‘’La véritable menace pour la presse et la démocratie, c’est Pastef et Yewwi Askan Wi’’
Le secteur touristique sénégalais se porte de mieux en mieux. Dans cette interview accordée à ‘’EnQuête’’, le directeur général de l’Agence sénégalaise de promotion touristique (ASPT), Papa Mahawa Diouf, revient sur cette embellie, avec notamment le retour des vols charters en provenance notamment de la Belgique, du Luxembourg, du Royaume-Uni, mais surtout de l’Allemagne dont le marché fait partie des principales priorités, avec la Chine, le Nigeria et l’Amérique du Sud. Dans cette stratégie d’attirer davantage de touristes sur le marché international, le sport en général, le football et Sadio Mané en particulier semblent être des alliés incontournables. Coordonnateur du pôle Communication de la coalition Benno Bokk Yaakaar, M. Diouf est également revenu sur les questions politiques brûlantes de l’heure.
Comment se porte la destination Sénégal, au sortir de la pandémie ?
Aujourd’hui, le tourisme mondial se porte mieux, parce que le trafic a repris. La situation revient à la normale un peu partout dans le monde. Au Sénégal, cette année déjà, du point de vue du trafic aérien, on va retrouver le trafic d’avant la Covid-19. Du point de vue de l’activité, le secteur a fait preuve de résilience, avec l’appui de l’État qui a mobilisé pas moins de 77 milliards F CFA pour le tourisme et le transport aérien. Cela a permis de faire face à la crise avec le moins de dégâts possible. Aussi, il y a le développement du tourisme interne avec l’initiative Tamou Sénégal qui a permis de constituer un matelas de sécurité pour le secteur et de mettre fin à la saisonnalité, parce que les Sénégalais voyagent à l’intérieur du pays et font vivre le secteur.
Concrètement, comment se traduit cette embellie du secteur en termes de chiffres ?
Il y a le retour du trafic aérien. Quand on dit que l’on retrouve la situation d’avant pandémie, c’est-à-dire entre 1,5 et 2 millions de passagers qui viennent par l’aéroport, cela donne une idée du retour du trafic. On sait aussi que les hôtels au niveau de la Petite Côte, cet été, ont eu un niveau de fréquentation particulièrement élevé, grâce notamment à l’organisation de certains événements comme le tournoi de handball. Certains ont eu du mal à trouver des places au niveau des réceptifs. Les arrivées touristiques internationales au Sénégal sont remontées à 70 %, voire plus par rapport au niveau d’avant pandémie. Nous avons aussi de nouveaux vols qui ne venaient plus depuis 15 ans, des vols charters en provenance de la Belgique, du Luxembourg, du Portugal, du Royaume-Uni, mais surtout le retour de trafic venant d’Allemagne. Il y a notamment Tui Allemagne qui a fait du direct Allemagne - Sénégal, en amenant de nouveaux touristes qui viennent directement. Tout cela montre que les perspectives sont bonnes.
Qu’est-ce qui peut expliquer cet attrait pour le Sénégal, selon vous ?
D’abord, le Sénégal est une destination Safe, qui jouit d’une certaine crédibilité sur le plan international. Il faut aussi saluer la qualité des services offerts par les acteurs qui rassurent les opérateurs. Nous avons montré qu’à travers la formation, la mise à niveau dans tout le secteur, que notre tourisme est prêt à accueillir des touristes dans les conditions de sécurité, des conditions sanitaires acceptables… C’est le moment de saluer les efforts consentis pour maintenir ces personnels de qualité dans le secteur. Dans la plupart des pays, nous avons vu un départ massif des ressources humaines à cause des difficultés. Nous avons pu l’éviter grâce notamment à l’accompagnement du gouvernement qui a financé le chômage technique, soutenu les entreprises.
Une chose est d’attirer des touristes, mais c’en est une autre de les fidéliser, de leur donner envie de revenir. Qu’est-ce qui est fait à ce niveau ?
