Le miracle interdit !
On n'attendra pas trop du futur président de la République française qui sera élu ce dimanche 6 mai 2012 ! Après autant de déceptions et de frustrations accumulées durant plusieurs décennies, les Africains en général, les Sénégalais en particulier, peuvent s'interdire tout enthousiasme débordant qui les ferait retomber dans le cycle des éternels questionnements liés à la nature véritable des relations franco-africaines. Sans doute, les Français, d'après les sondages, souhaitent majoritairement que Sarkozy s'en aille voir ailleurs. Clivant, intolérant, manipulateur, cynique, le président sortant concentre sur sa personne tout ce qui peut rendre un homme politique détestable, jusque dans sa propre famille idéologique. Dépourvu d'états d'âme, il a élevé les thèmes «Immigrés», «Musulmans» et même «Roms» en objets de politique intérieure comme jamais un responsable de son niveau n'a osé le faire dans l'histoire de la France contemporaine. Sarkozy, éthiquement et concrètement militant de la droite extrême, a démontré qu'il est prêt à Tout pour assouvir ses ambitions. Ses adresses de Cotonou et du Cap, avant et après le condescendant «discours de Dakar», ont révélé en lui un homme aux convictions plus tournoyantes qu'une girouette.
Pour autant, qu'avons-nous à attendre du vainqueur annoncé, François Hollande ? Un peu plus de respect ? Un brin de solidarité moins intéressée ? Une franche collaboration ? C'est peut-être autant d'histoires tout cela ! Dans cette jungle impitoyable qu'est devenue la coopération internationale, les Etats ont la stature qu'ils acceptent de se donner, et les peuples, le respect qu'ils méritent d'avoir. Le problème avec cette France sarkozyste compatible au lepénisme, c'est qu'il y existe une superstructure politicienne-affairiste qui s'est placée de fait au-dessus des prérogatives légales dont peut disposer le président de la République. Trivialement, on l'appelle la Françafrique. Aux Etats-Unis, cela s'appelle autrement : l'Etat profond.
Clairement, il est préférable que l'agité-président sortant débarrasse le plancher des affaires autant pour des raisons propres aux Français qu'à des griefs venus d'Afrique. Mais faudrait-il oublier que c'est avec deux ministres de l'Intérieur de la Gauche socialiste, Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant, que l'ère de la répression administrative contre les immigrés a commencé ?
Hollande ou Sarkozy ? Vivement que le second soit vaincu, et largement. Mais cela changerait quoi au principe tordu de la libre circulation des personnes si les Consulats de France à Dakar, Abidjan ou Yaoundé doivent continuer à s'enrichir autour du business sur le visa accordé ou rejeté ? Cela changerait quoi si des cellules dormantes de fonctionnaires militants ou sympathisants du Front national doivent continuer à appliquer la mécanique du «non» à l'entrée sur le territoire français ? Le contre-discours annoncé de Dakar et la mise à l'épreuve du successeur potentiel de Sarkozy donneront un début de réponse aux inquiétudes de l'Afrique.
MOMAR DIENG