Le péril jeune
Alors que lescas de contamination explosent, les jeunes payent un lourd tribut,avec descas graves et sévères et des décès.
Epargnés, lors des deux premières vagues de la pandémie, les jeunes le sont beaucoup moins, lors de cette vague menée par le variant Delta. Le chef du Service d’anesthésiste-réanimation de l’hôpital de Fann, Docteur Oumar Kane, leur demande de respecter les mesures barrières et surtout de se faire vacciner. Car, à son avis, le nombre de décès notifié par les services du ministère de la Santé n’est que la partie visible de l’iceberg. “On notifie les décès dans les centres de traitement épidémiologique, mais il y a plus que cela. C’est un virus très contagieux et virulent. Nous avons des formes assez sévères parmi les sujets jeunes. Les hôpitaux sont débordés.
Nous allons vers une situation de plus en plus difficile et critique pour le personnel de santé’’, alerte-t-il. Dans la même veine, l’infectiologue, Professeur Xavier Guèye, souligne qu’aujourd'hui, l'infection se fait dans le sens adulte-enfant. A l'heure actuelle, poursuit-il, la plupart des données scientifiques pointent que les jeunes sont plus impactés par la maladie. “Le plus étonnant est qu’on voit des jeunes sans comorbidité faire des formes graves et mourir. Il est temps que la population soit plus consciente. La situation est extrêmement grave pour les adultes et pour les enfants.
On a essentiellement des hypothèses. Sur la question de la charge virale, à priori, la majeure partie des études indiquent que la charge virale est égale, identique chez les adultes et chez les enfants’’, renseigne l’infectiologue. Le Pr. Guèye de dire que les personnes âgées de 20 à 30 ans sont hospitalisées à un rythme qui n'est pas beaucoup plus bas que celui des personnes de 50 à 60 ans. "Je pense que nous pouvons dire avec certitude que la maladie n’est plus bénigne chez les jeunes et il est clair qu’ils développent des formes très graves. C'est l'une des raisons pour lesquelles le renforcement de l'immunité collective chez les jeunes n'est pas une bonne stratégie. Il y a beaucoup de jeunes et cela signifie que beaucoup d’entre eux tombent malades et meurent", soutient le docteur Ibrahima Sall, responsable de CTE.
“38 % des personnes admises en soins intensifs ont entre 19 et 50 ans’’
La situation est surtout exacerbée par un déficit d’oxygène dans le pays. Le Dr Sall trouve qu’il est inacceptable qu’il y ait une seule centrale d’oxygène dans chaque CTE. “Il faut que l’Etat renforce cette capacité. Au moins qu’il y ait deux centrales dans chaque CTE, car ils sont actuellement sous tension. Trente-huit pour cent des personnes admises en soins intensifs ont entre 19 et 50 ans. Si nous voulons vaincre cette troisième vague, il faut renforcer tout le dispositif. Le problème de l’oxygène ne devrait pas se poser actuellement.
C’est vraiment déplorable’’, fustige le Dr Sall. Selon lui, il ne faut pas que les CTE soient transformés en mouroir. “Chacun doit prendre ses responsabilités. Il faut que le respect des mesures barrières soit obligatoire. Il ne faut pas accepter que les structures dédiées à la prise en charge soient transformées en mouroir. Vous avez vu le nombre de décès par jour. Nos cimetières reçoivent énormément de morts au quotidien. C’est
grave. Pour éviter cela, il faut que la population se vaccine tout en respectant les mesures barrières, que l’Etat renforce sa capacité de lutte à tous les niveaux, surtout concernant l’oxygène. On a même vu des enfants sous oxygène. On doit tout faire pour vaincre cette vague qui n’est pas prête de partir’’, recommande le Dr Sall. Cette revendication rejoint celle du chef du Service des maladies infectieuses de Fann, le professeur Moussa Seydi.
Ce dernier a évoqué, en réunion du CNGE, les tares de la prise en charge des patients covidés. Selon lui, il y a des problèmes d'oxygène au niveau des centres de traitement des épidémies (CTE) et cela peut être fatal aux malades. “Je le dis depuis plusieurs mois : un CTE ne doit pas avoir une seule centrale d'oxygène. Il faut toujours deux centrales d'oxygène. Nous, au niveau du Service des maladies infectieuses, nous en avons trois plus un back up de bouteilles d’oxygène. Parce qu'une centrale peut tomber en panne. Quand cela arrive, nous pouvons perdre des malades. Perdre une vie humaine que l'on pouvait sauver n'est pas quelque chose de banal’’, soutient le Pr. Seydi. Il invite à veiller à la qualité de l’oxygène également. Car, informe-til, il y a fréquemment et très souvent des pannes d'oxygène et ce n'est pas seulement à Fann.