Oui, nous accordons une place très importante à la qualité du service. Il faut savoir que c’est cette qualité qui va faire que le touriste a une bonne expérience de sa visite et pourrait avoir éventuellement le besoin de revenir. Pour le réussir, il faut travailler sur toute la chaine de valeur. Nous faisons des efforts à tous les niveaux pour notamment renforcer la capacité des acteurs. Cette année, en partenariat avec la Banque mondiale, 200 agents ont été formés par rapport à ces problématiques. Ils sont des chauffeurs de taxi, des guides touristiques, des hôteliers, des gérants de campement… Nous les avons regroupés dans le Sine-Saloum, pour renforcer leurs capacités dans ces domaines.
De plus, sur tous les sites touristiques, nous avons mis des dispositifs d’accueil qu’on appelle le Welcoming, depuis l’aéroport. L’idée, c’est de renforcer l’accueil, l’orientation et l’information des visiteurs. Il s’agit tout simplement de développer une véritable culture ‘’teranga’’ sur tous les sites importants. Ils sont sur tous les sites importants : le monument de la Renaissance, Gorée, AIBD, Cap Skirring, Ziguinchor. On va essayer de les installer sur tous les autres sites importants. Ces points ont pour but d’informer le visiteur sur la destination, les acteurs, les expériences touristiques possibles, sur la sécurité, la santé…
Tout ça concourt à développer un environnement qui va contribuer à améliorer l’expérience du visiteur.
Qu’en est-il du parc hôtelier ? N’y a-t-il pas une urgence à classifier les réceptifs pour au moins savoir qui est qui ?
En ce qui concerne la classification, il y a eu des initiatives, il y a le code qui va être adopté. C’est une des priorités. Pour le parc hôtelier, il faut reconnaitre qu’il s’améliore. Il y a eu, entre autres, l’investissement de RIU qui va faire un autre investissement à côté et qui va être plus important, avec 2 000 chambres projetées. D’autres investisseurs sont également attendus…
Toujours dans le balnéaire ?
Le balnéaire est une porte d’entrée importante. L’investissement est un produit d’appel, mais une fois que le touriste est sur place, il ne reste pas que sur la plage. Il va découvrir tout ce qu’il y a autour, en termes d’écotourisme, de tourisme d’aventure, de tourisme de mémoire… Donc, le balnéaire est une porte d’entrée qu’il faut consolider.
On vous a vu dans certains pays émetteurs comme la Belgique faire la promo de la destination. Envisagez-vous d’investir d’autres marchés ?
En vérité, il y a au Sénégal un marché classique. Contrairement à ce que l’on peut penser, la première zone pourvoyeuse de touristes au Sénégal, c’est l’Afrique, avec environ plus de 70 % des touristes. Pour les arrivées extérieures, plus de 50 % nous viennent de la France et de la Belgique. Ce sont donc des marchés importants à consolider. À côté, il faut faire beaucoup de prospection sur d’autres marchés. Dans notre ligne de mire, il y a la Chine. C’est certes éloigné, avec beaucoup de destinations intermédiaires, mais nous estimons que nous avons des cartes à faire jouer. Il y a aussi l’Europe de l’Est qui est une cible, de même que l’Amérique du Sud qui est juste à côté. Il y a donc pas mal de perspectives. Mais il ne faut pas oublier, nous sortons de la crise, il fallait faire face, notamment par le développement du tourisme interne, ensuite préparer la relance avec pas mal de financements octroyés. Enfin, il y a la phase de reconquête et de réouverture. Nous y sommes déjà et nous y travaillons. Dans cette perspective, il faut continuer de consolider les acquis de la crise, avec le maintien de la dynamique du tourisme interne. Nous allons essayer de développer cette dynamique dans la sous-région, ainsi que dans toutes les grandes capitales où nous avons une forte communauté sénégalaise.
Pour le marché sous-régional, nous estimons qu’il y a pas mal d’opportunités à saisir, non seulement en raison de la facilité des déplacements, mais aussi dans le domaine du tourisme religieux, par exemple, avec des pays comme le Nigeria, le Tchad, le Niger. Nous comptons également davantage vendre le produit : le tourisme religieux comme je l’ai dit, le tourisme de nature, le tourisme mémoriel, avec l’ouverture de la ligne sur New York, naturellement le balnéaire avec tous ses dérivés. Cela requiert également un environnement agréable.
