Publié le 29 Aug 2014 - 22:33
PERSONNEL SANS FORMATION

Un système, des intrus

 

Nombre insuffisant, diplôme inadéquat, absence de formation. Le personnel enseignant dans l’éducation mérite une réforme en profondeur. Le niveau des élèves est partout décrié de nos jours. Il n’est pourtant pas exagéré de dire que ce n’est que le reflet des professeurs. Les mesures prises par les autorités pour résoudre le problème ne semblent pas convaincre.

 

Les résultats dans les différents cycles ne sont que la traduction de l’état dans lequel se trouve le système. La qualité de l’enseignement est d’abord et avant tout intimement liée à celle des enseignants. Un coup d’œil sur les statistiques du personnel enseignant permet de mieux comprendre l’état de déliquescence du système. Dans la plate-forme revendicative des syndicats, le niveau et la formation des enseignants figurent en bonne place. Les chiffres montrent qu’il y a urgence à agir en ce sens.

Par rapport à leur nombre, un document de la COSYDEP renseigne que le pays connait un déficit de 6124 enseignants, en plus des 5321 (soit 9,7%) qui sont hors des classes. Sur le niveau, jusqu’en 2011, il était possible de postuler au volontariat avec le BFEM. C’est maintenant que le Bac est exigé, grâce à un arrêté du ministre Kalidou Diallo. Ainsi, en 2013, 54% des intervenants dans le cycle primaire ont le BFEM. Les titulaires du Bac sont à 41,7%.

Plus que le diplôme, la formation est aussi une autre équation. Kalidou Diallo soutient avoir fait beaucoup d’efforts sur ce point. Quand, en 1995, le gouvernement décidait d’instituer le corps des volontaires, Kalidou Diallo était le secrétaire général du Sudes. Le syndicat avait porté plainte contre l’Etat du Sénégal auprès du Bit. C’est lui-même qui avait déposé la plainte. Devenu ministre, en 2008, il se trouve dans le choix cornélien de devoir appliquer les politiques qu’il avait combattues. M. Diallo affirme avoir introduit une première réforme en 2009. Avant, les volontaires suivaient une formation de 5 mois et sortait avec une attestation. Désormais, il faut, après une formation de 9 mois, passer par un examen de fin d’études avant un quelconque ordre de service. ‘’Beaucoup ont été recalés dans les EFI’’, révèle-t-il.

En 2010, Kalidou Diallo sort un arrêté (7910) qui supprime le quota sécuritaire et organise un examen national. C’est celui des élèves-maîtres qui connaît actuellement un scandale de fraude qui n’a pas encore fini d’être vidé. En même temps, le volontariat est supprimé et, à la place, est créée la Direction de la formation et de la communication. A tout cela, il faut ajouter la formation continue ou diplômante pour les maîtres contractuels et la création des Centres régionaux de formation du personnel enseignant qui regroupe les pôles régionaux et les Ecoles de formation des instituteurs (EFI). Toute une série de ‘’réformes’’ qui fait dire à Kalidou : ‘’nous étions sur la bonne voie’’.

Pourtant, les acteurs ne semblent pas être sur la même ligne que lui. Tous lui reconnaissent d’avoir porté la formation à une année, ‘’théoriquement’’. En effet, Cheikh Mbow de la COSYDEP affirme que l’année n’est pas effective sur le terrain. Elle se situe entre 5 et 6 mois actuellement. Le coordonnateur du Grand cadre des syndicats d’enseignants déplore le fait que cette formation s’étale sur deux années scolaires (mars-décembre). Quant au Sudes, il veut que cette formation dure au moins deux ans, la dernière étant consacrée à l’alternance théorie/pratique.

La formation diplômante, non plus, n’inspire  confiance. M. Mbow trouve que le suivi n’est pas assez soutenu. Il préconise qu’au-delà des cours de la Fastef à distance, il y ait un tuteur (inspecteur) pour aider l’enseignant. M. Diaouné lui trouve que le dispositif n’est pas fiable.

 45,4% des enseignants ont des diplômes non identifiés

Par ailleurs, il faut croire que le mal a été trop profond ou que alors le nombre d’enseignants pris en charge par toutes ces initiatives du ministre est dérisoire par rapport aux besoins. Dans les cycles moyen et secondaire,  en 2013, c’est-à-dire après cinq ans de mise en œuvre de toute cette politique, le diplôme professionnel n’a pu être identifié que pour 54,6% des enseignants. Les 45,4% autres ont des diplômes non identifiés. ‘’Ce fort pourcentage est dû au fait que plus de 60% des enseignants sont des contractuels ou des vacataires, et, en plus, la plupart n’ont pas encore reçu de formation à la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF) afin de passer l’examen professionnel’’, explique-t-on.

A propos du niveau d’études, 92,7% des enseignants ont au moins le Bac. Mais, curieusement, il y a 4,4% parmi eux qui n’ont que le BFEM. ‘’Il s’agit souvent des chargés de cours’’, précise le rapport 2013 du ministère. 2,8% ont des diplômes inconnus des experts du ministère. Ces derniers les appellent des diplômes indéterminés. Il se pose alors une question de taille à ce niveau, surtout pour les 4,4% professeurs qui ont le BFEM. Comment un enseignant peut-il donner des cours à un élève qui postule au dernier diplôme qu’il a lui-même obtenu ? Un titulaire d’un diplôme inconnu du ministère peut-il valablement être un enseignant ? Tout compte fait, cela donne près de 7 enseignants sur 100 dont le diplôme est problématique, sans compter la formation.

Aux diplômes et qualification des enseignants, il faut ajouter leur état d’esprit : les interminables grèves. Au Sénégal, le quantum horaire est fixé à 900 heures. D’aucuns soutiennent que l’idéal est d’avoir 1000 heures remplies par an. Or, avec les nombreuses mouvements, on estime que les élèves sont dans les classes pour une durée de 600 tours d’horloge, et encore ! Bref, il y a là tout un cocktail explosif qui fait que le résultat ne peut être autrement.

Un environnement scolaire défectueux

La qualité des enseignants est certes un facteur important pour avoir de la qualité à l’école, mais elle n’est pas le seul. D’autres éléments sont aussi à prendre en compte. C’est par exemple l’environnement scolaire. Au Sénégal, dans le cycle primaire, seuls 22,4% des élèves au niveau national fréquentent des écoles à cycle complet. Ce qui veut dire qu’à la moindre difficulté, l’enfant pourrait être condamné à quitter le système. Selon la COSYDEP, il y a eu 6737 classes multigrades en 2012. ‘’Si l’on considère une moyenne de  45 élèves par classe, 303 165 apprenants n’ont pas accès à des conditions d’apprentissage leur permettant d’être performant’’. Il s’y ajoute qu’il n’y a que 36,4% d’écoles primaires publiques clôturées dont 77,2% uniquement sont en mur.

Toujours dans ce cycle, 68,8% des écoles disposent de toilettes. ‘’Huit des 14 régions ont un pourcentage d’écoles disposant de latrines (toilettes) inférieur à la moyenne nationale’’, détaille le document. Pourtant, l’absence de toilettes (séparées en plus) est un facteur d’abandon non négligeable, surtout chez les filles. L’accès à l’eau et à l’électricité constitue également un blocage. En zone urbaine, les établissements primaires (86,6%) disposent de point d’eau contre 53,7% en zone rurale. Quant à l’électricité, elle ne couvre que 23,2% des écoles. Les manuels scolaires ne sont pas en reste. Les ratios restent très faibles pour le moment. 

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