Vers des réformes profondes
Réforme de l’architecture financière internationale (Banque mondiale et FMI) et de la dette, mobilisation du secteur privé pour plus de financements dans les pays en développement, réalisation d’infrastructures durables, mécanismes financement innovants de financements et taxation durables. Voilà, entre autres, des sujets qui seront au cœur du Sommet sur le nouveau pacte financier qui s’ouvre aujourd’hui à Paris, auquel prend part une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement, dont le président de la République Macky Sall.
C’est une rencontre qui suscite beaucoup d’espoir au niveau des pays en développement. Si tout se passe comme prévu, des solutions très audacieuses pourraient ressortir du Sommet pour un nouveau pacte financier qui s’ouvre aujourd’hui à Paris. Parmi les points cruciaux qui seront à l’ordre du jour, il y a la proposition de révision des mécanismes opérationnels d’intervention des institutions de Bretton Woods : Banque mondiale et FMI.
Selon des sources diplomatiques françaises, des recommandations concrètes sont attendues de ce sommet initié par le président Emmanuel Macron. De quoi s’agit-il concrètement ?
Sans vouloir être exhaustifs, nos interlocuteurs donnent deux exemples. D’abord, il y a l’invite faite à la Banque mondiale et au FMI d’aller dans le sens de prendre plus de risques et d’être plus efficaces, notamment en réduisant les délais de traitement des dossiers de financements des pays en développement, mais aussi d’injecter encore plus de capitaux dans lesdites économies fragiles. Outre cette proposition forte, les recommandations vont également dans le sens d’amener les deux institutions à mieux travailler ensemble pour relever les défis de financement des économies les plus vulnérables. Ce qui n’est pas toujours le cas, souffle un interlocuteur.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’espoir peut être permis, au vu du grand engouement autour du Sommet de Paris qui va réunir environ mille participants, dont une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement. ‘’Le timing même est intéressant. Nous avons un nouveau président de la Banque mondiale qui arrive. Paris sera donc un de ses premiers déplacements internationaux. Il va pouvoir y recevoir une sorte de mandat de la part de la communauté internationale, un mandat d’être plus ambitieux, un mandat d’améliorer le fonctionnement de son institution’’, assure cette source très optimiste, non sans regretter les longs délais de traitement réservés actuellement aux demandes de financements des pays du Sud.
Le secteur privé, l’autre grand enjeu des débats
Si les institutions de Bretton Woods, comme à leur habitude, sont appelées à être en première ligne dans le financement des besoins en développement des pays du Sud, le secteur privé sera également un grand enjeu des débats qui s’ouvrent aujourd’hui dans la capitale hexagonale. Il ressort des travaux préparatoires qu’il faudrait mettre en place des mécanismes pour encourager les grandes firmes multinationales à aller investir davantage dans les pays en développement. Actuellement, la réalité est tout autre, malgré les fantasmes. Selon les chiffres, les investisseurs des États-Unis, par exemple, investissent seulement 3 % de leurs ressources dans les pays en dehors de l’OCDE. Pour l’Europe, seuls 5 % des ressources sont consacrés au continent africain.
Cela s’explique, d’une part, par les taux d’intérêt trop élevés lorsqu’il s’agit de lever des fonds pour des projets en Afrique, d’autre part, un défaut de certification sur certains projets qui auraient pu mériter plus d’intérêt. Afin de renverser la tendance, des propositions importantes sont attendues non seulement sur le mode de fonctionnement des agences de notation, mais aussi sur la mise en place d’un fonds spécial pour la stabilisation des risques liés aux taux de change… ‘’C’est parce qu’on s’est rendu compte que, dans le cout du capital qui est plus élevé dans les pays du Sud, il y a certes le taux d’intérêt élevé, mais il y a aussi une grande part qui est liée au risque de change. D’où le fonds pour stabiliser les effets liés à ce taux de change’’, souffle un interlocuteur.
En ce qui concerne les agences de notation, il sera question de les amener à ne pas généraliser systématiquement leurs notes qui peuvent pénaliser les pays pauvres. Dans les projets de recommandations issus des travaux préparatoires, il est préconisé que ces agences soient un peu plus flexibles. ‘’Par exemple, on pourrait dire que tel pays a une note de tant - une mauvaise note - mais que tels secteurs dans le même pays restent bien solides et rentables. Dans le même sillage, il est préconisé de montrer aux investisseurs les projets les plus rentables, les plus solides, à travers la labellisation et la certification, le derisking de certains projets à forts impacts environnementaux…’’.
Dans la même veine, Paris compte également miser sur les fonds souverains et gestionnaires d’actifs qui représentent la moitié du PIB mondial, pour renforcer les financements vers les pays qui en ont le moins. Pour pouvoir bénéficier de ces nouveaux efforts, il faudra aussi un certain niveau d’engagement chez les partenaires africains.
Notre interlocuteur de préciser : ‘’Il faut que tout le monde s’engage. Les organisations internationales doivent travailler à être plus efficaces, les pays de l’OCDE plus engagés sur la solidarité internationale. Mais ce qui est important, c’est qu’il y ait une stratégie pays. Lequel va dire par exemple : voilà la situation, voilà le plan d’investissement, voilà les projets sur lesquels nous voulons mettre l’accent pendant les trois, cinq prochaines années. À partir de là, faire une stratégie pays avec des engagements politiques de part et d’autre.’’
MISE EN ŒUVRE DES ENGAGEMENTS Le Congrès américain retarde le processus sur les DTS Par ailleurs, le Sommet pour un nouveau pacte financier envisage également de nouvelles règles sur la mobilisation des recettes. De nouvelles taxes vont ainsi être mises en place. Il en est ainsi de la taxation sur le commerce maritime qui, jusque-là, a été épargnée, de la taxation sur les transactions financières ou alors de la mise en place des marchés carbone volontaires qui sont aussi des mécanismes importants pour financer les projets de transition climatique dans les pays du Sud. Aux pessimistes qui pensent que ce sera juste un sommet de plus avec des engagements de plus sans lendemains, le diplomate rétorque : ‘’Ce n’est pas ce que nous pensons. Permettez-moi de revenir sur deux engagements dont on parle beaucoup. D’abord, il y a celui sur les 100 milliards de dollars de finance climat annoncés lors de la Cop 15 à Copenhague. Maintenant, c’est fait à partir de cette année. On est arrivé à ces 100 milliards de financements annuels des pays de l’OCDE vers les pays les plus vulnérables. Il faudra cependant attendre 2025 pour le voir dans les chiffres de l’OCDE. L’autre grand engagement, ce sont les 100 milliards de dollars de DTS qui doivent être réalloués aux pays en développement. Là également, ça a été fait. Il y a juste les États-Unis qui ont annoncé qu’ils vont le faire, mais se heurtent pour le moment à quelques difficultés de leur Congrès’’, souffle le diplomate qui estime qu’il faudra continuer dans ce sens pour montrer que la communauté internationale est bien capable de tenir ses engagements en vue de restaurer la confiance envers les populations. |
MOR AMAR (Envoyé spécial)