Dans cette perspective, nous avons noué un partenariat avec la Sonaged, dans le cadre de l’initiative ‘’Plages propres’’.
Où en est le projet Akon City qui a essuyé beaucoup de critiques ? Cela a-t-il fait pschitt ?
Bon, vous pourrez voir avec mon homologue de la Sapco, mais je peux vous dire, d’ores et déjà, que c’est en bonne perspective. Maintenant, tout projet ambitieux fait l’objet de controverses. À mon avis, il faut faire confiance à notre confrère, qui veut investir et attirer l’investissement dans son pays. Il faut rester positif. Ce qu’il faut retenir, c’est que tout ça entre dans le cadre d’une bonne dynamique. Vous savez, on est resté 40-50 ans sans aucun nouvel aménagement de zone touristique. En moins de 10 ans, nous avons non seulement aménagé et attirons des investisseurs. C’est le plus important.
Il y a la Coupe du monde qui cristallise un peu les attentions et le Sénégal y était d’ailleurs engagé. Nous avons aussi notre Sadio Mané. Comment le tourisme peut-il profiter des événements de ce genre ?
On a la chance d’avoir des équipes nationales qui brillent partout en Afrique et dans le monde, et attirent les regards du monde entier. Il faut savoir que la Coupe du monde, c’est environ la moitié de l’humanité qui regarde, soit environ 4 milliards d’individus. Cette exposition est une forme d’opportunité pour vendre le Sénégal. Nous avons la chance d’un secteur qui monte en gamme et des opportunités de l’exposer. Nous nous y attelons, avec notamment une attention particulière pour un pays comme l’Allemagne où nous étions absents pendant quasiment plus de 15 ans. Nous y retournons dans un contexte où le football et Sadio Mané ont réussi à rapprocher les deux pays et leurs peuples. Avec l’accompagnement de la Fédération sénégalaise de football qui est un partenaire, nous essaierons de vendre la destination à travers notamment nos champions.
Parlons de politique et de la 14e législature. Après seulement deux mois de mandature, les députés de cette législature ont réussi la prouesse de faire entrer la gendarmerie dans l’hémicycle, deux d’entre eux ont passé à tabac une femme. Cela ne présage-t-il pas de la pire législature de l’histoire du Sénégal ?
Il faut observer avec lucidité. Allons jusqu’au bout de l’historique de cette législature pour comprendre cette agression abjecte de cette femme qui a eu le malheur de dire ce qu’elle pense. Malheureusement, dans ce pays, aujourd’hui, on peut risquer d’être agressé en disant ce qu’on pense. Pour la première fois, on a une opposition aussi violente, d’abord dans le discours ; et c’est cette violence verbale qui a débauché aujourd’hui sur cette agression. Rappelons-nous, c’est cette opposition qui avait dit ici que si sa volonté n’est pas respectée, il n’y aurait pas d’élection ; des gens de cette opposition avaient dit, si on les appelle en justice, il faut livrer un ‘’Mortal Kombat’’, parce que, je le cite : ‘’Le jour de mourir, ce n’est pas le jour de vivre.’’ Ce sont ces gens qui ont osé dire ici que le président de la République n’aime pas les Diolas. Nous avons laissé tellement de choses passer...
C’est pour cela que nous appelons tous les démocrates à être debout et à faire face à ces ennemis de la démocratie.
Ils pourraient quand même vous reprocher la même violence verbale, mais aussi des provocations comme celle de Farba Ngom qui a décidé, à l’installation, de voter par la force pour une députée qui n’était pas là ?
La députée en question avait bel et bien fait une procuration qu’elle avait donnée à Farba Ngom…
Une procuration qu’elle a ensuite révoquée ?
Comment elle l’a révoquée ? Par acte administratif ? Non, il faut qu’on soit sérieux. Elle avait, dans les mêmes conditions que tous les autres, fait une procuration à Farba Ngom. La preuve, elle n’est pas allée trop loin sur ce sujet. En dehors de ça, la violence, d’où qu’elle vienne, il faut la dénoncer. Mais les agressions multiples, répétées contre nos institutions et fondées sur des mensonges, sont l’œuvre de cette opposition. Il ne faut pas oublier que M. Sonko a dit ici que M. Maham Diallo est très proche de la ministre des Affaires étrangères, qu’il aurait même donné le nom de la ministre à son enfant. Et il n’a même pas pris la peine de venir s’excuser devant le peuple.
