Le choc des robes noires
La procédure d’enrichissement illicite déclenchée par l’État du Sénégal contre certains anciens dignitaires du régime libéral, avec en tête Karim Wade, accusé de s’être enrichi à hauteur de 694 milliards de francs Cfa qui représenteraient ses parts dans plusieurs sociétés, a mobilisé plusieurs ténors du Barreau sénégalais. Pour ou contre le fils de l'ex-président de la République, un pool d’avocats s’est constitué de part et d’autre.
À côté de la bataille de procédure pour entériner ou faire annuler une décision de justice, la bataille médiatique fait rage entre les deux camps. À côté des sorties médiatiques des défenseurs de Karim Wade, les avocats de l'État semblent avoir choisi de se faire entendre le moins possible, laissant un boulevard aux deux «vedettes» de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (Crei), Alioune Ndaw (procureur spécial) et Antoine Diome (substitut). En tout cas d’un côté comme de l’autre, les avocats commis sont de renom et leur notoriété dépassent nos frontières. Profils de certains d'entre eux..
Défenseurs de Karim Wade
Ciré Clédor Ly : le procédurier
Du côté de Karim Wade, il y a le célèbre Me Ciré Clédor Ly. Né le 17 septembre 1957 à Guinguinéo (région de Fatick), Me Ly est inscrit à la 81ème place au tableau de l’Ordre des avocats du Sénégal (Odavs). Il y a signé son entrée en 1983. Avec 33 années d’expérience, l’avocat a été présent dans les grands dossiers de détournement de derniers publics au Sénégal depuis 1983 (Sicap, Ipres, Caisse de Péréquation et de Stabilisation des Prix, détournement par des Inspecteurs du Trésor, des Impôts et Domaines, à la Poste, etc.) et douaniers (Affaire Adel Korban). Sans oublier l’affaire Feu Ino et Alex, noms de grands caïds des années 90. Surnommé ‘’Me de la Procédure’’ par les uns, «Goukouni» (Ndlr : Goukouni Weddaye, ancien leader militaire et politique tchadien), Me Ly a une renommée internationale. Inscrit sur la liste des conseils près la Cour pénale internationale (Cpi) et près le Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir), il fait partie des avocats de l'ex-couple présidentiel Gbagbo et de Hissène Habré.
Demba Ciré Bathily : accroc aux droits humains
À ses côtés, il y a Me Demba Ciré Bathily. 144ème dans le tableau de l’Odavs, l’avocat quinquagénaire a été président de la section sénégalaise d’Amnesty international. Militant des droits de l’homme, Me Bathily s’est toujours constitué du côté des ‘’opprimés’’. À ce titre, le titulaire d’un DEA à l’Institut des droits de l’homme et de la paix (Idhp), fait partie des conseils des victimes de Hissène Habré. Le voici aux côtés d'anciens dignitaires du régime libéral rattrapés par leur gestion.
Mouhamed Seydou Diagne : l’art du droit sportif
Pas très fréquent à la barre, il est pourtant avocat depuis 1999, à la 224ème place au tableau de l’Odavs. Me Diagne pourrait être présenté comme un avocat sportif justement pour sa maîtrise du droit sportif. À ce titre, il est conseiller juridique du Comité national olympique et sportif sénégalais (Cnoss) et membre de la Fédération équestre.
Avocats de l'État
Moussa Félix Sow : sentinelle de la bonne gouvernance
Du côté de l’État, la bataille judiciaire est conduite par l’ancien bâtonnier, Me Moussa Félix Sow. 52ème au tableau de l’Odavs, Me Sow a été le premier à dénoncer l’enrichissement supposé illicite des anciens dignitaires du Parti démocratique sénégalais (Pds). Au lendemain de la présidentielle de 2012, ce responsable du Forum civil jetait un énorme pavé dans la mare, en soutenant que 430 milliards de francs Cfa avaient été détournés par le régime sortant et placés dans les pays du Golf. Réputé rigoureux, Me Sow est conseiller juridique de plusieurs sociétés nationales.
Aly Fall : rigueur dans les procédures
Me Aly Fall a, lui aussi, la lourde tâche de plaider un dossier aussi sulfureux que la traque des biens mal acquis. Ancien stagiaire de Me Moussa Félix Sow, il est robe noire depuis 1999. Né en 1962 à Thiès, il est présenté comme un avocat d’affaires, mais apprécié pour sa ‘’rigueur’’ en matière de procédure. Chargé des questions juridiques du parti Rewmi, il a été l’avocat d'Idrissa Seck dans l’affaire des Chantiers de Thiès en 2005. Dans ce même dossier, il a défendu l’entrepreneur Bara Tall dans le bras de fer qui l’opposait à l’ancien régime. Dans l'affaire Sudatel qui vaut à Thierno Ousmane Sy (ex-conseiller en Ntic de Me Wade) de séjourner en prison en attendant le procès, il est l'avocat de Latif Coulibaly, ministre de la Bonne gouvernance, qu'il conseille également face à l'industriel Abass Jaber.
Pape Samba Bitèye : ingénieur financier
Rarement à la barre, Me Pape Samba Bitèye capitalise 19 années d’expérience après un cursus scolaire exclusivement local. Vers les années 2000, il avait quitté le barreau pour acquérir du vécu en consultance en entreprise. Sept ans plus tard, il retrouve ses pairs auréolé du titre de juriste d’entreprise, en même temps que spécialiste des questions liées à l’Organisation mondiale du commerce (Omc) et au trading, de partenariat... Une expertise qui lui vaut une belle notoriété en ingénierie financière.
FATOU SY