Publié le 6 Aug 2015 - 20:36
PELERINAGE AVORTE DU CHEF DE L’ETAT AU PAVILLON A

Les actuels occupants de la chambre 168 entre déception et amertume 

 

L’annulation de la visite du président de la République Macky  Sall à la chambre 168 du pavillon A, le vendredi dernier, a créé un sentiment de frustration et de regret chez les actuels locataires. Ces derniers dénoncent le comportement de leurs camarades qui ont empêché cette visite hautement symbolique.

 

Trois jours après le passage du Chef de l’Etat Macky Sall à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le couloir H du bâtiment peint en bleu et blanc (Pavillon A) a retrouvé son ambiance habituelle. Les forces de sécurité qui y veillaient sont parties. Ceux qui y logent et qui étaient délogés pour l’occasion sont de retour. Assis sur des matelas, ces étudiants forment de petits groupes. Malgré le bruit qui règne sur les lieux, certains dorment sans gêne. Ainsi, pour atteindre la fameuse chambre 168, il faut se faufiler entre ces nombreux ‘’sans abris’’, sous leur regard détendu.

A l’intérieur, certains font leurs exercices, d’autres regardent une télévision posée sur une petite table avec une antenne intérieure qui ne garantit pas la réception de belles images. Ici, tout le monde est déçu de la tournure des évènements. Les successeurs du président étaient prêts à l’accueillir avec beaucoup d’enthousiasme. Mais aujourd’hui, c’est un sentiment de désolation et de frustration qui les animent.  Ces  pensionnaires de l’Institut national supérieur de l’éducation populaire et sportive (Inseps)  estiment que c’était un grand honneur pour eux de recevoir la première institution de la République.

Modou Diop déclare : ‘’Nous étions prêts à l’accueillir. Nous avions prévu de lui exposer tous les problèmes que nous et nos camarades étudiants rencontrons et non nos difficultés personnelles.’’ Les manifestants qui ont jeté les pierres sur le cortège présidentiel lors de sa venue au campus social ne semblent avoir aucun soutien au sein de leurs condisciples de l’Ucad. Les condamnations ne tarissent toujours pas. Les locataires de l’ancienne chambre d’étudiant de Macky Sall ont été plus affectés car ils avaient rendez-vous avec l’histoire.

Mais voilà qu’un groupe de perturbateurs est venu briser leur rêve. ‘’On peut dire que ça aurait été un grand plaisir de vivre ces moments avec le président qui voulait nous honorer. C’est une référence pour nous car revenir ici trente ans après, en tant qu’ancien étudiant devenu chef d’Etat, c’était pour nous une leçon de vie. Cela veut dire que nous devons travailler comme lui et nous dire que la réussite est possible. Il était là, dans les mêmes conditions, mais aujourd’hui, il est au sommet du succès‘’, soutient Mouhamed Boubane. Il invite par ailleurs ses camarades à changer de méthodes de lutte car pour lui, on doit arrêter de revendiquer par la violence. ‘’On a vécu des moments très difficiles certes avec la mort de Bassirou Faye, mais ce n’est pas une raison pour saboter la visite du premier des Sénégalais qui était venu nous écouter pour trouver ensemble des solutions à nos préoccupations’’, conclut l’anglophone en formation.

Boubane et ses camarades expriment le souhait de rencontrer le Chef de l’Etat. Ils auraient aimé que cela soit dans la chambre à laquelle ils l’ont succédé. A défaut de ça, ils gardent l’espoir d’avoir une audience avec lui. Selon Modou Diop, il doit revenir faire son pèlerinage. ‘’Sa venue peut être une source de motivation pour tout étudiant désireux d’aller de l’avant. S’il ne revient pas, nous allons lui écrire une demande d’audience, mais malheureusement pour le moment on ne sait pas par quelle voie passer.’’

La visite du leader de l’Alliance pour la république (APR) au pavillon A n’était pas seulement une affaire de ceux qui vivent dans la chambre 168. Leurs voisins partageant le même couloir se sentaient aussi concernés. Dans la chambre d’en face, El hadji Sokhna et ses camarades sont en pleine sieste à cette heure de pause. Il est difficile de trouver où s’asseoir dans ce local étroit avec les deux lits qui occupent plus des deux tiers de sa superficie totale. Un vieux ventilateur essaye d’atténuer la chaleur qui se dégage dans la pièce qui a dépassé largement sa capacité d’accueil.

Les personnes trouvées sur place condamnent sans ambages les événements qui ont conduit à l’annulation de leur rendez-vous avec le Président. Ils soutiennent que les étudiants ont raté une occasion unique pour exposer leurs problèmes au chef de l’Etat sans intermédiaire. ‘’Je me sentais concerné, très content car c’est le premier président à visiter l’Ucad. Si les trois qui l’ont précédé à la tête de l’Etat avaient fait comme lui, l’Université ne serait pas aujourd’hui dans cet état où elle se trouve’’, se désole l’étudiant Sokhna. Il explique que l’annulation a été une grande déception pour lui et ses amis. ‘’Je suis d’autant plus déçu que je figurais sur la liste de ceux qui devaient prendre la parole devant le président.’’ Le philosophe en herbe va jusqu’à présenter ses excuses à Macky Sall et demander aux autres de faire autant. Selon lui, l’image de l’étudiant sénégalais est ternie dans le monde entier. 

ABDOURAHIM BARRY (STAGIAIRE)

 

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