Publié le 29 Mar 2023 - 17:36
PAIN DE SINGE, SUCRE, MIL ET PÂTE D'ARACHIDE INTROUVABLES

Péril sur le ‘’ngalax’’ 

 

Avec la hausse du prix des denrées alimentaires, conjuguée à la pénurie notée depuis quelque temps sur certains produits, beaucoup de fidèles chrétiens ne comptent pas préparer la recette annuelle, culturelle, communément appelée "ngalax". Actuellement, toutes les denrées nécessaires à sa préparation sont rares ou très chères.

 

Au Sénégal, chaque année, chrétiens et musulmans partagent ensemble les repas pendant les fêtes telles que la Korité, la Tabaski, Noël ou Pâques. Comme à l’accoutumée, la fin du carême rime, au Sénégal, avec la préparation, par les chrétiens, du fameux ‘’ngalax’’ composé de ‘’thiakry’’, de pâte d’arachide et de jus de pain de singe, dont une bonne partie est distribuée aux parents et voisins musulmans.

Fruit d’une longue tradition, ce bel exemple de civilité entre fidèles chrétiens et musulmans s’est renforcé au fil des ans, jusqu’à avoir les allures d’une règle de bon voisinage à laquelle on ne saurait se dérober.

Ainsi, il est de coutume que les musulmans reçoivent des quantités importantes de ‘’ngalax’’ et qu’en retour, ils rendent la pareille à leurs voisins chrétiens, en leur offrant de la viande de mouton, à l’occasion de la Tabaski.

Cependant, cette année, beaucoup de musulmans risquent d’attendre en vain, puis de déchanter à cause du renchérissement et de la rareté des denrées nécessaires à la préparation du succulent "ngalax".

En effet, même s'ils sont disponibles dans les marchés, ils sont intouchables. Le kilogramme de pain de singe, qui coûtait 600 F CFA, est aujourd’hui vendu à 1 000 F CFA.  Celui de la pâte d'arachide est passé de 700 à 1 000 F CFA. De même, le kilogramme de sucre est vendu à 700, voire 800 F CFA. Pire, dans certains quartiers de Dakar, même si le client a l'argent, il ne voit pas le sucre. Car ‘’les boutiquiers l'ont confisqué’’, se plaint-on. Certains en vendent, mais en petites quantités, telles que les sachets de 250 g. Ils ne vendent presque plus le sucre par kilogramme.

‘’S'il n'y a pas de changement avant les Pâques, je ne pourrai pas faire du ‘’ngalax’’

Tata Thérèse Ndiaye, très navrée, soutient que ces Pâques sont exceptionnelles. "Au moment où chaque fidèle chrétien souhaite préparer son ‘ngalax’ et le partager avec ses voisins musulmans, les denrées sont devenues rares ou intouchables. Chaque année, j'ai l'habitude de préparer 25 l de ‘ngalax’ que je distribue aux voisins. Mais cette année, j'ai le cœur meurtri. S'il n'y a pas de changement avant les Pâques, je ne pourrai pas faire de ‘ngalax’. Je sais que mes voisins attendront leurs parts, mais peut-être qu'ils me comprendront", narre-t-elle.

À la place du ‘ngalax’, Tata Thérèse Ndiaye compte préparer un bon repas qu'elle va partager avec ses voisins. "Je ne veux pas passer les fêtes de Pâques sans faire la recette culturelle, mais on est obligé", se désole la quadragénaire rencontrée dans son lieu de travail.

Les mêmes sentiments de désolation animent Cécile, une mère de famille de la quarantaine qui a décidé de ne pas préparer le ‘ngalax’. "Quand je dois en préparer, il faut que j'achète comme d'habitude un sac de sucre, un seau de 20 kg de la pâte d'arachide, 50 kg de pain singe et 15 kg de mil pour pouvoir remplir huit bassines. C'est énorme. Imaginez aujourd'hui, si je veux acheter tout ça, après mes calculs, il me faut 108 250 F CFA", révèle la dame. Qui enchaine : "Je ne peux pas aussi préparer une petite quantité, parce que je ne peux pas donner aux uns et laisser les autres."

Actuellement, on note une pénurie de sucre en poudre un peu partout. Cécile soutient qu'elle est sure et certaine qu'après les Pâques, il y aura assez de sucre dans les boutiques. Selon elle, les vendeurs sénégalais ont une mauvaise attitude. Ils profitent, dit-elle, de chaque événement pour augmenter les prix. "Ils privent les citoyens des denrées de première nécessité au moment où ils en ont grandement besoin", regrette-t-elle.

Les raisons de la pénurie ou rareté du mil, du pain singe et de l’arachide 

Le partage du ‘’ngalax’’ est une tradition très importante pour les chrétiens. Cependant, malgré la cherté ou rareté des denrées alimentaires, certaines familles chrétiennes sont prêtes à faire leur ‘’ngalax’’, même si elles vont diminuer les quantités habituelles. ‘’Le partage du ‘ngalax’ est un moyen pour nous chrétiens de remercier nos voisins et nos amis musulmans qui ont partagé leurs moutons de Tabaski avec nous. Ce partage renforce également les liens existant entre chrétiens et musulmans. Je n'ai pas le choix. Je ferai le ‘ngalax’, même si je vais réduire la quantité habituelle", explique Marie-Jeanne.

La coïncidence du ramadan et le carême peuvent être à l'origine de la pénurie du sucre. "Pour notre part, on a fait les choses à l'avance.  On a tout acheté, bien avant le carême. Parce que, l'année dernière, lorsqu'il y a eu une coïncidence entre le carême et le ramadan, nous avons rencontré ce genre de situation", fait savoir Aimée de Dieu.

Ainsi, pour permettre aux Sénégalais de savourer le ’ngalax’, Tata Thérèse Ndiaye lance un appel au président de la République de tout faire pour baisser les prix, parce que, dit-elle, les chrétiens et les musulmans vivent actuellement une situation très difficile. 

Cette année, la récolte n'a pas été assez bonne, c'est pourquoi on assiste à une cherté des denrées. "Les agriculteurs imposent leurs prix. Ils ne négocient avec personne, parce qu'ils savent qu'il n’y en a pas beaucoup. Si un acheteur refuse de payer, un autre va accepter. Parce que la demande est largement supérieure à l'offre", explique Barhie Fall, un grossiste au marché Darkassé de Sicap Mbao.

En tant que grossiste, actuellement, il achète le bidon de 20 kg de pâte d'arachide à 18 500, voire à 19 000 F CFA. Et il dit le revendre à 20 000 ou 20 500 F CFA. "On risque d'arriver à une période où même si on a l'argent, on ne verra pas de marchandise".

FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)

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