L’État chiffre ses priorités
Le chef de l’État a indiqué récemment vouloir remporter la bataille contre la vie chère. Le projet de loi de finances (PLF) 2023 donne des indications sur les leviers que compte activer l’État pour y parvenir.
L’année 2023 devrait inscrire le Sénégal dans une nouvelle ère de pays producteur de pétrole et de gaz. Ainsi, le projet de loi de finances (PLF) 2023 est bâti sur une projection de croissance à deux chiffres, soit 10,1 %, contre un taux de 4,8 % estimé pour l’année 2022. Selon le projet de loi de finances pour 2023, cette croissance devra être entièrement tirée par le secondaire (+22,4 %) et, dans une moindre mesure, par les secteurs primaire (+4,9 %) et tertiaire (+6,7 %).
À moyen terme, poursuit le document, la croissance devrait être fortement stimulée par le début de la production d’hydrocarbures et ses externalités à travers les projets Grande Tortue Ahmeyin (GTA) et Sangomar. ‘’En effet, la production d’hydrocarbures contribuerait à une relance du secteur secondaire avec une prévision de +22,4 %, principalement tirée par les performances du sous-secteur des extractives (+158,7 %). De même, les secteurs tertiaire et primaire seraient consolidés pour sortir des taux de croissance respectifs de +6,9 % et 4,9 %’’, renseigne le document.
Également, on apprend que le montant des recettes attendues s’établit à 4 096,4 milliards F CFA, contre 3 647,8 milliards F CFA pour l’année 2022, soit une augmentation de 448,6 milliards F CFA (+12,3 %). Les recettes internes seront de l’ordre de 3 640,5 milliards F CFA ; les dons budgétaires et en capital de 279 milliards F CFA ; et les recettes des comptes spéciaux du Trésor de 176,9 milliards F CFA.
À travers donc ce budget, l’État compte apporter des réponses aux urgences sociales, dans un contexte où il invite à s’habituer à vivre avec les virus. De ce fait, il veut développer des stratégies de résilience. D’autant que ‘’la pandémie a révélé l’importance d’allouer davantage de ressources à la recherche sur les maladies infectieuses et virales ; de recruter encore plus de médecins, d’infirmiers et de sages-femmes ; de relever le niveau du plateau médical ; de construire des établissements de santé de dernière génération et de produire soi-même tous les médicaments essentiels non brevetés’’.
Dans le même temps, il faut résister aux conséquences du changement climatique qui représente, selon le document, un défi budgétaire colossal lié notamment à la prévention et à la lutte contre les inondations, à la maîtrise de l’eau dans l’agriculture, à l’entretien des infrastructures routières et à l’assainissement de notre cadre de vie. Également, le contexte est complexifié par ‘’le retour de l’inflation’’. ‘’Presque partout, souligne le document, les prix des biens de consommation courante, mais aussi des équipements et intrants industriels sont montés en flèche, avec notamment des conséquences très sévères sur le pouvoir d’achat des ménages. À la fin du mois de juillet 2022, l’inflation s’élevait à 11 % en glissement annuel, notamment expliquée par la hausse des prix alimentaires de 17,2 % en un an. À cause des chocs exogènes, la tension inflationniste devrait perdurer et s’accentuer en 2022, atteignant 8,7 %, selon les prévisions économiques. Les facteurs à l’origine de l’inflation n’ayant pas disparu, le gouvernement entend continuer à protéger les Sénégalais contre ses effets les plus néfastes, un choix clairement affiché par le projet de budget 2023’’.
À cela s’ajoutent les tensions sur le marché du pétrole. Or, fait-on remarquer, ‘’un pétrole cher signifie des tarifs d’électricité plus élevés, un carburant plus onéreux, un renchérissement des coûts de transports internationaux, des charges accrues pour la plupart des entreprises (qu’elles seront obligées de répercuter sur les prix de leurs propres produits), une baisse du pouvoir d’achat des ménages. En résumé : une dégradation de la conjoncture économique et des conditions de vie des ménages, dont certains peuvent être entrainés dans la précarité’’.
Les réponses budgétaires
Face à ces nombreux défis, l’État, à travers le projet de loi, apporte des réponses budgétaires. Mercredi dernier, le communiqué du conseil des ministres a renseigné que le budget 2023 est arrêté à la somme de 6 400 milliards de FCfa. La première réponse sera les recettes fiscales. Selon le texte, elles sont projetées à 3 486,7 milliards F CFA dans le projet de loi de finances de l’année 2023, contre 3 052,1 milliards F CFA dans la loi de finances rectificative (LFR) de 2022, soit une hausse de 434,6 milliards F CFA en valeur absolue et 14,2 % en valeur relative.
‘’Ces bonnes perspectives sont expliquées par l’accélération de la mise en œuvre de la Stratégie des recettes à moyen terme (SRMT), qui fédère et coordonne l’action des services de l’État pour une mobilisation efficiente des ressources publiques’’, dit-on.
