Ce qu’il faut savoir de la première chambre qui va juger Ousmane Sonko
Premier président de la Cour d’appel, Amady Diouf est également le président de la première chambre criminelle et correctionnelle et pourrait, à ce titre, avoir un pouvoir direct ou indirect sur le sort d’Ousmane Sonko. Certains y voient une menace sur le principe du double degré de juridiction.
Les derniers chamboulements au niveau de la juridiction de Dakar continuent de susciter des questionnements et d’aucuns ne manquent pas de s’interroger sur le sort de certains justiciables. Dans le débat public, il y a surtout le cas Ousmane Sonko qui revient et qui cristallise les attentions. Pourquoi avoir confié l’affaire à la Première chambre, dont le président n’est autre que Monsieur Amady Diouf, également premier président de la Cour d’appel ? Cette question est d’autant plus valable que Monsieur Diouf a eu à connaitre de l’affaire en première instance, non en tant que juge, mais en tant que chef du parquet de Dakar.
Alors procureur de la République près le tribunal de Grande instance hors classe de Dakar, son parquet avait été accusé par les avocats de la défense d’avoir corsé le dossier comme pour enfoncer leur client. En effet, dénonçaient Me Khoureyssi Ba et Cie, c’est le ministère public dirigé par Amady Diouf qui avait ajouté les chefs d’injures publiques, faux et usage de faux et qui avait joué un rôle actif dans ce dossier censé être privé. Mieux, au-delà de la mise en mouvement de l’action publique, le parquet sous la direction d’Amady Diouf était encore là, lors des deux premières audiences reportées les 2 et 16 février, avant que Monsieur Diouf ne soit promu à la Cour d’appel, non comme chef de parquet, mais comme premier président. Déjà, certains craignaient cette éventualité de le voir mener des affaires impliquant l’opposant politique radical, des affaires dans lesquelles il s’était illustré en tant que maitre des poursuites.
Amady Diouf va-t-il présider l’audience du lundi entre Ousmane Sonko et Mame Mbaye Niang ? La question est sur toutes les lèvres. D’autant plus que l’hypothèse avait été évoquée dans son édition d’hier par le quotidien Bés Bi. Mais selon certains avocats joints par EnQuête, cela étonnerait. ‘’Ce serait ubuesque. Je suis presque sûr que ce ne sera pas le cas, mais bon, on est aussi au Sénégal, il ne faut jamais dire jamais’’, confie la robe noire, non sans relever qu’il ne saurait en dire plus pour le moment.
Des avocats dédramatisent et espèrent qu’il ne va pas présider ce procès dont il a été un acteur majeur
Ce qui est répété en revanche par beaucoup de sources, c’est que c’est bien Monsieur Amady Diouf, Premier président de la Cour d’appel, qui préside également la première chambre criminelle et correctionnelle. C’est d’ailleurs là la première rupture par rapport à son prédécesseur Aly Ciré Ba qui lui n’était pas président de chambre, selon un de nos interlocuteurs. ‘’On peut même se demander quelle est la pertinence. Il faut savoir que le premier président de la Cour d’appel a la latitude de présider toutes les chambres, même la chambre d’accusation. Il n’a donc pas besoin d’être président de chambre.’’
Malgré ces assurances, le nouveau patron de la Cour d’appel de Dakar a opté de diriger lui-même la première chambre qui siège tous les lundis. La loi lui permet-il de siéger dans le dossier Mame Mbaye Niang contre Sonko, ce praticien explique : ‘’En fait, pour les juges, la question ne se pose pas. Un juge qui a connu d’une affaire en première instance ne peut en connaitre en appel. C’est expressément interdit au nom du double degré de juridiction. Mais, pour le cas du procureur, il n’y a pas d’interdiction formelle, mais, il peut être récusé.’’ Quoi qu’il en soit, en tant que double patron de la chambre, Amady Diouf a toujours le pouvoir de direction et a son mot à dire sur celui de ces suppléants qui va le suppléer au cas où il décide de ne pas siéger.
Outre le premier président, les autres juges membres de la première chambre criminelle et correctionnelle sont : les Conseillers Mamadou Cissé Fall et Elisabeth Gueye Mbengue, les suppléants Massaer Sarr et Falilou Ly. Ils sont complétés par le greffier Souleye Oumar Ba. Quant à la deuxième chambre qui siège le mardi, elle est présidée par la juge Anta Ndiaye, complétée par les conseillers Saliou Ndiaye et Ousmane Racine Thione, la suppléante Aissetou Kanté, avec le greffier Mouhamadou Mansour Sall.
Il faut souligner, qu’avec le dernier réaménagement des chambres, les risques de porter atteinte au principe sacro-saint du double degré de juridiction ne concernent pas seulement la première chambre et l’affaire Mame Mbaye Niang Ousmane Sonko. D’autres affaires sont exposées à la même menace. C’est la même chose pour l’ancienne présidente du tribunal du travail qui se retrouve présidente de la chambre sociale au niveau de la Cour d’appel. En tant que présidente, elle va également connaitre des affaires qui ont été tranchées par sa propre juridiction. ‘’Même s’ils ne siègent pas, ce qui est sûr c’est qu’en termes d’orientation, ils vont peser, alors que leur impartialité est en jeu.’’
MOR AMAR