“C’est arrivé à Dalal Jamm et ailleurs. Il faut absolument, et de manière définitive, régler ces problèmes d'oxygène qui peuvent exister durant la prise en charge’’, réclame le professeur Moussa Seydi. Invité à l’émission “Objection’’ sur Sud Fm, le ministre de la Santé et de l’Action sociale a soutenu qu’il n’y a jamais eu de ruptures d’oxygène dans les hôpitaux au Sénégal, depuis le début de la pandémie. “Dès le début, nous nous sommes inscrits dans une perspective de doter les CTE de centrales d’oxygène de production au niveau même de la structure. Et quand on a vu que le besoin en oxygène de cette pandémie est très important, on s’est fixé l’objectif de faire en sorte que tous les CTE soient dotés de centrales d’oxygène, et tous les hôpitaux sont dotés de centrales d’oxygène avec notamment 25 centres de santé qui sont dotés d’oxygène’’, a déclaré Abdoulaye Diouf Sarr. De plus, poursuit le ministre, pour parer à toute éventualité, ils contractualisent avec des structures qui produisent de l’oxygène pour en stocker, afin de venir éventuellement au secours, en cas de besoin.
“Un stock de plus de 100 mille mètres cubes d’oxygène disponibles’’
Pour lui, il n’y a pas à s’inquiéter pour l’oxygène. Des efforts sont faits et ils continueront de veiller à cela. “Présentement, en plus de la production endogène aux structures, nous avons un stock de plus de 100 mille mètres cubes d’oxygène qui sont aujourd’hui disponibles, capables de venir au secours, de manière permanente, des CTE”, précise-t-il. Mieux, Abdoulaye Diouf Sarr a annoncé que 35 centrales d’oxygène sont commandées et vont être livrées à partir du 12 août prochain.
Tout compte fait, le Programme de technologie appropriée en santé, dénommée Path, a engagé un projet de plaidoyer en direction des décideurs et de ses partenaires pour l’amélioration de la disponibilité de l’oxygène dans les structures de santé. Cela, au regard du rôle essentiel de ce produit dans la prise en charge des affections respiratoires, dont celles liées à la Covid-19. Le Path compte soutenir le Sénégal à améliorer la disponibilité et l’accès à l’oxygène dans les structures sanitaires. Pour le ministre de la Santé, la situation des hôpitaux est tendue parce que, du point de vue proportionnalité de la progression de la pandémie, c’est des cohortes de cas positifs de 500 à 700. Contrairement à l’échelle des deux premières vagues où on avait au maximum, par jour, 250 contaminations.
Pour lui, ce qu’il faut faire en ce moment, c’est appliquer cette stratégie et d’être flexible pour trouver toujours de l’espace aux Sénégalais qui en ont besoin. “Aujourd’hui, nous sommes dans une position où les hôtels ne seront pas réquisitionnés. Mais nous allons bientôt ouvrir des sites comme celui de Guéréw, du hangar des pèlerins disponibles et celui de Diamniadio. Mais aujourd’hui, des hôpitaux qui ne faisaient pas partie de la riposte au début de la pandémie pendant les deux vagues, sont versés dans la riposte, précisément l’hôpital Abass Ndao et celui de Pikine. Donc, notre système a cette force-là de flexibilité pour aller toujours rechercher les ressorts nécessaires pour soulager les Sénégalais’’, souligne-t-il. Par ailleurs, le professeur en virologie, Khassim Diallo, évoque un autre problème : celui de la Covid longue qui n’épargne pas les jeunes adultes. Cette forme traînante de l’infection respiratoire, explique le Pr. Diallo, gâche durablement la vie de nombreux malades. Pendant la première vague de l’épidémie, il
indique que la moitié des personnes âgées entre 16 et 30 ans, placées en quarantaine après un diagnostic de Covid-19, avaient encore des symptômes six mois plus tard. “Leurs signes cliniques allaient de la perte du goût et de l’odorat pour 28 % d’entre elles, par la fatigue pour 21 %, des difficultés à respirer pour 13 % et des problèmes de concentration pour 13 %. C’est ce qu’on appelle l’après-Covid. C’est pour cette raison qu’il faut se vacciner pour éviter les formes graves.
Parce que tous ces problèmes sont le résultat des formes sévères’’, renseigne le Pr. Diallo. Avant d’ajouter : “Le fait que des jeunes adultes ayant souffert de Covid soient à risque de difficultés respiratoires et de troubles cognitifs à long terme, souligne l’importance des mesures de prévention comme la vaccination’’, conclut-il. A son avis, le seul paramètre, maintenant, qui différencie cette vague des deux autres, est son niveau de contamination et sa virulence. “Ce qui rend les choses plus compliquées et plus difficiles pour nous, c’est le caractère exponentiel de la contamination proportionnellement à nos capacités d’introduction dans nos systèmes de nouveaux lits. C’est un décalage qui peut rendre très difficiles la réactivité et l’efficacité de la riposte… Mais la situation sera maitrisée’’, rassure le Pr. Diallo.
VIVIANE DIATTA