Ce qui se passe aujourd’hui est scandaleux ; il y a un groupe de quidams qui considèrent que sur le mensonge, la manipulation sur la violence inouïe qu’on n’a jamais vue dans notre démocratie, ils peuvent conquérir le pouvoir. L’État doit prendre toutes les mesures pour protéger les citoyens et la démocratie. S’il ne le fait pas, il est en faute.
Que faudrait-il faire pour éviter le pire ? Est-ce que le président de la République ne devrait pas appeler son opposition pour trouver des moyens d’éviter des blocages ou des cas de violence extrêmes ?
D’abord, il faut se dire la vérité. La vérité, c’est que la violence sur une femme de cette manière montre le niveau de bassesse de l’opposition actuelle dans sa compréhension du fonctionnement des institutions. En dehors de ça, c’est au peuple sénégalais de défendre sa démocratie. Vous savez, les hommes politiques sont des groupes qui défendent leurs intérêts, mais ceux qui décident, c’est les Sénégalais. Si le Sénégal est ce que beaucoup considèrent comme une exception, ce n’est pas venu ex nihilo, c’est parce que les pères fondateurs qu’on veut fusiller ont fait un travail extraordinaire pour que nous soyons les citoyens que nous sommes aujourd’hui. Nous devons défendre ce legs avec la même ardeur, la même détermination et la même passion que ces pères fondateurs.
Ne faudrait-il pas dialoguer pour éviter le pire ?
Le dialogue a toujours été la règle dans notre pays. Mais il faut avoir des prédispositions pour le dialogue. Le dialogue, ce n’est pas les injures, ce n’est pas les violences, ce n’est pas les manipulations en permanence. Hier (avant-hier, NDLR), le n°2 du Pastef nous a appris qu’il y avait un document qui a été perdu dans le bureau du juge. Le propre avocat de son leader l’a démenti dans la soirée. C’est extraordinaire, à ce niveau de responsabilité. Il faut que les journalistes, les observateurs, la vraie société civile se lèvent. Sinon, ce que nous avons comme acquis, nous pouvons le perdre. Il est quand même impossible qu’on veuille réduire le destin du Sénégal à une histoire de robe rouge, de faiblesse d’un moment.
Vous faites allusion à l’affaire Ousmane Sonko. C’est une affaire qui a quand même occasionné une dizaine de morts. Dans d’autres pays, quand cela se produit, on fait recours à des structures indépendantes pour mener l’enquête ou même dire le droit. N’était-ce pas plus judicieux, pour mettre à l’aise tout le monde et ne pas risquer de rendre des décisions qui ne mettraient d’accord que ceux qui en bénéficient, d’adopter cette méthode ?
Une commission indépendante pour trancher une affaire purement privée…
Et qui a occasionné la mort d’une dizaine de personnes.
Le scandale, ce n’est pas dans nos institutions. Le scandale, c’est que c’est pour une affaire purement privée. C’est ça la manipulation. Le vrai complot, c’est celui-là. Comment on peut arriver à faire en sorte que, sur une affaire privée, d’abord, provoquer la mort de ces jeunes, mais aussi arriver à faire croire que ce sont les institutions le problème. Comme je l’ai toujours dit, moi, je ne suis jamais à l’aise de parler de cette affaire purement privée. Mais il faut aussi que les gens nous respectent. Avec tous les enjeux qui se posent, on ne peut pas réduire le pays à une affaire de robe rouge. Il faut qu’on se réveille à un moment donné. Avec tout ce qu’incarne le Sénégal en matière de démocratie, arriver à mobiliser toutes les énergies pour une histoire qui ne concerne que deux individus, c’est un échec incroyable.
Certains diront que si on avait une justice au-dessus de tout soupçon, les accusations de complot n’auraient peut-être jamais prospéré et tout le monde aurait attendu que les juges disent le droit.
