Publié le 11 Jan 2025 - 21:08
PORTRAIT DU PHOTOGRAPHE ET RÉALISATEUR EL-JUNIO

Massow Ka, l’œil qui préserve les mémoires

 

Il est l’un des talents de la photographie sénégalaise. Massow Ka, un Saint-Louisien, connu sous le pseudonyme artistique d’El-Junio, tisse tranquillement sa toile. Le photographe et réalisateur de documentaires autodidacte incarne l'essence d’un artiste profondément enraciné dans sa terre natale. Ainsi, à travers ses œuvres, il sublime la richesse et la diversité culturelle du pays. Découvrez dans ce portrait un talent inégalé de la photographie.

 

Connu pour avoir remporté le prestigieux prix Wido avec son documentaire ¨Yaram¨, lors du Festival international du documentaire de Saint-Louis, l’artiste Massow Ka a traversé de nombreuses étapes avant de décrocher cette distinction. Ce prix, bien plus qu’une simple reconnaissance, a confirmé le fruit de son talent et l’excellence de son art. Toutefois, El-Junio a toujours été un artiste engagé, en faisant de son art un pont entre l’écologie, la société, la culture et la mémoire collective. ¨Depuis plus d’une décennie, mon parcours me conduit à explorer les interconnexions entre l’écologie, la société, la culture et la mémoire, des champs complexes où se déploient les conséquences des décisions politiques nationales de maintenant et d’avant¨, explique-t-il.

Derrière ses images, El-Junio dévoile des instants chargés d’émotions et des lieux empreints d’histoires. Il explique : ¨La photographie me permet également d’interroger notre rapport au réel et à quelquefois raviver la mémoire collective.

En effet, dans ce projet, il a capturé chaque instant qui constitue l’essence d’une histoire. Autrement dit, il fait de la photographie un outil puissant pour préserver la mémoire collective et interroger le patrimoine. Chaque cliché devient alors un témoignage, une exploration des récits non racontés qui façonnent cette société. ‘’Je dis toujours que par le visuel, que ce soit le cinéma ou la photographie, je cherche à aborder des questions sensibles liées à nos lieux de vie pour qu’elles puissent être discutées. L’image est mon propre langage d’écriture, tout comme un écrivain utilise les mots pour s’exprimer. Aujourd’hui, mon travail s’oriente davantage vers les enfants, car ils sont les futurs acteurs qui devront gérer les problématiques que j’évoque dans mes œuvres. C’est dans cette optique que j’ai repensé mes explorations pour intégrer le son, afin de rendre mon travail plus accessible à tous, et particulièrement aux plus jeunes’’, explique-t-il. ‘’Mon dernier projet, Gàdday, réalisé en collaboration avec Pr Marion Fresia, Dr Loick Brüning et Dre Alice Sala de l’Université de Neuchâtel en Suisse, explore la question de la migration climatique, un sujet essentiel et complexe qui touchera directement les générations futures, cette question m’interesse depuis que j’ai découvert la situation des populations déplacées du bord de mer de làlangue de barbarie’’, cite-t-il à titre d’exemple. Dans la même optique, il a rappelé:  ‘’depuis décembre, j’ai également mis en place un studio éphémère à l’espace Ndar Wessul de HaHaTay avec le concept Portalema. Ce studio est un lieu où je reçois les habitants de Saint-Louis pour se faire photographier, mais aussi pour échanger autour des questions liées à la ville. Ce projet contribue à l’animation et à la dynamique culturelle de la ville tout en nourrissant mes recherches artistiques. Ce concept, Portalema que j’explore depuis le début de ma carrière, reflète mon engagement envers ma communauté et ma volonté de créer des espaces de dialogue à travers la photographie’’.

Toutefois, cette passion pour la photographie remonte à bien plus longtemps. La photographie est liée à El-Junio et à son histoire depuis l’enfance. Tout commence dans les rues de Saint-Louis, ville natale de l’artiste. ¨Mon amour pour la photographie est né de ma volonté de raconter des histoires, de capturer des moments significatifs et de documenter les réalités de ma ville et de ma communauté’’.

Massow Ka y pose également les premières pierres de sa carrière artistique. ¨J’ai commencé avec un appareil rudimentaire. A l’époque, je faisais des portraits. Puis, en dehors de mes activités professionnelles, des captures de moments forts lors d’événements artistiques¨, relate M. K. Ces débuts modestes vont peu à peu laisser place à une carrière marquée par des expositions dans des lieux prestigieux, tant au Sénégal qu’à l’international.

