chidid. Avant, il a été le percussionniste du Lemzo Diamono. Mais parallèlement, l’ancien pensionnaire du Jaraaf de Dakar de pupille à junior, et fan de Mbaye Dièye Faye, prépare son troisième album (huit titres) solo qu’il compte mettre bientôt sur le marché. Entretien avec celui qui a eu comme mentors, entre autres, les musiciens Cheikh Tidiane Tall, Lamine Faye et Youssou Ndour.
Moussa, depuis quand fais-tu de la musique ?
Tout a commencé en 1989. J’avais 12 ans. Je tapais sur des pots de lait (vides) à la Médina rue 27 x 20, où j’habitais avec ma famille. Je ne suis pas griot. Seulement, j’étais fan de Mbaye Dièye Faye. J’ai été à l’école jusqu’au Cm2, et je précise que je n’étais pas nul.
Mais, j’aimais beaucoup la musique et le foot. J’ai joué au Jaraaf de la catégorie pupille à celle de junior. Je jouais aux postes de milieu de terrain et numéro 10. Je jouais aussi des deux pieds et je pouvais être gardien de but quand la situation s’imposait. J’ai joué, par exemple, avec Pape Ciré Dia, Seydou Traoré qui a été au Jaraaf et à l’USO. Seulement la musique a pris le dessus ; mais les vieux du Diaraf demandaient après moi, car ils ne comprenaient pas et pensaient que je pouvais faire carrière dans le football.
Pourtant, ma grand-mère m’interdisait la musique, et c’est mon oncle Khalifa Guèye qui m’a amené au Conservatoire (de musique) au temps de feu Abdourahmane Diop. J’y ai appris pendant trois ans le solfège. Après l’école, je jouais à L’orchestre national comme vacataire et, un an plus tard, j’ai commencé à percevoir un salaire. Ma première solde à L’orchestre national, ma grand-mère l’a partagée à toute la famille.
Quel était ton état d'esprit à ce moment-là ?
J’étais content de vivre ma passion et de gagner de l’argent, de vivre mon art. Ma grand-mère m’a laissé faire ce que je voulais : la musique. Avant L’orchestre national, il y avait l’orchestre Xibaar avec Elou Fall, Khalifa Guèye le chanteur. Ensuite, j’ai rejoint le groupe de Kiné Lam, comme danseur. La première fois que j'ai joué de la percu, c'était lors d'un concert en hommage à Mandela au stade de l’Amitié, en 90. Je me souviens que c’est Mbaye Dièye Faye qui m’a prêté des pieds sabar, car il appréciait le fait que je sois son fan. C’est d'ailleurs ce jour que Lamine Faye a monté le groupe Lemzo Diamono.
Il avait besoin d'un percussionniste, alors il a demandé à Salam Diallo de me contacter, c’est ainsi que j’ai rejoint le groupe. Je peux dire que trois personnes ont marqué ma carrière : Cheikh Tidiane Tall, qui tenait à ce que je joue, Lamine Faye qui m’a donné le courage du micro et m’a appris beaucoup de choses, me permettant de créer mes propres mélodies, et Youssou Ndour qui m’a poussé à jouer de la batterie.
Comment s’est passée ton intégration au Lemzo Diamono ?
C’est parti de Salam Diallo que Lamine Faye a envoyé me voir pour me demander de rejoindre le groupe qu’il voudrait mettre en place. Je me suis dit pourquoi ne pas rester quand, sur place, j’ai trouvé des gens comme Tapha Faye, Grand Sanou, Mahanta, etc. Je faisais alors la navette entre L’orchestre nationale et le Lemzo Diamono. Finalement, j’étais obligé de me concentrer sur le Lemzo car on jouait presque toute la semaine entre le Thiossane et le Kilimandjaro. On ne se reposait que le lundi. Et c’était tout le temps plein.
C’était quoi la force du Lemzo Diamono ?
Notre force, c’était la répétition. Lamine Faye y tenait. On répétait d’abord à la maison familiale de Lamine, chez son père, à la Sicap Rue 10, ensuite chez Lamine, à Liberté. Même quand les autres s'absentaient, Lamine Faye me demandait de venir… Il avait réussi à unir tout le groupe. Il y avait Alioune Mbaye Nder qui a joué la première fois lors d’une soirée à Louga alors qu’on accompagnait Maman Daro Mbaye du temps de la chanson ''Less Mory Thioune''. On n’avait même pas encore deux ou trois morceaux pour le groupe. Nder a donc fait la première partie avec le morceau ''Sportif''.