Le document souligne aussi que 2023 sera la première année de collecte de ressources fiscales directement issues de l’exploitation des ressources d’hydrocarbures appartenant au Sénégal. ‘’À ce titre, 19,8 milliards de CFA sont attendus au niveau des recettes fiscales et qui seront destinés au budget général’’.
Le deuxième levier concerne les recettes non fiscales qui, selon le projet de loi de finances de l’année 2023, ‘’vont connaître une baisse de 26,2 milliards F CFA en 2023, comparativement à la LFR 2022, du fait de la non-reconduction d’une recette exceptionnelle (vente de terrains CDC). Elles vont passer de 180 à 153,8 milliards F CFA, avec notamment la collecte d’un montant de 14 milliards F CFA de recettes non fiscales tirées de l’exploitation des ressources d’hydrocarbures au budget général. Les tirages sur dons en capital vont augmenter de 12,3 milliards F CFA, passant de 220 à 232,3 milliards F CFA, tandis que les dons budgétaires seront relativement stables, avec une légère progression de 0,7 milliard F CFA (46 à 46,7 milliards F CFA)’’.
Ainsi, ‘’globalement, poursuit le texte, le budget 2023 enregistre des recettes fiscales et non fiscales provenant de l’exploitation des hydrocarbures d’un montant de 51,6 milliards F CFA répartis, conformément à la loi portant sur les hydrocarbures, dont 33,7 milliards F CFA pour le budget général et 17,9 milliards F CFA pour les comptes spéciaux du Trésor suivants : - Fonds intergénérationnel : 5,2 milliards F CFA ; - Fonds de stabilisation : 12,7 milliards F CFA’’.
Troisièmement, le Sénégal va poursuivre sa politique d’endettement. Selon le document, les intérêts de la dette vont passer de 350 milliards F CFA dans la LFR 2022 à 424,32 milliards F CFA dans le PLF 2023, soit une hausse de 74,3 milliards F CFA en valeur absolue et 21,24 % en valeur relative.
‘’C’est un poste budgétaire important, mais c’est aussi l’expression d’un choix de politique économique. Le Sénégal continue de bénéficier de la confiance de la communauté financière internationale et présente un profil de risque modéré, grâce à une gestion prudente de son endettement, ses performances économiques avec des taux de croissance appréciables, la bonne tenue de ses finances publiques et la qualité de ses politiques publiques qui le placent sur la voie de l’émergence’’, justifie-t-on. En soulignant que le Sénégal ‘’poursuivra une politique prudente d’endettement privilégiant le recours accentué à des emprunts concessionnels, les emprunts non concessionnels n’étant retenus que pour les investissements à niveau de rendement très élevé’’.
Les dépenses de personnel augmentent de 236 milliards F CFA
À travers ses réponses budgétaires, l’État entend soutenir le pouvoir d’achat des ménages, en agissant sur plusieurs leviers pour maîtriser les prix et améliorer les revenus, afin de préserver au mieux le pouvoir d’achat des citoyens. De ce fait, ‘’un montant de 450 milliards F CFA est prévu pour 2023 dont 350 milliards F CFA pour le secteur de l’énergie. Toutefois, des mesures sont prévues à travers une feuille de route, en vue d’une maitrise des subventions pour éviter des dérapages susceptibles de porter atteinte aux équilibres budgétaires’’.
S’agissant des denrées alimentaires, le gouvernement compte renforcer les mesures de soutien à la filière rizicole par l’octroi d’une subvention de 32 F CFA par kilogramme, dont 30 F CFA au profit des producteurs et 2 F CFA au profit des transformateurs. D’autres mesures sont prévues, notamment la consolidation des bases pour notre souveraineté alimentaire, en tirant le meilleur parti du potentiel de ressources du pays ; une meilleure valorisation de nos produits et une promotion du ‘’consommer local’’ ; le renforcement des moyens de surveillance des marchés (moyens logistiques et humains, approvisionnement du marché…) ; la réorganisation et l’assainissement des circuits de distribution et le suivi du respect des règles liées à la concurrence ; la simplification des procédures d’importation, le décongestionnement du port de Dakar et la maitrise les droits et frais de passage portuaires qui ont un impact aggravant sur les prix intérieurs.
L’État souhaite aussi agir sur les revenus des consommateurs. Selon le projet de loi de finances 2023, les dépenses de personnel vont augmenter de 236 milliards F CFA (22,76 % de hausse), puisqu’elles s’établissent à 1 273 milliards F CFA, contre 1 037 milliards F CFA dans la LFR de 2022. ‘’L’État, explique-t-on, a fait le choix de revaloriser significativement la rémunération de l’ensemble de ses agents, en 2022, pour un coût global de 120 milliards F CFA’’.
GASTON COLY