Trois mois avec sursis, désistement de la partie civile
Le procès dit des paysans sans terre de Diokoul (Communauté rurale du département de Kébémer) a connu son dénouement. Les douze paysans ont écopé d'une peine de trois mois avec sursis.
Les faits remontent au 9 février 2012. Ce jour-là, le Président Abdoulaye Wade, candidat à sa propre succession, faisait campagne dans son fief de Kébémer. Pendant ce temps, à une dizaine de kilomètres de là, sur la route de Lompoul, la ferme Mame Tolla (du nom du père de l’ex-Président) recevait la visite de gens furieux venus détruire les barrières de protection érigées en guise de clôture. Et les auteurs furent identifiés comme étant des paysans qui, pendant très longtemps, cultivaient sur ces terres. Les tenants de la ferme soutenaient avoir bénéficié de 2070 hectares au total. Douze personnes furent arrêtées par la Gendarmerie et déférées à Louga, pour association de malfaiteurs, destruction de clôture, et menaces de mort pour l’un d’eux, en l’occurrence Moustapha Nguer. Après trois mois de détention, les paysans obtinrent une liberté provisoire. Cette demande, d’abord rejetée par le parquet de Louga, puis par la Cour d’appel de Saint-Louis, a été accordée par la Cour de Cassation de Dakar.
Appelés hier à la barre du tribunal correctionnel de Louga, après quatre renvois dus à l’absence de la partie civile, les prévenus ont été relaxés des chefs d’accusation d’association de malfaiteurs et de menaces de mort. Mais ils ont été reconnus coupables de destruction de clôture, malgré le désistement de la partie civile, Bassirou Mbacké, administrateur général de la ferme Mame Tolla. En lieu et place d’un réquisitoire, le Procureur a demandé l’application de la loi. Auparavant, il s’est fâché contre Me Landing Badji, avocat de la défense, à qui il a reproché de faire des jugements de valeur sur le parquet. Le défenseur des paysans a regretté que cette affaire ait traîné, alors qu’elle aurait dû être vidée depuis longtemps. Cet incident a occasionné une suspension d’audience.
Parmi les témoins appelés à la barre, le président de la Communauté rurale de Diokoul Diawrigne, Moustapha Bâ, a indiqué que nulle part dans les archives laissées par son prédécesseur, ''il n’a été mentionné un acte de désaffectation de ces terres''. Une assertion qui a donné du poids à l’avocat des paysans, qui auparavant a déclaré : ''Si la société Mame Tolla prétend avoir acquis ces terres par une délibération du Conseil rural, en date du 21 juillet 2005, cela n’a jusqu’ici pas encore été notifié à chacun des paysans concernés conformément au Décret 72- 1288. Pire, aucun des paysans n’a reçu la mise en demeure, préalable obligatoire à toute décision de désaffectation d’office''.
Moustapha Seck