Il y a eu par la suite Salam Diallo, Mada Bâ, Fallou Dieng, puis Amy Mbengue, Amath Samb, Pape Diouf, Cécile Niang que beaucoup de gens ne connaissaient peut-être pas, mais qui étaient bien. Mass Ndiaye qui a chanté ''Petaw'' a aussi rejoint le groupe. Le Lemzo, c’était une affaire de Dieu, le groupe était soutenu par des bandes de copains, des groupes de jeunes et autres.
Au début, on faisait des invitations et on ne gagnait que de modiques sommes. Lamine était rigoureux et tenait à un travail sérieux. Il mérite une reconnaissance du peuple pour ce qu’il a fait pour la musique sénégalaise…
As-tu des regrets quand tu repenses à ces moments ?
Oui, beaucoup de regrets même. Parce si on avait continué dans la dynamique de départ, c’est sûr qu’on aurait pu construire des châteaux. Dans la semaine, on avait notre transport et on gagnait 150 000 F Cfa. On avait des managers efficaces, qui s’entendaient bien ; il y avait Yamar Touré, le manager général, qui est maintenant aux Etats-Unis, puis Cheikh Ndao (qui travaille maintenant avec Yékini) et Aziz Fall (qui conseille Habib Faye du Super Etoile). Je me souviens du fameux tube ''Simb'' fait par Alieu Diagne, le frère de Mbaye Dièye Faye et moi ; un morceau qui a connu un succès fou…
Par la suite Fallou Dieng a quitté, puis Nder a suivi. Il fallait donc trouver des remplaçants. C'est vrai qu'entre-temps, Mamadou Lamine Maïga avait rejoint le groupe. Mais, puisqu’il lui arrivait d’avoir ses propres deals, il fallait qu'on ait des remplaçants fixes. C'est ainsi qu'on a organisé une audition d’autres jeunes comme Gora Niang, Mass Ndiaye et Pape Diouf. Lamine Faye avait beaucoup de considération pour moi, j’ai eu donc la chance de participer à l'audition. Et puisque je sortais, j’étais au diapason de l’actualité des rythmes qui marchaient fort pour ce qui est des percussions, mon avis a compté.
Pape Diouf a eu la chance de passer avec trois voix. Et puisqu’on venait juste de sortir ''Yaru naa'', deux mois seulement après le départ de Nder, il fallait quelqu’un pour chanter ce morceau, c’est ainsi que Pape Diouf a intégré le groupe. J’avoue quand même que Pape est un bon garçon, bien éduqué, et sa première sortie internationale avec le groupe a eu lieu en Gambie.
Au début, il avait un peu le trac et, pour le mettre en confiance, je lui ai dit de partager avec moi ma chambre. Ensuite, je n’arrêtais pas de lui dire qu’il allait exploser la Gambie, et il l’a fait. C’est un garçon à encourager et féliciter pour le bon travail qu’il fait.
Qu’as-tu fait après le Lemzo ?
J’ai passé mon temps à voyager avec El Hadj Ndiaye Siggi. On a fait le Canada avec son album ''Xel'', l’Europe, etc. Je ne restais pas un mois complet à Dakar, car on tournait tout le temps. Et c’est à cette époque que j’ai eu la chance de jouer les percussions du morceau ''Sangue Berona'' de Cesaria Evora, qui a été d’ailleurs son disque d’or. Son producteur est venu enregistrer au studio 2000 d’El Hadj Ndiaye. J’ai aussi eu la chance de faire de la variété, notamment avec Vieux Mac Faye.
En passant, à L’orchestre national, javais commencé à jouer du piano. Et donc après près de 25 concerts avec El Hadj Ndiaye Siggi à travers le monde, je suis rentré à Dakar et, lors d’un match de football entre mbalaxmen et rappeurs, Bouba Ndour m’a demandé de les aider pour une soirée à Diourbel, car Bakane Seck avait voyagé avec Baaba Maal. Par la suite, Bouba me demandait de les accompagner en tournée européenne. C’est ainsi que j’ai intégré le Jolof Band de Viviane.
Pa Assane SECK