Une carrière marquée par des expositions

Sa carrière décolle en 2016, lorsqu'il commence à présenter ses travaux lors d'événements de grande envergure. Il expose alors dans divers cadres prestigieux tels que Saint-Louis, en France et en Suisse, ainsi qu'aux Biennales de Bamako, à Fotosa de Ouagadougou et aux Rencontres photographiques de Rabat. Poursuivant sur cette lancée, il participe également au Salon national des arts du Sénégal, à l'exposition Photo Art au Bénin et au Musée de la photographie de Saint-Louis. Des opportunités d'exposition qui vont témoigner de son talent et renforcer sa reconnaissance sur la scène artistique internationale. ¨En 2023, mon documentaire ‘Yaram’ a remporté le prestigieux prix Wido, lors de sa première sélection au Festival international du documentaire de Saint-Louis’’. Par la suite, il a été sélectionné dans de nombreux festivals à travers le monde, notamment en Afrique, au Canada et en Europe. Il confie que ce moment a été pour lui le plus fort de sa carrière. ¨Ce prix a été une reconnaissance importante de mon travail et de mon engagement artistiques¨, reconnait-il.  

C’est aussi cette redevabilité et cette reconnaissance qui le définissent.  Autodidacte, il souligne : ¨Je dois tout à Saint-Louis, au Sénégal. Je suis autodidacte, ce qui veut dire que j’ai connu l’art sans passer par une école d’art. Ceci fait que j’ai fini par croire fortement que la transmission est une nécessité¨. Pour El-Junio, la transmission est un devoir et il transmet par son art ses émotions, ses connaissances, son expertise et sa manière de voir le monde.  À travers ce visuel, il cherche surtout à aborder des questions sensibles. ¨Des questions liées à nos lieux de vie pour qu’elles puissent être discutées. Aujourd’hui, mon travail s’oriente plus vers les enfants, car ils sont les futurs acteurs qui devront gérer les problématiques que j’évoque dans mes œuvres¨.

La personne derrière l’artiste

Massow Ka, à côté de l’artiste, est un époux, mais également un entrepreneur dans le domaine de l’informatique, des réseaux et de la télésurveillance. Cependant, il a mis en pause son activité entrepreneuriale depuis deux ans pour se consacrer pleinement à sa carrière artistique. En parallèle, il est volontaire dans des projets culturels tels que des festivals, des expositions et des formations. ¨Chaque année, je consacre 15 jours à offrir des formations de manière volontaire, car je crois fermement que la transmission est un devoir¨, déclare Junio.

Il se décrit aussi comme une photographe ayant l’esprit d’enfant : ¨Il n’y a que les enfants pour voir des merveilles dans des lieux et des moments simples, pour poursuivre des instants afin de les capturer sans les garder pour eux. Les adultes gardent les fleurs pour eux dans des vases, les enfants se mettent face à la plante pour les regarder.¨

Mais pour couronner le tout, Massow Ka est un perfectionniste dans son quotidien. ¨J’adore bien faire les choses¨, lance-t-il.

Les difficultés autour de son art

D’après El-Junio, la photographie est un secteur qui marche bien, mais est confrontée à des écueils majeurs. Il souligne de ce fait l’investissement. ¨Il y a une dimension de recherche avant la production artistique, puisqu’un projet artistique a toujours besoin d’un temps de maturation et a un coût très élevé¨. Pour lui, c’est un défi majeur. Autrement dit, les principaux défis résident dans le manque de soutien et de financement pour les projets artistiques ainsi que dans la difficulté de toucher un public plus large. ¨Surtout dans les régions où l’art est moins valorisé’’.

Toutefois, il reste optimiste et réaffirme son engagement dans l’exploration des thématiques sensibles et complexes, en y intégrant des éléments sonores et interactifs pour rendre ses œuvres plus accessibles, surtout aux enfants. ¨Je veux que mon travail ouvre des discussions et participe activement au développement culturel de ma communauté¨.

Pour le futur, El-Junio, s’assigne comme mission la vulgarisation du travail artistique en faisant des expos hors musée, hors galerie, extra-muros. ¨Comme on dit, organiser la rencontre de mes œuvres avec le public qui ne fréquente pas les lieux d’exposition. En quelques mots, je veux élargir le champ des rencontres¨, insiste l’artiste.

Ainsi, pour El-Junio, bien que sa doctrine ne soit pas encore complète, il conseille aux jeunes photographes de continuer à explorer et à raconter leurs histoires personnelles avec patience et persévérance. ¨Un photographe s’inscrit dans le réel quand les autres essaient de dominer le réel. Et surtout, je rappellerai que la photographie n’est pas seulement une technique, mais un moyen de dialoguer avec le monde. ¨

Thécia P. NYOMBA EKOMIE

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