Vous pouvez le retourner dans tous les sens, nous sommes dans une affaire purement privée. Cela ne peut rien à voir avec l’indépendance de la justice. Il faut être très imaginatif pour nous faire croire que cette affaire, qui s’est passée dans un endroit privé, avec deux personnes privées, à avoir avec la justice. Il ne peut y avoir aucun rapport. Il faut que nous nous réveillions et qu’on arrête ce jeu. S’il y a un vrai complot, c’est celui-là.
À côté de ce dossier, il y a aussi celui du journaliste Pape Alé Niang. Ne voyez-vous pas que c’est une affaire qui vous dessert plus qu’elle ne vous serve ?
On peut l’interpréter comme ça. Peut-être, si on avait le choix, il ne serait pas en prison. Parce que comme vous l’avez vous-même dit, peut-être ce n’est pas notre intérêt. Mais nous n’y pouvons rien. C’est la loi, elle est là pour tout le monde. Pape Alé, pour plusieurs raisons, je ne souhaite pas qu’il aille en prison. Ceux qui connaissent la nature de nos relations comprendront. Pour rien au monde, je ne souhaiterais pas qu’il aille en prison.
Violation du secret défense… N’est-ce pas trop léger pour mettre quelqu’un en prison ?
Je ne pense pas que c’est la raison. Le motif est autre, je ne sais pas exactement. Là où je suis d’accord avec vous, c’est que c’est gênant pour une démocratie comme la nôtre. Si on avait le choix, il ne serait pas là. Mais ce n’est pas parce que c’est gênant pour le régime qu’il faille tordre le bras au droit pour qu’il ne soit pas en prison.
Il y en a quand même qui disent que respecter le droit, c’est le faire libérer…
Je laisse ça à ceux qui savent interpréter le droit. Par contre, je peux dire que Pape Alé Niang a été un très grand journaliste, jusqu’au jour où il a décidé de servir les intérêts de Pastef, en perdant toute sa neutralité. Ce que je dis là n’a rien à voir avec le dossier judiciaire. Ce qu’il fait n’a rien à voir avec le métier de journalisme. On peut le considérer comme un politicien qui passe son temps à défendre ses amis.
Pourtant, le président avait dit qu’il ne mettrait jamais un journaliste en prison. Ne s’est-il pas dédit sur ce coup ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est gênant pour le Sénégal d’avoir un journaliste en prison. C’est d’ailleurs comme ça qu’il faut comprendre le propos du président. Mais ce n’est que son souhait ; ce n’est pas lui qui dit le droit. La vérité est que jamais dans l’histoire du Sénégal, on a autant fait pour la liberté de la presse. Dans les régimes précédents, on a vu des sièges d’entreprises de presse saccagés, des journalistes poursuivis. On a vu des amendes exorbitantes sur des maisons de presse pour les affaiblir… Il n’y a que dans le régime actuel où c’est l’opposition qui violente des journalistes dans des manifestations, devant le silence de tous les observateurs, y compris de la société civile ; il n’y a que dans ce régime que Pastef et la coalition Yewwi peuvent envoyer des nervis saccager des entreprises de presse sans que personne n’y trouve à redire ; il n’y a que dans ce régime où lorsqu’un journaliste donne une opinion contraire à celle de Yewwi et de Pastef, on l’insulte, on le menace et on le traite de tous les noms d’oiseaux. La menace contre la liberté d’expression et de la presse n’est pas du côté du pouvoir, elle est du côté de Pastef et de la coalition Yewwi Askan Wi. Ne pas le dire, c’est une faute. Et les gens qui gardent le silence aujourd’hui ont rendez-vous avec l’histoire. C’est ça la vérité.
Avec tout ce qui s’est passé en 2012, la mort de Mamadou Diop et d’autres citoyens, est-ce que ce n’est pas un peu gênant pour vous d’entendre des gens de votre régime défendre la possibilité pour le président Sall de briguer un autre mandat ?
Vous avez raison sur une chose : le Sénégal a dépassé la situation où la question du mandat doit primer pour les Sénégalais. Parce que dans ce pays, il y a des conditions communes à tous. Il faut avoir minimum 35 ans, maximum 75 ans, jouir de tous ses droits civiques, déposer un dossier avec un certain nombre de parrainages et c’est le Conseil constitutionnel qui valide ou invalide. Personne ne peut douter que ce sont les Sénégalais qui vont élire leur président…
Vous semblez avoir oublié la première condition : ne pas avoir fait plus de deux mandats consécutifs ?
Si vous voulez. Mais c’est le Conseil constitutionnel qui a la prérogative de valider ou d’invalider. Pour moi, le plus important, c’est la stabilité de ce pays, le développement de ce pays, continuer le développement de l’agriculture, renforcer la sécurité… Le peuple sénégalais va choisir qui va le diriger. Il le fera par les urnes, pas par un ‘’Mortal Kombat’’.
Certains estiment que si vous vous arcboutez comme ça à cette possible candidature, c’est que vous pensez qu’il n’y a pas d’alternative dans votre coalition ?
Pour moi, tout ça est très prématuré. Ce qui est sûr, c’est que peut être candidat quiconque remplit les conditions fixées par la loi. Certains qui ont même des dossiers devant la justice se sont déclarés candidats… (Rires). Personne ne sait s’ils pourront ou non faire partie de ces élections. Chacun a le droit. D’ici aux élections, il y a encore beaucoup de temps.
Comment voyez-vous l’avenir de cette coalition ?
Cette coalition a été bâtie pour construire le Sénégal. Là aussi, il faut dire aux plus jeunes qu’avant BBY, jamais on n’avait vu dans ce pays un président de la République qui accède au pouvoir accepter, dans sa démarche avec les autres leaders, de partager la gestion du pays, d’opter pour une gestion inclusive marquée par le dialogue. La même démarche a permis l’agrandissement de la coalition avec de nouveaux acteurs. Naturellement, je pense que la marche de la démocratie appelle à chaque étape de se réajuster pour améliorer le service au bénéfice du peuple sénégalais.
Certains alliés ne sont-ils pas devenus des boulets, si l’on sait qu’ils ne pèsent plus grand-chose sur le plan électoral ?
Justement, il faut plutôt se demander pourquoi cette coalition est la coalition qui a eu la plus grande longévité de l’histoire, la plus large de l’histoire. Vous savez, les facteurs qui divisent les coalitions, c’est quand les intérêts particuliers prennent le dessus sur les intérêts généraux. Ici, nous avons de vrais patriotes qui ont de l’expérience, aussi bien de l’État, de la politique et des relations internationales. Prenons le cas de Moustapha Niasse : homme d’État redoutable, homme politique d’envergure… Par la grâce de Dieu, il garde une lucidité extraordinaire. Quel apport pour le pays ! Qui peut croire que ce sont les lambris dorés du pouvoir qui le poussent à continuer de s’engager ! Pareil pour Me Aissata Tall Sall, Idrissa Seck… Ils ont choisi de mettre en avant le Sénégal, avant même leur propre destin individuel. Je pense qu’il faut plutôt le saluer. Je pense qu’il faut plutôt s’interroger sur le projet des autres qui menacent de fusiller les pères fondateurs.
N’avez-vous pas été frustré par votre absence du dernier gouvernement, comme certains l’ont prétendu ?
Nous ne pouvons pas être frustrés par la non-présence dans un gouvernement. Rien dans notre parcours, dans notre formation, nos prédispositions, ne peut nous mener vers une telle frustration. Nous sommes engagés en politique par conviction, par sociologie et par éducation. Les valeurs pour lesquelles nous sommes engagés dépassent des positions et des prébendes. Nous sommes au service d’une cause, sans aucune condition. Grâce à Dieu, nous avons pu aller dans les universités qu’il fallait, avons eu à bénéficier d’une bonne formation et avons eu des expériences professionnelles en dehors de la politique.
Notre engagement politique ne peut donc être conditionné à un quelconque privilège. Partout où nous serons, nous essaierons de donner corps à la vision du président de la République, parce que nous y croyons, parce qu’il est le meilleur pour ce pays.
PAR MOR AMAR